Rapport d’un ingénieur de la poudrerie nationale de Toulouse

Légende :

Dans son rapport du 3 mai 1944, un ingénieur fait le bilan des dégâts causés par le bombardement sur la poudrerie de Toulouse dans la nuit du 1er au 2 mai.

Genre : Image

Type : Rapport

Source : © Archives privées Serge Ravanel, don à l’AERI Droits réservés

Détails techniques :

Document dactylographié sur 3 pages, format A4.

Lieu : France - Occitanie (Midi-Pyrénées) - Haute-Garonne - Toulouse

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Contexte historique

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Les sabotages de la Poudrerie de Toulouse

Installée à Toulouse sur le site de Braqueville, la Poudrerie est un établissements industriel qui travaille pour l'Allemagne entre 1940 et 1944. Elle fabrique divers types d'explosifs. Un établissement annexe est situé sur le site du Fauga, au sud de Muret, et se trouve placé sous administration allemande en 1943-1944. Très tôt, la Résistance envisage d'arrêter une production qui renforce le potentiel militaire allemand. Le réseau SOE Prunus prépare un plan de sabotage, mais son démantèlement en mars-avril 1943 empêche son exécution. Ce n'est que partie remise. Plusieurs sabotages intérieurs endommagent le matériel et freinent le rythme de la production, comme cela se vérifie le 10 avril 1944 quand une trentaine de moteurs électriques sont détruits. Mais cela ne suffit pas.

Dans les premiers mois de 1944, une équipe de sabotage de l'OCM, venue de Bordeaux, réalise un premier sabotage extérieur. Ce n'est toujours pas suffisant. Au début mars, le réseau SOE du colonel Starr " Hilaire " charge un spécialiste, Jean-Claude Arnaut " Arrachar ", parachuté en janvier, de détruire l'usine. Avec l'aide d'un ingénieur, il introduit du plastic par petites quantités. Mais les Alliés sont pressés. Ils menacent de bombarder l'usine si celle-ci n'est pas détruite dans un délai très court. Une date limite est même fixée, celle du 28 avril. Les commandements régional et départemental des corps-francs de Libération (CFL) préparent alors une intervention rapide. Dourguin (" Charles "), est appelé à la rescousse par Serge Ravanel. Il s'associe avec des membres du groupe Vira et du groupe-franc Simon de Gabriel Noirot.

Dans la nuit du 27 au 28 avril, vers 22 heures 30, une équipe de 18 jeunes gens, pour la plupart en tenue des Chantiers de jeunesse et armés de revolvers et de mitraillettes, s'introduit dans la Poudrerie, ligote les gardiens et place des explosifs sur des pompes à haute pression. Six d'entre elles sont détruites. Les dégâts sont considérables. 60% de la production est paralysée pour une période indéterminée. Mais la nouvelle tarde à être transmise à Londres, ou bien elle est mal interprétée. Les Alliés maintiennent leurs intentions initiales.

Dans la nuit du 1er au 2 mai, la Poudrerie est bombardée et les quartiers voisins d'habitations (Empalot, Saint-Agne, Pech-David) ne sont pas épargnés : il y a une vingtaine de morts et une soixantaine de blessés (la presse officielle avance le chiffre de 47 morts et de  65 blessés). Le résultat n'est pas meilleur qu'avant mais le bilan est plus lourd, disproportionné par rapport aux intentions, et beaucoup plus coûteux.  

Un nouveau sabotage au plastic se révèle nécessaire. Il est préparé par l'état-major départemental des CFL, plus particulièrement par Mario Levi " Antoine ", le chef du 2e bureau. Lequel prend contact avec Lambert, un ingénieur de la Poudrerie. Celui-ci décide d'agir seul, le vendredi 26 mai 1944. Ainsi que l'écrit Serge Ravanel, le chef régional CFL, " l'explosion dépasse toutes les prévisions. Aucune victime n'est à déplorer mais les dégâts dans l'usine sont considérables. Un homme seul, agissant sur les lieux mêmes, a réussi, sans entraîner de pertes humaines, ce que n'a pu réaliser le raid meurtrier d'une escadre de bombardiers. "



""      Engineer's Report on Toulouse's Explosives Factory

The Sabotage Attack on the Factory in Toulouse Toulouse's explosives factory was located in Braqueville and manufactured explosives and gunpowder for the German army from 1940 until 1944. The factory produced several different types of explosives. An annex to the factory was added and located at Fagua, south of Muret, which was also under German control from 1943 to 1944. Early on, the Resistance wanted to find a way to halt the factory's production since all of the explosives went into German hands. The SOE Prunus network hatched such a plan, but the group dissolved in March or April of 1943 and the operation was never launched. However, they were not the only ones. Several sabotage attacks damaged the factory's material and halted production temporarily. One such attack, on April 10th, 1944, destroyed thirty electric motors, but it was still not enough.

During the first months of 1944, an OCM sabotage team from Bordeaux launched the first attack on the factory from the outside, but again, it had little effect. At the beginning of March, Colonel Starr's («Hilaire») SOE group brought in a specialist, Jean-Claude Arnaut («Arrachar») who had parachuted into France in January, to destroy the factory. With help from an engineer, Arnaut managed to sneak small quantities of plastic into the factory's production line. But the Allies were impatient and threatened to bomb it themselves if Arnaut and Starr's team did not make progress soon. The deadline was April 28th. The CFL leaders in the region and the department quickly prepared to intervene and help. Serge Ravanel called in Dourguin («Charles») to rescue the operation because he had connections with the Vira group and Simon de Gabriel Noirot's Groupe-Franc.

On the night of April 27th, around 10:30 pm, a team of armed eighteen young men—mostly poached from the Chantiers de Jeunesse—broke into the factory. They captured and bound the guards and then planted explosives on the pressure pumps. Six of them were destroyed, and the overall damage was considerable. 60% of the factory's production was halted indefinitely, but when the report reached London, the results of the attack were completely misunderstood. The Allies decided to go ahead with their original plan.

May 1st, in the middle of the night, Toulouse's explosives factory was bombed. The surrounding residential areas of Empalot, Saint-Agne, and Pech-David were not spared. Twenty were killed and sixty were wounded, though the press reported higher numbers with 47 dead and 65 wounded. The situation at the factory was still no better than before, but now the death toll had risen, more than it ever should have, and the operation was growing ever more costly.

A new sabotage attack using plastic was necessary, and the CFL's Etat-Major for the department organized the operation led by Mario Levi «Antoine,» the leader of the 2e bureau. Antoine made contact with Lambert, an engineer in the factory, who agreed to do the mission on his own on Friday, May 26th, 1944. Antoine wrote the following, triumphant message to Serge Ravanel, the head of the CFL in the region: «The attack was even more successful than we anticipated. There were no victims except for the considerable damage to the factory. One man pulled off the mission without harming anyone, and accomplished what a murderous air raid could not.»


Traduction : Catherine Lazerwitz


Sources : Cédérom La Résistance en Haute-Garonne, édition AERI, 2010 (notice rédigée par Michel Goubet).