Article « Le Train de la Marseillaise »

Légende :

Extrait du numéro 1 du journal Le Patriote enchaîné daté du 11 novembre 1943.

Genre : Image

Type : Presse clandestine

Source : © Musée de l’Histoire vivante, à Montreuil Droits réservés

Détails techniques :

Dimensions du journal : 21 x 26,5 cm. Dimensions de l’extrait : 10,5 x 26,5 cm.

Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Lot-et-Garonne - Villeneuve-sur-Lot

Ajouter au bloc-notes

Analyse média

Cet article intitulé « Le Train de la Marseillaise » est extrait du numéro 1 du journal Le Patriote enchaîné daté du 11 novembre 1943. Parmi les journaux réalisés clandestinement à la centrale d’Eysses par les détenus politiques entre octobre 1943 et mai 1944, neuf ont été conservés. Il s’agit de quatre numéros de l’Unité, organe des embastillés d’Eysses, de deux numéros du Patriote enchaîné, organe des emprisonnés politiques de la centrale d’Eysses. Deux autres journaux sont spécifiquement adressés aux jeunes : Le jeune enchaîné, organe des jeunes patriotes emprisonnés à la centrale d’Eysses, le n°2 du Bulletin des jeunes, bulletin des JC emprisonnés à Eysses, seul journal officiellement communiste, daté de janvier 1944. Si Le Patriote enchaîné est le titre le plus fréquent parmi les journaux confectionnés dans les différentes prisons, l’Unité fut inventé par les détenus à la maison d’arrêt Saint Paul de Lyon avant d'être exporté à Eysses.

L’article ici présenté occupe un peu moins de la moitié de la page. Il est composé d’une colonne entière (la 3e colonne de la page) et d’une dizaine de lignes sur la dernière colonne. Le tout est surmonté d’un dessin patriotique reproduisant « la Marseillaise » de Rude, haut-relief sur le thème du départ des volontaires de 1792 situé sur l’un des pieds de l’Arc de Triomphe. Cette allégorie est symbolique par le fait que ce sont ces volontaires qui ont arrêté l'invasion prussienne à Valmy en 1792, première victoire de l’armée révolutionnaire. Il y a donc là un parallèle d’une part entre l’occupant allemand et l’envahisseur prussien, et d’autre part entre les résistants et les volontaires de 1792. Les bandeaux tricolores situés de part et d’autre du dessin renforcent le caractère patriotique de celui-ci. Enfin, le train représente le convoi spécial formé en octobre 1943 pour rassembler les détenus politiques des prisons de zone Sud pour les concentrer à la centrale d’Eysses. Sur le dessin, le train suit la voie désignée par l’épée brandie par la Marseillaise, la voie vers la victoire et la liberté. Le texte, quant à lui, rappelle le nom des gares traversées par ce convoi qui rassembla sur son parcours de nombreux résistants incarcérés dans les prisons de zone Sud pour les concentrer à Eysses. Son également évoqués les chants et cris des résistants le composant ainsi que les réactions et le soutien des habitants des villes traversées: « Ici ce sont des cheminots qui sous leurs visages noircis, tendus vers nous, nous manifestent leur sympathie ; là des femmes, des gosses, ne pouvant retenir leurs larmes fondent en pleurs. Des gens de toutes conditions sociales, émus jusqu’au plus profond d’eux-mêmes, font appel à mille stratagèmes pour témoigner leur affection ».


D'après l'ouvrage de Corinne Jaladieu, La prison politique sous Vichy. L’exemple des centrales d’Eysses et de Rennes, L’Harmattan, 2007.

Contexte historique

Le transfert massif des résistants vers la centrale d’Eysses les 15 et 16 octobre 1943 constitue l’acte de naissance du Collectif d’Eysses. Les premiers numéros de l’Unité, du Patriote enchaîné et du Jeune enchaîné lui consacrent un article, on lui trouve un titre fédérateur : « le train de la Marseillaise » ou « le train des patriotes ». Les slogans vengeurs : « Laval au poteau », « vive de Gaulle », « vive l’armée rouge » et les chants patriotiques ou révolutionnaires : La Marseillaise, L’Internationale lancés par des « patriotes enchaînés » ont transformé ce transfert de prisonniers en une manifestation de Résistance. Mais la plus grande satisfaction pour ces détenus enchaînés sont les manifestations de sympathie de la population rencontrée dans toutes les gares traversées. Ressenti comme une victoire commune par tous les participants, première étape d’un combat à poursuivre, ce transfert a bien la vocation d’événement fondateur du Collectif.


D'après l'ouvrage de Corinne Jaladieu, La prison politique sous Vichy. L’exemple des centrales d’Eysses et de Rennes, L’Harmattan, 2007.