Rencontre avec Jacques Chantre, un résistant Lot-et-Garonnais déporté à Dachau

- 26 2013

Lors d’une rencontre organisée dans notre Lycée par notre professeur d’Histoire M. Frimaudeau avec Jacques Chantre, nous avons recueilli son témoignage de résistant-déporté.

Dossier réalisé par la classe de 2de Bac Pro métiers de l’Hôtellerie du lycée George Sand de Nérac (lot-et-Garonne).

Quel âge aviez-vous en 1940 et quel métier faisiez-vous ? Comment avez-vous vécu les événements qui surviennent en France à cette époque-là ?

par Collectif, 26 2013

Je suis né à Nérac en 1921. En 1942, je suis nommé instituteur à Durance, un village situé à une vingtaine de kilomètres de Nérac dans la lande lot-et-garonnaise. Dans ma famille, nous étions communistes et donc opposés à la politique de Pétain. D’ailleurs, au cours d\\\'un stage à Toulouse en 1943, j’ai refusé de me rendre à une manifestation obligatoire organisée par Vichy devant la statue de Jeanne d\\\'Arc, à l’occasion de la commémoration de la fête du travail, le 1er mai. J’ai été convoqué par le directeur de l\\\'Ecole normale qui a accepté mes raisons sans chercher à en savoir davantage.

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Quand êtes-vous rentré dans la Résistance ? Quelles actions avez-vous réalisées en tant que résistant ?

par Collectif, 26 2013

Au début du mois de juillet 1943, je rentre dans la clandestinité pour échapper à une convocation pour le service militaire que je devais effectuer dans un Chantier de jeunesse. Je suis pris en charge par des communistes de Nérac, dont Pierre Chantre, mon oncle, un cheminot responsable syndical, qui me donnent l’adresse de paysans dans les environs de Frespech et Laroque-Timbaut où je vais me cacher. J’ai distribué des tracts à Nérac puis lorsque je suis entré dans la clandestinité, j’ai volé des tickets d’alimentation dans une mairie. Quelques jours plus tard, j’ai reçu l’ordre de faire sauter la voie ferrée à Saint-Hilaire-de-Lusignan, près d’Agen. C’était en octobre 1943. On a dû s’y reprendre à deux fois car notre matériel rudimentaire n’a pas fonctionné la première fois. Le dispositif a enfin fonctionné et la voie comme le train ont sauté. Nous étions trois pour réaliser ce sabotage. L’un d’entre nous était chargé de surveiller nos bicyclettes. A la fin de l’opération, il s’est enfui et nous a dénoncés tout comme les paysans qui nous hébergeaient. Il leur a indiqué également qu’il avait rendez-vous à l’église Saint-Hilaire d’Agen avec notre chef départemental André Delacourtie, qui sera tué dans l’église par un policier français.

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Comme s’est déroulée votre arrestation ? Vous avez été condamné et emprisonné ?

par Collectif, 26 2013

Le lendemain de cette opération, en tentant de rejoindre la région de Nérac avec mon camarade Max Lagroye, j’ai été arrêté par des gendarmes sur le pont de Lamagistère en Tarn-et-Garonne car j’avais sur moi un revolver. Je n’ai pas été arrêté par les Allemands mais pas des gendarmes français. Un tribunal avec des juges venus de Toulouse nous a condamnés à sept ans de réclusion pour détention d'armes et subversion nationale. Je me suis retrouvé à la prison d’Eysses où j’y suis arrivé quelques jours avant Noël. A l’intérieur de cette prison, les prisonniers étaient libres, mais ça n’a pas duré. Lorsque des prisonniers, notamment des pilotes anglais et des résistants locaux se sont évadés début janvier 1944, la sécurité a été renforcée.

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Avez-vous participé à la révolte des prisonniers d’Eysses en février 1944 ?

par Collectif, 26 2013

En décembre 1943, cette centrale était un lieu stratégique où les autorités de Vichy avaient concentré tous les condamnés politiques de la zone Sud. Il y a eu une tentative d’évasion collective des 1 200 détenus en février 1944. J’étais dans un groupe qui a tenté de sortir de la prison, mais des gardes nous ont tiré dessus, on a donc dû se replier. On a ensuite essayé de passer par les toits mais nous n’avions pas d’armes. Notre tentative a donc échoué. Dans les jours qui ont suivi, la cour martiale installée par Joseph Darnand, secrétaire d’état au maintien de l’ordre de Vichy, venu en personne à Eysses, a condamné à mort douze camarades. Ils sont exécutés le 23 février 1944.

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Comment s’est déroulée votre déportation ? A Dachau, vos conditions de vie étaient-elles difficiles ?

par Collectif, 26 2013

Le 30 mai 1944, les prisonniers d’Eysses sont embarqués à la gare de Penne d’Agenais puis conduits au camp de Compiègne. Le 18 juin, j’ai été déporté à Dachau, en Allemagne. Plus précisément au camp de concentration d'Allach qui dépendait de Dachau. J’ai dû travailler dans une usine de BMW qui fabriquait des moteurs d'avions et de tanks. Dans ce camp, il était difficile de résister. La seule chose possible, c’était de ralentir la production. En fait, la première des résistances, c’était de sauver les copains et soi-même, de tenir le coup avec le ventre vide. Par exemple, tous les soirs deux déportés faisaient le tour des tables pour récupérer du pain pour les plus faibles. J’ai perdu beaucoup de poids, je ne faisais plus que 42 kg lorsque le camp a été libéré par les Américains. Je suis rentré chez moi le 2 juin 1945.

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Pour quelles raisons vous déplacez-vous dans les collèges et lycées à la rencontre des jeunes ?

par Collectif, 26 2013

Je le fais pour témoigner de ce que j’ai vécu. Pour que les événements que nous avons vécu, nous les jeunes de cette époque, ne se reproduisent pas aujourd’hui. Dans les années 30, il y avait comme aujourd’hui dans certains pays des mouvements d’extrême droite. Et vous savez où cela a conduit avec les régimes nazis en Allemagne ou celui de Pétain en France. Soyez donc vigilants.

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