Première parution libre de Rouge-Midi, organe régional du PCF, 24 août 1944

Légende :

Une de Rouge-Midi, organe régional du PCF, 24 août 1944

Genre : Image

Type : Journal

Source : © Archives de la Fédération des Bouches-du-Rhône du Parti communiste français Droits réservés

Détails techniques :

Document imprimé sur papier journal.

Date document : 24 août 1944

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille

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Analyse média

Le 24 août 1944, Rouge-Midi, organe régional du PCF, peut à nouveau reparaître au grand jour. Il fait partie des trois quotidiens autorisés par le CDL (comité départemental de Libération). Le bandeau, qui porte la mention « quinzième année », marque la filiation avec l'avant-guerre et la clandestinité. La manchette met l'accent sur la libération de Marseille par les Marseillais eux-mêmes et fait le lien avec la Révolution : « Dignes fils des volontaires de 1792 ».

La tribune subordonne l'action des troupes alliées à celle des FTPF, auxquels hommage est rendu dans un long article qui se poursuit en page deux, et aux troupes françaises d'Afrique du Nord. Ce thème est encore accentué dans la sous-tribune : « Le FUJP [Forces unies de la jeunesse patriotiques], les Jeunesses communistes, les Jeunes Filles et les Femmes de France et notre grand Parti communiste, aidés par toute la population, ont permis aux FFI et aux groupes armés d'écraser l'ennemi. » Le Parti communiste et les organisations qui lui sont liées ont joué, pour Rouge-Midi, le rôle d'avant-garde des masses assignées par le marxisme-léninisme. Une nette distinction est opérée entre les organisations communistes et les FFI dans la libération de Marseille. En revanche, les FFI retrouvent la première place dans la libération de Paris, sans mention de la 2e DB. L'iconographie met en avant le général de Gaulle. Les dirigeants des trois grandes puissances alliées sont également présents, sans commentaire particulier.

L'éditorial est à la fois un communiqué de victoire, un appel à la mobilisation et l'annonce de la ligne du parti.

Victoire sur Vichy et les Allemands. Dans les deux premiers paragraphes, le journal présente la libération du territoire comme acquise, grâce à l'action conjuguée du peuple, des armées alliées et de l'armée française. Un hommage particulier est rendu à l'URSS et à l'Armée rouge, créditées de l'effondrement de l'armée allemande.

Mobilisation contre les traîtres qui doivent être punis, mobilisation pour reconstruire dans l'ordre le pays sous l'égide du Comité de libération nationale. Le comité départemental de Libération et le gouvernement provisoire de la République, dirigé par le général de Gaulle, sont compactés dans la formule qui indique la ligne du parti : « Notre grand parti communiste... vous demande de vous ranger résolument derrière le Comité départemental provisoire de la République dirigé par le général de Gaulle. » Les lecteurs de Rouge-Midi sont appelés à la plus grande discipline. La justice sera rendue par la délégation municipale émanant de la Résistance, et non le fait d'initiatives individuelles. Les réquisitions spontanées de produits alimentaires sont acceptées mais ne doivent pas constituer un nouvel accaparement qui léserait le plus grand nombre : « S'il est légitime que ceux qui, pendant quatre années, ont souffert de la faim demandent maintenant un ravitaillement meilleur, et même s'emparent des stocks faits à leurs dépens, il faut que toutes ces choses se fassent dans la discipline et au profit de la population toute entière. » Le Parti communiste, au moment où il se range derrière le général de Gaulle doit tenir compte de la frustration de ceux qui rêvaient d'une prise du pouvoir et ne peut condamner toutes les initiatives populaires.

L'éditorial se termine par la référence à François Billoux, dont l'autorité dans le Parti dépasse le niveau local.

Le pied de la une consacre une large place à l'appel des Femmes de France, organisation féminine du Parti communiste. L'article rappelle le rôle important des femmes dans la Résistance, incarnées par les deux organisations féminines communistes, les Jeunes Filles de France et les Femmes de France. Toutes les femmes sont cependant incluses dans cet hommage, même lorsqu'elles ont rempli des tâches spécifiquement féminines, infirmières de la Croix Rouge ou ménagères. Les militantes communistes étaient particulièrement présentes dans les Comités de ménagères qui manifestèrent dans le département  entre avril et juin 1943. Elles ont soutenu les mouvements de grèves qui se développaient également dans les entreprises à partir de 1943. Les femmes ne sont pas épargnées par la répression. La plus emblématique de ces  victimes est Danielle Casanova, qui fonda les Jeunes Filles de France en 1936. Danielle Casanova a réactivé les Comités de femmes contre la guerre et le fascisme créés en 1934. Ils deviennent les comités de résistance et publient dans la région le journal Femmes de Provence. Arrêtée le 15 février 1942, Danielle Casanova est déportée à Auschwitz par le convoi du 24 janvier 1943. Dans ce convoi de deux cent trente femmes, figure aussi Marie-Claude Vaillant Couturier, une des secrétaires nationales de l'Union des Jeunes Filles de France, arrêtée le 9 février 1942. Au moment où l'article est écrit, la nouvelle de la mort de Danielle Casanova est parvenue en France, mais les circonstances exactes ne sont pas connues. Danielle Casanova est morte du typhus à Auschwitz le 9 mai 1943.

Dans son éloge des femmes résistantes, Femmes de France privilégie les femmes soviétiques et, au moment où les Françaises obtiennent enfin le droit de vote, fait de l'URSS un modèle d'égalité hommes-femmes. L'article se termine par un appel à adhérer au PCF, gage d'épanouissement pour ses militantes.


Sylvie Orsoni

Contexte historique

Les combats pour la libération de Marseille commencent le 19 août 1944 lorsque des groupes italien, arménien et juif des FTP-MOI, et de FFI interviennent dans les stations de tramways et la gare Saint-Charles pour faire respecter le mot d'ordre de grève générale insurrectionnelle et bloquer les communications. Des groupes des Milices patriotiques commencent à harceler les troupes allemandes dans les secteurs de la Belle-de-Mai, de Saint-Mauront ou de Bois-Luzy. Les combats s'intensifient dans les jours suivants et sont marqués le 21 par la prise de la préfecture, où le Comité départemental de Libération s'installe, présidé par Francis Leenhardt. Le 22 août, le général de Monsabert obtient du général de Lattre, très réticent, l'autorisation de lancer deux bataillons vers Marseille. Le soir même, les tirailleurs algériens du 7e RTA (régiment de tirailleurs algériens) atteignent les faubourgs de Marseille avant de pénétrer le lendemain dans la ville. 
Le 23 août, les troupes françaises sont sur la Canebière. Le général de Monsabert essaie d'obtenir en vain du général Schaefer la reddition des troupes allemandes.
La journée du 24 août est marquée par l'installation à la préfecture de Raymond Aubrac, commissaire régional de la République, nommé par le gouvernement provisoire. La prise de la préfecture et l'installation du commissaire régional de la République marquent la victoire politique de la France libre. Mais les combats meurtriers se poursuivent, en particulier autour de Notre-Dame-de-la-Garde. Il faut attendre le 29 août pour que les dernières garnisons allemandes des îles Pomègues et Ratonneau se rendent.

Rouge-Midi est l'organe départemental du Parti communiste français. Il paraît à partir de 1930 à un rythme mensuel, puis bi-hebdomadaire, avant de devenir un quotidien. Interdit à la suite du Pacte germano-soviétique, il est diffusé clandestinement pendant la guerre, ce qui explique que l'édition du 24 août 1944 porte dans le bandeau la mention « quinzième année ». Rouge-Midi est édité dans les locaux de La Marseillaise, cours-du-Vieux-Port (aujourd'hui cours-d'Estienne-d'Orves). Le 23 août 1944, un groupe de militants du Front national et des FTPF avait investi les locaux du Petit Marseillais, grand quotidien d'avant-guerre, qui avait activement soutenu le régime de Vichy et la politique de collaboration. La rédaction de La Marseillaise, de sensibilité communiste dans sa majorité, propose de publier aussi Rouge-Midi. Rosette, l'épouse d'André Remacle qui dirige La Marseillaise, écrit dans la hâte et l'enthousiasme des articles pour les premiers numéros des deux quotidiens. Rouge-Midi tire à 100 000 exemplaires en juillet 1945.


Auteur : Sylvie Orsoni

Sources :

Robert Mencherini, La Libération et les années tricolores (1944-1947). Midi rouge, ombres et lumières, tome 4, Paris, Syllepse, 2014.

1944, La Libération, exposition du Musée d'Histoire de Marseille - 2013.