Paul Langevin

Légende :

Paul Langevin photographié par Henri Manuel. 

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Wellcome Collection. Attribution 4.0 International (CC BY 4.0) Libre de droits

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc

Date document : sans date

Lieu : France

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Contexte historique

Paul Langevin naît le 23 janvier 1872, dans le XVIIIe arrondissement de Paris. A seize ans, il est reçu premier au concours d'entrée à l'Ecole de physique et de chimie industrielle de Paris, où enseigne Pierre Curie. En 1893, il est major au concours d'entrée à l'Ecole normale supérieure, puis obtient une bourse d'étude à l'Université de Cambridge.
En 1902, il soutient une thèse sur l'ionisation des gaz, devient professeur suppléant au Collège de France l'année suivante, puis maître de conférence à l'ENS. En 1905, il remplace Pierre Curie à l'EPCI, qu'il dirige à partir de 1920. Parmi les élèves de l'école figurent Georges Beyer et René Jugeau, qui dirigeront pendant la guerre le service de renseignement des FTPF, et Roger Houët qui sera arrêté en octobre 1940 en compagnie de Victor Renelle pour reconstitution illégale du syndicat CGT des Industries chimiques. Roger Houët sera déporté, son camarade sera fusillé à Châteaubriant le 22 octobre 1941.
En 1924, Paul Langevin est nommé professeur de physique générale et expérimentale au Collège de France. Sa renommée devient internationale. Il fait notamment partie de l'Institut de physique Solvay, qui réunit les principaux physiciens mondiaux, et entre à l'Académie des Sciences en 1934.
Pendant la Première Guerre mondiale, l'armée met à profit ses compétences en l'affectant au centre d'étude des poudres de guerre, puis au bureau des inventions où il effectue des travaux sur les ultrasons pour la détection des sous-marins.
Au plan politique, Paul Langevin est fortement influencé par la culture ouvrière montmartroise et par son éducation parentale. Son père, profondément républicain, s'était engagé dans la Garde nationale lors du siège de Paris, en 1870, et avait ensuite soutenu la Commune. C'est à l'occasion de l'affaire Dreyfus que Paul Langevin s'exprime pour la première fois publiquement. En 1898, il signe la pétition de son camarade de l'ENS, Charles Péguy, en faveur du capitaine déchu. Il adhère en même temps à la Ligue des Droits de l'Homme.
En 1920, il s'oppose au gouvernement lors de la grève des cheminots, puis milite pour la libération d'André Marty et l'amnistie des marins de la Mer Noire. Sympathisant de l'URSS, il oeuvre pendant tout l'entre-deux-guerres pour le rapprochement franco-soviétique. Il effectue plusieurs voyages en URSS, adhère à l'association Les amitiés franco-russes, au Cercle de la Russie Neuve où il côtoie Henri Wallon, Georges Cogniot ...
Dans les années 1930, il se montre un ardent partisan de la paix et de la lutte contre le fascisme. Il obtient ainsi, en 1933, la création d'une chaire au Collège de France pour Einstein, chassé d'Allemagne par le nazisme. Il milite pour la libération du communiste allemand Thaelmann et s'engage au sein du comité Amsterdam-Pleyel, qu'il préside après la mort d'Henri Barbusse. En 1934, il lutte pour la libération de Dimitrov et parraine la création du comité de vigilance anti-fasciste dont de nombreux adhérents entrèrent par la suite en résistance : Paul Rivet (Musée de l'Homme, France libre), Marcel Prenant (FTPF), Henri Wallon, René Maublanc et Frédéric Joliot (FN), Jacques Soustelle (France libre), etc. En 1936, il préside le comité international pour l'aide à l'Espagne républicaine avec Victor Basch, président de la ligue des Droits de l'Homme depuis 1926. Madeleine Braun en est la secrétaire. Ces derniers se retrouveront en 1943 au sein du Comité directeur du Front national en zone Sud.
En 1938, Paul Langevin manifeste naturellement son hostilité aux accords de Munich. L'année suivante, malgré son attachement à l'URSS, il condamne publiquement le pacte germano-soviétique, mais il témoigne en faveur des députés communistes lors de leur procès en mars 1940.
Lors de la déclaration de guerre, l'Etat lui demande de reprendre ses travaux sur la détection des sous-marins. En mai 1940, il est chargé d'organiser le repli des laboratoires français à Toulouse. Son engagement politique l'expose rapidement aux persécutions nazies.
Il est arrêté une première fois par les Allemands, le 30 octobre 1940. Le 20 novembre, l'administration vichyste le révoque à la demande des autorités allemandes. Signe du danger qu'il représente aux yeux de l'occupant, le Sturmbannführer Boemelburg, l'un des responsables de la Gestapo en France, vient en personne l'interroger, le 25 novembre. L'incarcération de Paul Langevin suscite des protestations immédiates en France, comme à l'étranger. Aux Etats-Unis, Albert Einstein effectue des démarches pour obtenir sa libération. En URSS, à l'initiative du savant Piotr L. Zapitza, l'Académie des sciences l'invite à venir travailler à Moscou. Dans le Quartier latin, l'arrestation du physicien constitue une étape importante dans l'émergence de la résistance universitaire. Début novembre, des tracts illégaux circulent qui dénoncent "le dessein d'asservissement intellectuel de la France" et appellent à un rassemblement de protestation le 8 novembre, devant le Collège de France. Cette initiative est le produit des rencontres entre l'Union des étudiants et lycéens communistes (UELC), dirigée par François de Lescure, et le groupe Maintenir. La manifestation du 8 ne regroupe qu'une cinquantaine de personnes, mais elle prélude au succès de celle du 11 novembre suivant. Quelques jours plus tard paraît le premier numéro de L'Université libre, dont l'un des fondateurs est Jacques Solomon, gendre de Paul Langevin. Il est en grande partie consacré à l'arrestation du physicien et la répression contre les manifestants du 11 novembre, analysées comme une "volonté de 'mettre au pas' l'intelligence française".
Un tract signé "le Comité de défense des professeurs et des étudiants de l'université de Paris" reprend le même thème :
"Les autorités d'Occupation ont pris toute une série de mesures de répression contre l'Université française et contre la jeunesse des écoles. Le gouvernement de Vichy est d'accord ; il est à la fois laquais et complice. Vous n'ignorez pas que ces mesures ont été motivées uniquement par l'attitude résolument nationale de notre jeunesse universitaire. Le seul 'crime' de nos étudiants et de nos lycéens c'est de s'être montrés décidés à résister à la mise au pas de l'enseignement français ; à défendre les maîtres persécutés pour leur indépendance vis à vis des autorités d'Occupation ; à sauvegarder l'avenir de la Patrie en luttant dès aujourd'hui pour la liberté et l'indépendance de la France. Ce sont ces sentiments qui inspirent les étudiants lorsqu'ils exigent la libération de Paul Langevin ; c'est cet idéal qui les a rassemblés le 11 novembre à la place de l'Etoile. C'est pour cet idéal, c'est pour la liberté et l'indépendance de la Patrie, que sont tombés devant l'Arc de Triomphe, les jeunes étudiants."

Emprisonné à Fresnes, Paul Langevin occupe son temps à travailler. Comme on lui refuse de quoi écrire, il utilise des feuilles de papier hygiénique. Il rédige ses calculs avec une allumette noircie à l'aide d'un produit pharmaceutique fourni par le médecin de la prison. Les protestations aboutissent à la libération du savant, le 8 décembre 1940, mais il est placé le lendemain en résidence surveillée à Troyes.
Au printemps 1941, alors que le PCF multiplie les démarches auprès de personnalités non communistes en vue de la formation du Front national, Joliot-Curie le contacte par l'intermédiaire de Jacques Solomon. La surveillance rapprochée dont il fait l'objet l'empêche de participer à la naissance du mouvement. Il est d'ailleurs arrêté une seconde fois, le 10 octobre 1941, pour être relâché un mois plus tard. En mars 1942, il apprend l'arrestation de son gendre et de sa fille, Hélène. Le premier est fusillé au Mont-Valérien le 23 mai suivant, la seconde est déportée à Auschwitz. Pour le physicien, la nouvelle est d'autant plus douloureuse qu'il ignorait tout de leurs activités clandestines.
En juin 1942, des dirigeants de l'aviation allemande lui demandent de se mettre à leur service. Leur proposition resta, évidemment, sans réponse.
Au printemps 1943, Paul Langevin est sollicité pour entrer au comité directeur du Front national de la zone Nord où figurent également des proches comme F. Joliot-Curie, Henri Wallon et René Maublanc. Il donne son accord de principe, bien qu'étant dans l'incapacité d'y jouer un rôle actif. En 1944, il se résout à quitter le pays, cédant aux exhortations de ses amis. Muni de faux papiers apportés par Joliot-Curie, il gagne la Suisse le 2 mai 1944, conduit par deux FTPF. Il rentre en France le 22 septembre suivant et reprend immédiatement place dans le débat public.
En 1944, il adhère au parti communiste, fait reparaître La Pensée, revue qu'il avait lancée en 1939 avec Georges Cogniot, et remplace Victor Basch à la présidence de la Ligue des Droits de l'Homme. En 1945, il dirige l'Encyclopédie de la Renaissance française et devient conseiller municipal du Ve arrondissement de Paris. Il préside aussi la commission ministérielle pour la réforme de l'enseignement, plus connue sous le nom de "commission Langevin-Wallon", étape importante dans la démocratisation de l'enseignement.
A sa mort, le 19 décembre 1946, le gouvernement décrète des obsèques nationales. Deux ans plus tard, ses cendres sont transférées au Panthéon, ainsi que celles de Jean Perrin, prix Nobel de physique en 1926 et fondateur du Palais de la Découverte. De nombreuses rues et établissements scolaires de France portent son nom.
De nombreux membres de la famille Langevin entrèrent en Résistance. Outre Hélène et Jacques Solomon, citons le couple André et Luce Langevin, respectivement fils et belle-fille du savant. Contrairement à son mari et à son beau-père, Luce adhère au PCF avant la guerre. Après l'interdiction du parti, le 26 septembre 1939, elle continue à participer clandestinement à ses activités. Pendant l'Occupation, les deux époux participent à la rédaction et à la distribution de l'Université Libre. Ils entrent ensuite au Front national.
En 1943, au lycée Henri IV, deux petits-fils de Paul Langevin, Michel et Bernard, animent un petit groupe qui diffuse des tracts contre le STO dans le Quartier latin. Ils sont arrêtés le 29 juin 1943 en compagnie de deux autres camarades, Serge Durand et Olivier Pagès. Selon le rapport de police, Michel "était chargé du recrutement parmi les élèves du lycée Henri IV. Il assurait l'approvisionnement de tracts et papillons et percevait les cotisations". Aux domiciles des quatre jeunes, sont retrouvés des centaines de tracts et papillons, des chants révolutionnaires édités par les Jeunesses communistes, ainsi que le matériel nécessaire à leur fabrication. Les lycéens sont interrogés pendant plusieurs jours par les Renseignements généraux, puis déférés devant le tribunal pour enfants. Considérant qu'ils ont agi "sans discernement", celui-ci prononce leur libération.


Notice extraite du DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004

Auteur : Axel Porin

Sources et bibliographie :
Archives de la préfecture de police, notamment série "Situation de Paris" (juin à décembre 1940, carton 1) et série "rapports hebdomadaires sur la répression des menées communistes" (1er mars 43 au 12 juillet 1943, carton 14).
Notice Paul Langevin dans le DBMOF (CD-Rom), Paris, Editions de l'Atelier, 1997.
André Langevin, Paul Langevin, mon père, Editeurs français réunis, 1972.
Daniel Virieux, Le Front national de lutte pour la liberté et l'indépendance de la France - Un mouvement de Résistance - Période clandestine (mai 1941-août 1944), thèse de doctorat, Université de Paris VIII, 1996.
Georges Cogniot, Parti pris : cinquante-cinq ans au service de l'humanisme réel, Paris, Editions sociales,1976-1978.
CIMT n° 25, 1972, LABERENNE.
CIMT, n°7, 2°tri 1974, WILLARD/BRAUN/VILLON.