Rue Pierre Le Tullier, Rennes (Ille-et-Vilaine)

Genre : Image

Type : Plaque de rue

Source : © Cliché Joris Brouard Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique et couleur

Date document : 2022

Lieu : France - Bretagne - Ille-et-Vilaine - Rennes

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Contexte historique

LETULLIER (orthographié par erreur LE TULLIER) Pierre, Alexandre est né le 26 juillet 1914 au Mans (Sarthe). Il est le fils de Paul, Marie Letullier et de Germaine Vivier. Peu après la naissance de Pierre, son père décède au combat lors de la Première Guerre mondiale.

En 1936, Pierre Letullier se marie à Paris avec Victorine Henriette Maîtrejean.

Au déclenchement de la guerre en septembre 1939, il est mobilisé. Fait prisonnier par les Allemands en 1940, il parvient à s’évader et rejoint la zone non occupée.

À Marseille, il trouve un poste comme inspecteur à la Direction de la surveillance du territoire. En avril 1942, il aurait aidé avec trois camarades policiers, le général Giraud fraîchement évadé, à embarquer depuis Marseille à destination de l’Afrique du Nord.

Le 7 novembre 1942, Pierre Letullier fait la rencontre à Marseille de Madeleine Méric (Hérisson), future Mme Fourcade, l’une des responsables du réseau Alliance. Il lui fait part de son désir de quitter son emploi d’inspecteur se mettre à disposition du réseau. Ayant été informé de la démarche de Pierre Letullier par le biais d’un autre commissaire de police de Toulon, sa hiérarchie le démet de ses fonctions. Il peut dès lors se consacrer pleinement à l’activité du réseau Alliance.

L’état-major du réseau décide de l’affecter loin de la Cité phocéenne étant donné qu’il est repéré. Par conséquent, il est envoyé à Rennes accompagné de sa famille où il a la charge de prendre la responsabilité du secteur. Sous le pseudonyme Daim, il doit s’occuper du secteur nommé « Chapelle » lequel comprend les départements des Côtes-du-Nord, du Finistère, de l’Ille-et-Vilaine, de la Loire-Inférieure, du Maine-et-Loire, de la Mayenne, du Morbihan et d’une partie de la Sarthe. Ce vaste secteur est lui-même divisé en quatre sous-secteurs au sein duquel Letullier se voit attribuer à partir de juin 1943, celui de Rennes en remplacement d’Yves de Villeneuve.

Au début de sa prise de fonction, Pierre Letullier ne dispose ni de poste radio, ni d’opérateur pour transmettre les renseignements recueillis. Lorsqu’il est trop occupé, ce travail fastidieux de transmission doit s’effectuer physiquement par l’intermédiaire d’agents de liaison qui transportent les courriers soit à Brest, soit à Nantes, soit à Paris.

Parmi les premiers contacts établis avec Letullier, se trouvent Pierre Morin (Koala), carrossier renais (rue Paul Bert) qui se spécialise dans la collecte de renseignements relatifs au stationnement et aux mouvements de blindés ennemis étant donné que son garage sert d’atelier de maintenance et de réparation pour les véhicules de la Wehrmacht. Pour faciliter ses déplacements au sein du secteur qu’il doit couvrir, Letullier se procure une moto ce qui lui permet de garder un contact physique assez régulier avec ses agents situés en dehors de Rennes ou d’en recruter de nouveaux. À Vitré, il s’adjoint le concours d’Auguste Gougeon, négociant en vins et de Pierre Lemaître, directeurs des hospices civils, lesquels proposent à Letullier de mettre à disposition les hospices pour accueillir le futur opérateur radio afin d’émettre en toute discrétion.

En parallèle, Letullier fait la connaissance de Raymond Hermer qu’il recrute. Ce dernier, musicien à Rennes, a la particularité d’être en relation fréquente avec les Allemands du fait de son activité de musicien qui le conduit à se produire auprès d’eux. Lors d’une représentation à Jersey, Hermer parvient à recenser les défenses côtières de l’île et rapporte les précieux renseignements à Letullier. Celui-ci le prévient de la venue prochaine d’un opérateur radio, René Lèbre (Chardonneret) que Hermer doit accueillir à Rennes. En outre, son domicile sert également de boîte aux lettres pour les agents du sous-secteur.

Équipé de son poste radio codé « Adagio », René Lèbre débarque à Rennes à l’été 1943 où on lui trouve un appartement. Étant donné les risques de détection dans les grandes villes, Lèbre est dirigé vers les hospices civils de Vitré afin d’assurer ses émissions radio en toute sérénité. Or, les passages répétés de véhicules suspects contraignent l’opérateur radio à retourner sur Rennes pour finalement revenir à Vitré. Il est alors installé dans une cave des hospices pour plus de sécurité.

Le 25 septembre 1943, Pierre Letullier reçoit un message de mise en garde de Londres lui notifiant de cesser tout contact hors de sa région. En effet, le réseau ayant été infiltré par les Allemands, un carnet a été retrouvé lors d’une arrestation quelques jours auparavant sur lequel figuraient de nombreuses informations relatives aux sous-secteurs de Rennes et de Brest. Pierre Letullier se rend néanmoins à Brest le 27 septembre afin d’y rencontrer Maurice Gillet (Licorne), son homologue du sous-secteur de Brest. C’est dans un appartement de cette ville qui fait office de lieu de rendez-vous que les services répressifs allemands décident de mettre en place une souricière. Tour à tour, plusieurs agents du réseau sont piégés dont Pierre Letullier. Interrogés à l’école Bonne-Nouvelle, devenue l’antenne de la Sipo-SD à Brest, les membres du réseau arrêtés sont transférés le 29 septembre à la prison Jacques Cartier de Rennes.

Par un effet de domino, les membres rennais du réseau sont également pris dans le coup de filet à compter du 30 septembre. La femme de Pierre Letullier, Henriette est appréhendée à son domicile en compagnie d’Yves de Villeneuve qui a tout juste le temps de se débarrasser de papiers incriminants. Le soir et ce malgré les avertissements, l’opérateur radio René Lèbre est à son tour arrêté. Quelques jours après, c’est Raymond Hermer qui reçoit la visite de la police allemande. Prévenu à temps, Pierre Morin parvient à se soustraire aux recherches allemandes en quittant Rennes pour plonger dans la clandestinité.  

Après les interrogatoires d’usage, bien souvent musclés, Pierre Letullier est d’abord déporté sous la classification « Nacht und Nebel » (NN) au camp de Schirmeck le 20 mai 1944 tandis que sa femme Henriette est internée à la prison de Pforzheim en janvier puis celle de Freibourg-im-Breisgau d’où elle réussit à s’évader en novembre 1944. Durant cet intervalle, Pierre Letullier est transféré avec ses compagnons de lutte au camp de Natzweiler-Struthof. Dans la nuit du 1er au 2 septembre 1944, 106 agents du réseau Alliance sont exécutés d’une balle dans la nuque dont Pierre Letullier.

Joris Brouard


- CARAES Guy, Le réseau Alliance. Histoire inédite du plus grand réseau de la résistance française, 1940 – 1945. Rennes, éditions Ouest-France, 2021, 634 p.

- Commission d’information historique pour la paix du département d’Ille-et-Vilaine, livre mémorial Mémoire de granit 1939 – 1945, mai 1991.

- Site Internet du « Maitron », notice sur Pierre Le Tullier réalisée par Jean-Louis Ponnavoy : https://fusilles-40-44.maitron.fr/spip.php?article178851

- Site Internet « Mémoires des Résistants et FFI de l’arrondissement de Brest », notice sur Maurice Gillet : https://www.resistance-brest.net/article2997.html