Journal clandestin Bir-Hakeim, décembre 1943
Légende :
Journal clandestin Bir-Hakeim n°8, 31 décembre 1943
Genre : Image
Type : Journal
Source : © BNF- Gallica Droits réservés
Détails techniques :
Journal imprimé de deux pages (voir verso).
Date document : 31 décembre 1943
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Ain - Bourg-en-Bresse
Analyse média
Le huitième numéro du journal clandestin Bir-Hakeim, daté du 31 décembre 1943, édité par André Jacquelin et imprimé à Bourg-en-Bresse dans l'atelier de Joseph Michallat, publie le récit du défilé accompagné de photographies. Ce sont ces clichés qui seront exploités plus tard par la presse française clandestine ainsi que les journaux de Londres et d'Alger.
Les clichés pris au moment du défilé, au nombre de treize, parviendront à Londres par le courrier du mois de février 1944, en raison de l'interruption pendant deux mois des liaisons aériennes clandestines, due à des conditions atmosphériques détestables.
Les photos seront transmises au général de Gaulle qui est à Alger. François Morin-Forestier, chef de la délégation de la Résistance à Londres, en reçevra également un jeu. Emmanuel d'Astier de la Vigerie, commissaire national à l'Intérieur, qui vient d'achever les négociations avec Winston Churchil en vue d'armer la Résistance française, lui remet un album contenant des photos de scènes de la vie du maquis dans le Jura, la Drôme et l'Isère ainsi que les photos du défilé d'Oyonnax.
C'est beaucoup plus tard, à l'occasion de de son allocution prononcée le 25 juin 1956 devant la tombe du maquisard inconnu au Val d'Enfer à Cerdon, que le général de Gaulle ne manquera pas de rappeler à son auditoire ce fait mémorable : "Je n'oublierai jamais l'enchantement que me causèrent, à l'époque, les photos prises à Oyonnax le 11 novembre 1943 et que nos réseaux nous avaient fait parvenir à Alger."
Patrick Veyret, Histoire secrète des Maquis de l'Ain, Acteurs et enjeux, La Taillanderie, Châtillon-sur-Chalaronne, 2010.
Contexte historique
Le journal clandestin Bir-Hakeim voit le jour le 1er mars 1943 ; c'est un journal local de quatre pages qui tire son nom d'un fait d'armes des FFL en Libye (début 1942, la 1ère brigade française commandée par le général Pierre Koenig échappe à l'encerclement et rejoint les Anglais en ramenant des prisonniers italiens). Bir-Hakeim est lancé par un journaliste résistant, André Jacquelin, dit "Josserand", qui a fait des reportages sur la guerre d'Espagne et a été emprisonné à Lyon, comme Jean Nocher, pour menées subversives.
Réfugié dans l'Ain, André Jacquelin rencontre à Bourg-en-Bresse Paul Pioda de Libération-Sud. Il entre alors en contact avec Joseph Michallat, ancien combattant de 14-18, qui tient une petite imprimerie dite "Imprimerie républicaine", rue Littré à Bourg-en-Bresse ; celui-ci emploie un typographe, Monsieur Bourru, et Monsieur Page, militant socialiste. L'équipe de Bir-Hakeim se complète avec Gaby Jeanjacquot, chef de l'AS (Armée secrète) d'Oyonnax en liaison avec André Jacquelin, Albert Maréchal ainsi qu'Henri Adhémar. A Lyon, le PC de Bir-Hakeim se trouve au domicile de la famille Vial, 6 rue E. Richerand.
Le numéro de décembre 1943 rend compte du défilé d'Oyonnax le 11 novembre 1943 ; c'est André Jacquelin, caché avec sa famille à Echallon, qui prend la plupart des photos du défilé. Les articles et photos ont été largement diffusés par d'autres journaux clandestins ainsi que par les presses anglaise et américaine.
Une perquisition de la police dans les locaux de Bourg-en-Bresse échoue grâce à la complicité de l'inspecteur de police Bouvard, sympathisant de la Résistance, qui conseille à l'équipe Michallat de cesser ses activités clandestines pendant un temps. C'est alors l'imprimerie Lintanff de Morez qui prend le relais ; le journal passe de quatre à six pages.
Le problème du papier est résolu par Monsieur Novat, un industriel de Vienne, constructeur de machines pour la fabrication du papier, qui a connu André Jacquelin en prison. Monsieur Novat se met en rapport avec Monsieur Latune, directeur des Papeteries Johannot d'Annonay et résistant : il accepte de fournir un papier de qualité pour le journal. Le transport de ces journaux entre Bourg-en-Bresse et Lyon se fait essentiellement par des camions de laitiers ou par les cars Philibert.
Les photos sont traitées par Monsieur Favre, directeur de l'entreprise "Photogravure moderne" à Saint-Etienne. Les articles sont pour la plupart écrits par André Jacquelin.
Des agents acheminent Bir-Hakeim vers la Suisse et Paris. Les journaux, dissimulés par les cheminots dans le tender de la locomotive, parviennent en Suisse. A Lausanne, ils sont remis à Maître Jean Francken, qui les transmet à Paul Neyrac de l'ambassade de France à Berne, et à Monsieur Frewen-Moriton du consulat de Grande-Bretagne à Genève. Ils sont ensuite acheminés à Londres, dans une valise diplomatique, par des passeurs qui, en retour, rapportent des photos d'opérations militaires extérieures que Bir-Hakeim peut reproduire.
Les chefs collaborateurs, trompés par la qualité du papier, pensent que ce journal est imprimé à l'étranger. Philippe Henriot lui-même déclare à la radio de Vichy le 17 janvier 1944 que ce journal ne peut être fait qu'en Suisse, prenant pour preuve la qualité de la présentation, de l'impression et des photographies.
Collectif, DVD-ROM La Résistance dans l'Ain et le Haut-Jura, AERI, 2013.