Henry Chanay

Légende :

Henry Chanay, Michel, Grand MichelEmmanuel, chef de mission interalliée, DMR par intérim, sans date

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © DAVCC Caen Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc.

Date document : Sans date

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Var - Signes

Ajouter au bloc-notes

Contexte historique

Henry Marie Louis Étienne Chanay naquit le 11 août 1913 à Verdun (Meuse) d’un père lieutenant au 5e régiment d’artillerie à pied. Officier d’artillerie coloniale en Afrique, Henry Chanay choisit, pendant la Seconde Guerre mondiale, de rejoindre la France libre. En 1944, après avoir suivi l’entraînement des forces spéciales au Club des Pins de Staouéli, près d’Alger, il dirigea, sous les pseudonymes de Michel, Grand Michel (du fait de sa haute taille) ou Emmanuel, la mission interalliée qui, entre mars et mai, rejoignit la Provence pour préparer le débarquement. La mission Michel comptait deux autres officiers français, Michel Lancesseur et Henri Rosencher, le major britannique (écossais) Alastair Hay, Edgar, et un capitaine américain qui ne put partir.

Henry Chanay fut parachuté en Vaucluse à la fin mars ou au début avril 1944, avec Michel Lancesseur, Victor, et Alastair Hay, Edgar. Le sous-lieutenant Granier, alias Nicole, membre de l’organisation de Résistance de l’armée (ORA), détaché auprès de la mission, les accueillit et les accompagna dans leurs déplacements. Henri Rosencher, qui, du fait de ses blessures, ne pouvait être parachuté, débarqua plus tard près de Saint-Tropez dans la nuit du 24 mai, sur la base Karikal aménagée par François Pelletier.

Plusieurs rencontres furent organisées avec des résistants des Bouches-du-Rhône, de Vaucluse ou des Basses-Alpes. Henry Chanay définit avec eux les dispositifs à mettre en place pour le jour J du débarquement. Il en fut ainsi, par exemple en mai 1944, lors de deux réunions dans les Basses-Alpes, à Thoard et à Barcelonnette où Michel confirma l’appui qui serait apporté depuis Alger par des parachutages d’hommes et de matériel. La prise de Barcelonnette fut planifiée à cette occasion.

Une villa isolée du petit village de Vinon dans le Var, sur la rive du Bas-Verdon, de fait dans la vallée de la Durance, servit de PC à l’équipe. Henri Rosencher y retrouva ses camarades pendant quelques jours. Mais la mission interalliée, dénoncée, échappa de justesse, en juin, à une descente des Allemands qui investirent la villa. Le responsable du SIPO-SD (la Gestapo) à Marseille, Ernst Dunker-Delage, nota dans son rapport dit « Catilina », écrit en juillet 1944 : « « Michel (surnom), capitaine américain surnommé Emmanuel. Réussit à fuir le 14/6/44 lors de combat avec les bandits près de Vinon, au sud de Manosque. Chef de la mission interalliée, et peut-être chef régional du maquis ».

Lors de la mobilisation de la Résistance et des combats qui accompagnèrent, dans la région, l’annonce du débarquement en Normandie, plusieurs membres de la mission se retrouvèrent à Barcelonnette. Le major Hay, Edgar, fut tué le 13 juin en défendant la ville provisoirement libérée. En l’absence de débarquement en Méditerranée, l’ordre de repli fut donné aux maquis qui avaient subi une sanglante répression. Henry Chanay transmit la consigne, en particulier lors d’une réunion dans une ferme proche du plateau de Valensole, dans les Basses-Alpes. Elle fut confirmée par le major américain Jean-Maurice Muthular d’Errecalde, qui venait d’être parachuté près de Beaumont-de-Pertuis, en Vaucluse.

Mais le SIPO-SD de Marseille, bien informé du fait de la trahison de Maurice Seignon de Possel-Deydier, Noël, agent français également venu d’Afrique du Nord, continua sa traque. Le 28 juin 1944, la Gestapo arrêta, sans pouvoir toutefois l’identifier, Louis Burdet, Circonférence, qui était le délégué militaire régional (DMR, représentant officiel d’Alger). Henry Chanay fut désigné pour en assurer l’intérim. Mais Louis Burdet fut rapidement libéré et Henry Chanay renoua les contacts avec lui et Robert Rossi, chef régional FFI. Le rapport « Catilina », déjà cité, montre que le SIPO-SD (la Gestapo) était déjà à ce moment-là sur la piste d’Henry Chanay, bien qu’il ne soit évoqué au numéro 29 que par son pseudonyme. La vague d’arrestations, d’interrogatoires, de saisies de courrier qui frappa la Résistance à Marseille, en juillet 1944, permit aux services allemands d’être avertis d’un rendez-vous des trois hommes à Marseille, au bar des Danaïdes, près de la Canebière et de l’église des Réformés. C’est à proximité de ce café, mis sous surveillance, que Henry Chanay fut interpellé, le 15 juillet 1944, par Dunker-Delage et ses hommes.

Après son arrestation, Henry Chanay fut conduit au siège de la Gestapo à Marseille, 425 rue-Paradis. Dans le livre de saisies de la police de sécurité allemande (SD), il figure page 127 sous le numéro 924, à la date du 19 juillet 1944, comme Widerstandler (résistant). Il était en possession de 1 025 francs.

Ernst Dunker-Delage rend compte, dans le rapport « Antoine » écrit le 11 août 1944, des renseignements obtenus à la suite des interrogatoires. Henry Chanay y occupe le numéro 15. Dunker reprend, à son propos, des éléments déjà évoqués dans le rapport « Catilina » du 11 juillet 1944 : « A été parachuté en France au début d’avril 1944 et a reçu d’Alger la mission de travailler et de contrôler la Résistance dans notre secteur en collaboration avec un officier anglais et un officier américain ; il devait également maintenir la liaison avec l’État-major interallié à Alger. » Il y ajoute une appréciation sur le rôle que Michel a pu jouer dans la mobilisation de juin : « Peu de temps après son arrivée en France, écrit Dunker, Chanay outrepassa ses pouvoirs et s’empara de la direction des camps du maquis. C’est ainsi que Chanay a donné l’ordre sans autorisation, le 6/6/44, de commencer les opérations de combat qui eurent lieu dans le SE de la France ». Il est vrai que la consigne d’Alger, dans les premiers jours, était de pousser à l’engagement ouvert de la Résistance dans les combats. Mais sans sous-estimer non plus les tensions qui ont pu exister entre les résistants et la mission interalliée, ces deux phrases correspondent à la vision que les autorités allemandes ont – ou souhaitent donner - de cette mobilisation, pour eux nécessairement suscitée de l’extérieur. Le petit paragraphe qui concerne Henry Chanay dans le rapport « Antoine » se termine, comme ceux qui concernent la plupart des résistants fusillés à Signes, par un laconique corps de phrase, très incomplet : « Chanay fut… le... ».

Henry Chanay fut effectivement exécuté à Signes le 18 juillet 1944 et inhumé, de manière sommaire, avec 28 autres victimes dans la « première fosse ». Sa dépouille, transportée le 17 septembre à la morgue du cimetière Saint-Pierre de Marseille (cercueil 703), fut parmi les 32 premières identifiées, sous le « nom de bataille » de « Manuel ». Le médecin légiste ne releva sur le corps ni trace de projectile, ni fracture du crâne. La dissection du cou montra des traces caractéristiques de strangulation comme la fracture de l’os et du cartilage tyroïdes. Il était toutefois impossible de préciser si cette strangulation avait été faite à la main ou au lien.

Après les obsèques nationales célébrées pour l’ensemble des martyrs de Signes au cimetière Saint-Pierre, le 21 septembre 1944, Henry Chanay fut inhumé dans le caveau des victimes du devoir sous le nom de « Michel, Emmanuel, commandant de la Résistance ». À l’issue de l’enquête menée pour l’identifier, le tribunal civil de Lyon fit savoir, le 24 octobre 1946, que le corps de Henry Chanay avait été reconnu sur fiche par son père, le colonel Chanay. Henry Chanay fut déclaré Mort pour la France.


Auteur : Robert Mencherini

Sources : Actes de naissance et de décès ; DAVCC Caen, 21P 434 948, dossier de Mort pour la France, Henry Chanay ; DAVCC Caen, 27 P 244, « Bouches-du-Rhône, charnier de Signes, Procès-verbaux d’enquête, exhumations » ; DAVCC Caen, 27 P 45, livre de saisies de la police de sécurité (SD), Marseille, commencé le 14 juin 1943 (avec jour d’inscription : Tag der Eintragung) ; archives nationales 72 AJ 104, AIII 7 bis, le Kommandeur de la SIPO et du SD de Marseille, « Rapport final (…) Affaire Catilina », Marseille, 6 juillet 1944, signé Dunker, SS Scharführer et « Rapport final sur l’identification d’un groupe de Résistance de Marseille par le Kommandeur de Lyon dans l’affaire “industriel”. L’affaire Antoine », Marseille, 11 août 1944 ; archives départementales des Bouches-du-Rhône, 58 W 20, interrogatoire de Dunker par le principal chef de la BST, à propos du rapport Antoine, 9 juillet 1945 ; Vérité, organe du mouvement de libération nationale, 1944-1945, en particulier, les numéros 1 et 42 ; presse quotidienne régionale, septembre 1944 ; Antoine Pelletier, Autrement qu’ainsi, Paris, Éd. Quintette, 1991 ; Henri Rosencher, Le sel, la cendre et la flamme, Paris, Kiron-Éditions du Félin, 2000, p. 245, 253 et sq. ; Sapin (Jacques Lécuyer) et quelques autres, Méfiez-vous du toréador, Toulon, AGPM, 1987, pp. 294 et 336 (témoignages du sous-lieutenant Granier, alias Nicole, et du sous-lieutenant Cheylus) ; Jean Garcin, De l’armistice à la Libération dans les Alpes-de-Haute-Provence, 17 juin 1940 - 20 août 1944, Digne, Imprimerie Vial, 1983, réed. 1990, p. 218, p. 321 et sq. ; Madeleine Baudoin, Témoins de la Résistance en R2, intérêt du témoignage en histoire contemporaine, thèse de doctorat d’État, Université de Provence, 1977 ; Arthur Layton Funk, Les Alliés et la Résistance. Un combat côte à côte pour libérer le Sud-Est de la France, Aix, Édisud, 2001, trad. Christine Alicot (ed. originale, Hidden Ally, Greenwood Press, 1992), pp. 24-27 ; Jean-Marie Guillon, La Résistance dans le Var, essai d’histoire politique, thèse de doctorat d’État, dir. Émile Temime, Université de Provence, Aix-en-Provence, 1989 ; Jean-Marie Guillon, notice in Maitron-en-ligne ; Robert Mencherini, Midi rouge, Ombres et lumières. Histoire politique et sociale de Marseille et des Bouches-du-Rhône, 1930 - 1950, tome 4, La Libération et les années tricolores, Paris, Syllepse, 2014, pp. 58-60.