Mémoire de la bataille de Montélimar

Genre : Image

Type : Photo

Producteur : cliché Alain Coustaury

Source : © Archives Alain Coustaury Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique en couleurs.

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Livron-sur-Drôme

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Analyse média

28 mai 2005, première station du parcours d’étude au pont de Livron. Les visiteurs écoutent le récit de M. Brunet ayant participé à l’exploit du commando Faure. Derrière lui, en costume cravate, André Petit, président de la Fédération des unités combattantes de la Résistance et des FFI de la Drôme.


Auteurs : Pierre Baillot

Contexte historique

Au cours des décennies ayant suivi la Seconde Guerre mondiale, la mémoire de la bataille de Montélimar n’est cultivée que rarement lors des visites du carré de bataille par les vétérans américains et allemands. Alors que, depuis l’édification du mémorial de Mirmande-Saulce, les FFI ayant accompagné les Alliés lors de ces combats se regroupent chaque année en septembre pour des dépôts de gerbe sur ce site hautement symbolique puisqu’il domine la vallée où la 19ème armée allemande fut temporairement arrêtée quelques jours après l’action d’éclat du commando FFI Henri Faure. La parution en 1989 du livre Pour l’amour de la France sous l’égide de la Fédération des unités combattantes de la Résistance et des FFI de la Drôme ainsi que les publications des historiens et chercheurs ont suscité la curiosité d’un public restreint mais passionné.
La bataille, en particulier la tactique de la 11ème Panzer-Division, est étudiée par certaines académies militaires.
Des projets d’exposition thématique et de chemins de mémoire gagneraient à être finalisés.

Par une déformation d’image apparentée à l’anamorphose, la mémoire des combats du Vercors occulte depuis 1944 celle de la sanglante bataille de Montélimar. En effet, selon Michael R.D. Foot, la tragédie du Vercors est devenue l’un des plus solides mythes de la Résistance, à cause du drame qui a touché les habitants et les combattants et de l'héroïsme des Résistants. Néanmoins, cette captation mémorielle s’explique aussi par le fait que la bataille de Montélimar se dispute principalement entre un corps d’armée états-unien et un corps d’armée allemand renforcé par la redoutée 11ème Panzer-Division. Seulement quelques centaines de FFI, principalement du bataillon AS Bernard, y accompagnent les Américains en accomplissant des actions marginales. Cette bataille intéresse peu dans la mesure où le nombre de victimes civiles a été limité et parce que peu de Français s’y sont battus, l’armée De Lattre progressant sur la rive droit du Rhône.
De plus, au cours des deux décennies qui suivirent la Libération, l’éclosion mémorielle est freinée par l’approximation, la partialité et l’inexactitude des constats réalisés. C’est notamment le cas en 1969 quand Henri Michel, à la tête du Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale, écrit : « Au nord de Montélimar, deux bataillons FTP retiendront les Allemands pendant trente-six heures, jusqu’à ce que les bombes de l’aviation américaine clouent le convoi sur la route. » Puis, en 1970, lorsque Alban Vistel, s’abstient de nommer la bataille : « Par Ouest, il faut entendre la vallée du Rhône, la résistance allemande n’a pu être brisée autour de Montélimar que le 28 août. ». Cette omission regrettable de la part du président du Comité régional de Libération explique peut-être celle d’André Kaspi en 2010. On observe, autour de 1994, cinquantenaire de la bataille, des témoins-acteurs venus soit individuellement d’Allemagne, soit en voyage organisé depuis les États-unis qui revisitent les lieux où tant de leurs camarades sont morts au combat. C’est le cas, en octobre 1996, quand une délégation du 117ème régiment de cavalerie conduite par les colonels Harrold J. Samsel et Tom Piddington se rend à Bonlieu-sur-Roubion puis au mémorial de Saulce. À son retour aux USA Samsel devait écrire : « Nous restons très marqués par le monument majestueux [Mémorial de Mirmande-Saulce] qui commémore tant de Résistants français et de soldats tombés pendant les combats. Nous avons lu la liste des soldats américains gravés sur la paroi. Il y a plus de 250 noms, dont la plupart appartiennent à la 36ème Division, et y figurent deux noms de la 117e Cavalery. » Lors de la commémoration du soixantième anniversaire, un seul vétéran américain assista à la cérémonie.
Ce sont surtout les témoignages d’acteurs et les travaux d’historiens publiés aux Etats-Unis et en Allemagne à partir de 1946 qui vont faciliter la compréhension du déroulement de la bataille dont la mémoire est formellement consignée, d’une part, dans les archives allemandes du groupe d’armées « G » et, d’autre part, dans le Report of Operations in France and Germany, de la 7ème armée états-unienne.

Dans les années cinquante et soixante sont publiés sous forme d’articles les travaux du commandant Even, du lieutenant-colonel Reynaud et du colonel suisse Montfort. Ce fonds d’archives et d’études partielles constitue un solide socle mémoriel, auquel il convient d’ajouter les enregistrements audio de témoins oculaires réalisés par Philippe Planel et quelques membres de l’association pour la mémoire de la bataille de Montélimar. Ce fonds sera exploité en 1989 par les auteurs de Pour l’amour de la France, Drôme – Vercors 1940-1944, ouvrage diffusé en Drôme-Ardèche puis complété par l’auteur du Chaudron, chronique des combats sur la rive gauche de la moyenne vallée du Rhône publié en 2007 et dont une réédition est programmée en 2012. Par ailleurs, l’équipe drômoise de l’Association pour l’Élaboration d’un CD-ROM sur la Résistance dans la Drôme (AÉRD) a poursuivi et enrichi l’étude de la bataille de Montélimar présentée en 2008 dans le dévédérom, puis dans l’exposition Drôme du musée virtuel en ligne depuis 2011. Les échos publiés dans les médias lors de la parution de ces ouvrages et à l’occasion des présentations en salle du dévédérom et du musée virtuel ont permis de commencer à faire savoir ce qui s’est réellement passé : « Une terrible bataille qui s’achève par la déroute des unités allemandes, sous les effets conjugués de l’artillerie et de l’aviation américaine et des FFI réunis aux fantassins du Texas. », selon Paul Gaujac. Bataille que Arthur Funck apprécie ainsi : « Bien que [Montélimar] puise être qualifiée d’impressionnante victoire remportée par les Alliés, elle n’est pas décisive. » Il aura donc fallu attendre au moins trois décennies pour corriger la version initiale écrite selon Jean-Pierre Rioux par « un camisard ou un quarante-huitard au plus près de la recherche scientifique et militante. ».

Convaincus que la mémoire s’entretient avec des pratiques sociales, des représentations et des restitutions, les membres de l’équipe AÉRD souhaitent encourager toute initiative pouvant déboucher sur le regroupement dans une infrastructure pérenne des collections entassées dans les petits musées privés, la réalisation d’une exposition thématique du musée virtuel et la création d’un parcours de mémoire autour du carré de bataille, parcours identique à celui qu’un groupe d’officiers de réserve allemands a effectué le 28 mai 2005 en commençant par une halte au pont de Livron.


Auteurs : Pierre Balliot
Sources : Foot, Michael R.D., Des Anglais dans la Résistance, Tallandier, Paris, 2008 ; Michel Henri, La Seconde Guerre mondiale, Omnibus, Paris, 2001 ; Vistel Alban, La nuit sans ombre, Fayard, Paris, 1970 ; Kaspi André, Chronologie de la Seconde Guerre mondiale, Perrin, Paris, 2010 ; Butler (Brigadier General Frederik B.) Task Force Butler, Armored Cavalry Journal, jan, feb, mar, apr, 1948 ; Funck (Arthur Layton), Hidden Ally, Greenwood Press, 1992 et Les Alliés et la Résistance, un combat côte à côte pour libérer le sud-est de la France, Aix-en-Provence, Edisud, 2001 ; Ludewig Joachim, Der deutsche Rückzug aus Frankreich 1944, Freiburg, Verlag Rombach, 1994 ; Schrodek Gustav W., Ihr Glaube galt dem Vaterland, München, Schild Verlag. 1976 et Die 11. Panzerdivision: Bilddokumente 1940-1945, Friedbrug, Podzun-Verlag, 1984 ; Staiger Jorg, Rückzug durchs Rhônetal, Neckargemund, Vowinkel, 1965 ; Truscott Lieutenant General Lucian K., Command Missions, New York, Dutton, 1954 ; Von Donat Richard, Logistische Problem beim Rückzug aus Sudfrankreich, in Truppenpraxis, 12/63 ; United States Seventh Army, Report of Operations in France and Germany, Heidelberg, Aloys Graf, 1946 ; Lassus Saint-Genies Général J.-P. de et Saint-Prix Pierre de, Combats pour le Vercors et pour la liberté, Valence, Peuple Libre, 1984 ; Even (Commandant), Revue historique de l’Armée, n° 3, août, 1959. La retraite allemande des Côtes de Provence à Lyon ; Reynaud Lieutenant-colonel,  La 11e PZ Div dans la vallée du Rhône, cours d’histoire de l’École Supérieure de Guerre ; Montfort Col. M., Revue Militaire Suisse, n° 5, mai 1966 ; Balliot Pierre, Le chaudron, autoédition, Valence, 2007 ; Ducros Louis-Frédéric, Montagnes ardéchoises dans la guerre. (Tome III), Valence, 1982 ; Faure (Henri), Livron Magazine, n° 16, octobre 1994, L’opération du Pont de Livron; Fédération des unités combattantes de la Résistance et des FFI de la Drôme, Pour l’amour de la France, Drôme – Vercors 1940-1944, Valence, Peuple Libre, 1989 ; La Picirella Joseph, Témoignages sur le Vercors, Drôme-Isère, Lyon, Éditions du Musée, 1991 ; Gaujac Paul, L’Armée de la victoire, tome III, De la Provence aux Vosges, 1944, Paris, Lavauzelle, 1985 et La guerre en Provence 1944-1945, une bataille méconnue, Presses universitaires de Lyon, 1998. Bulletin n°412 de l’Association des Officiers de Réserve de Lyon et du Rhône.