Plaque en mémoire du maquis de Mirabel-aux-Baronnies

Légende :

Plaque insérée dans la stèle de Saint-Romain-en-Viennois (Vaucluse) à la mémoire des morts et disparus du maquis de Mirabel-aux-Baronnies (Drôme) lors de l’attaque du camp par les Allemands, le 25 mars 1944.

Genre : Image

Type : Plaque

Producteur : cliché de Michel Seyve

Source : © AERD Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique en couleur.

Date document : 2003

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Vaucluse

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Analyse média

La stèle qui porte cette plaque a été érigée à proximité de la ferme Valentin et de la chapelle Sainte-Croix, à quelques kilomètres au nord de Vaison-la-Romaine, sur la commune de Saint-Romain-en-Viennois (Vaucluse).

Six communes ont participé à cette érection : Mirabel-aux-Baronnies et Piégon pour la Drôme ; Puyméras, Villedieu, Saint-Romain-en-Viennois et Vaison-la-Romaine pour le Vaucluse. Elle est un hommage aux cinq morts ou disparus du « maquis de Mirabel ». À l’époque, cette solidarité dans l’œuvre mémorielle devait être l’évidence au pays. En effet, selon les souvenirs des voisins de la ferme Valentin, en 2003, les paysans qui l’habitaient participaient à l’approvisionnement du maquis. L’histoire même des représailles allemandes dans la région peut aussi expliquer l’accord des six communes pour marquer avec force leur respect durable au sacrifice suprême des maquisards. Ainsi, outre les patriotes morts ou disparus de Saint-Romain-en-Viennois, « tombés pour que vive la France » ou « déportés et disparus » – soit cinq morts – honorés sur la stèle, les Allemands tuent encore comme on le verra (contexte), sept résistants, le même jour, lors de leur passage de retour à Vaison-la-Romaine : lourde épreuve et forte émotion dans le petit espace de ces communes, suffisante pour comprendre la volonté locale d’un monument significatif.

Le texte conservé sur la plaque de marbre se veut sobre, mais explicatif pour les générations à venir, insistant sur la valeur supérieure de la patrie :
« À la mémoire
DES PATRIOTES TOMBÉS
POUR QUE VIVE LA FRANCE
LE 25 MARS 1944
CONDRAND Jacques Albert 18 ans
CAILLET Gabriel Jean-Louis 22 ans
JAYET Émile Irénée 37 ans
Et à la mémoire de deux prisonniers déportés et
Disparus lors de l’attaque du camp
DEFUIDE Georges 20 ans
REYNAUD Eugène 40 ans ».


La plaque attire le regard, par sa couleur blanche, mais aussi par la couronne épaisse et finement sculptée qui l’entoure, elle-même, bordée de moulures de facture soignée.


Auteurs : Claude Seyve Michel Seyve

Contexte historique

La plaque avec son inscription, concentre le message essentiel. Elle n’est pourtant qu’une partie d’un ensemble – une stèle (ou un monument) – qui a sa propre singularité.

La stèle elle-même frappe par sa majesté : une colonne classique, conique, symbolise l’amputation de forces vives de la nation, allant ici jusqu’à la mort et la déportation et même, la perte de la dépouille des deux déportés impliquant un manque douloureux dans l’accomplissement du deuil. Tranchée obliquement, la colonne – sous cette forme – peut laisser place cependant dans l’imagination, à une restauration voire à une nouvelle construction dans la nation libérée.

Mais c’est le soubassement de la colonne, intégrant la plaque observée, qui concentre l’attention. Il est particulièrement ouvragé. De forme cubique, sculpté semble-t-il dans la même pierre (calcaire blanche) que la colonne, avec quelques nuances de rose, il impressionnerait par sa solidité extrême. Mais la structure de la colonne qu’il supporte, aux courbes douces, confère à l’ensemble une réelle harmonie : cela ajouterait au texte douloureux de l’inscription, la forme d’un espoir.

Il reste à situer l’action des représailles allemandes. Au cours de l’hiver 1943-1944, les maquis voisins du Nyonsais et des Baronnies se sont armés, ont fait preuve d’endurance. Leurs effectifs sont réduits ; mobiles, ils connaissent bien le terrain ; et, souvent soutenus par la population, ils échappent en général aux soldats italiens ou allemands, en difficulté avec la guérilla. Les premiers coups de main et déraillements de trains organisés gênent l’occupant. Celui-ci enclenche des représailles qui – malgré leur violence comme à Saint-Romain-en-Viennois – n’ont peut-être pas l’efficacité militaire escomptée. Raids à Condorcet le 19 mars 1944, les 20-21 mars à Sainte-Jalle. Les FTP du Poët-Sigillat évitent l’encerclement le 22 mars ; les Allemands se rabattent sur un pillage des alentours, etc. Les maquis jouent donc sur leur capacité à migrer. Le maquis considéré établit son camp à Mirabel-aux-Baronnies ; lorsqu’il se sent menacé, il quitte la commune, franchit la montagne et s’installe dans le département voisin, à Saint-Romain-en-Viennois : c’est le camp de Sainte-Croix. Celui-ci est attaqué à partir de Vaison-la-Romaine, et subit de fortes pertes le 25 mars, ainsi que nous l’avons noté. Selon Léo Rostand : « les maquisards se battent courageusement, mais doivent se retirer...»

Les Allemands occupant le Sud-Est depuis novembre 1943, se substituant aux Italiens, ne parviennent pas davantage que leurs prédécesseurs à voir la fin de cette guérilla. La traque meurtrière qu’ils lui livrent et dont la stèle porte témoignage ne change guère la situation.

La mémoire locale est encore imprégnée des conditions de l’époque : les voisins actuels de la stèle précisaient que, « du temps de la Résistance […], le paysage n’était qu’un taillis recouvrant les collines. Ce n’est que dans la deuxième moitié du XXe siècle que les vignes ont remplacé une grande partie des bois de chênes ». Seuls les sommets sont encore recouverts dont celui de la chapelle Sainte-Croix, à quelques centaines de mètres de la stèle.

La chapelle est maintenant un lieu de rassemblement sacré, « Notre Dame de Sainte-Croix protégeant les familles environnantes, les récoltes et les croix ». C’est ainsi un but de promenade qui s’ouvre sur un beau panorama provençal dominant Vaison.

Curieusement, les visiteurs associent souvent les deux marques de mémoire, pourtant témoins de passés bien différents, aux traces brûlantes ou au contraire bien lointaines.


Auteurs : Claude Seyve, Michel Seyve
Sources : Inscription sur la stèle aux maquisards morts ou disparus le 25 mars 1944 (Saint-Romain-en-Viennois, Vaucluse) ; enquête de Claude et Michel Seyve, 2003. Dvd-rom La Résistance dans la Drôme et le Vercors, éditions AERI-AERD, 2007.