Les combats du 19 février 1944

Genre : Son

Type : Disque

Source : © Association nationale pour la mémoire des résistants et patriotes emprisonnés à Eysses Droits réservés

Détails techniques :

Support initial : 33 tours. Durée de l’extrait : 00 :02 :52s. Emplacement : face B - 00 :00 :54s. Durée totale du 33 tours : face A - 00 :12 :40s / face B - 00 :15 :56s.

Date document : 1962

Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Lot-et-Garonne - Villeneuve-sur-Lot

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Analyse média

Ce disque 33 tours a été réalisé à partir de la bande enregistrée, mise gracieusement à disposition de l’Amicale des anciens d’Eysses, après avoir été diffusée par Europe 1 dans l’émission « La Marche du Siècle ». Les textes sont de Claude Dufresne et le récitant est Julien Bertheau. Les témoignages ont été recueillis à l’occasion d’une cérémonie sur les lieux par Jean-Pierre Chapel. Dans cet extrait, Pierre Doize évoque le déroulement des combats du 19 février 1944, de l’arrivée à la porte blindée donnant accès au bâtiment administratif jusqu’à la prise du poste de garde des surveillants. Après une séquence reconstituant le moment où Fernand Bernard est blessé, Pierre Doize fait un point sur la situation au moment où s’engagent les ultimes combats.

Après avoir sorti les armes de leurs cachettes, une vingtaine de détenus commandés par Fernand Bernard se dirigent vers la chapelle en direction du bâtiment administratif. L'objectif étant de maîtriser en silence tout le personnel, contrôler les issues et tous les postes. De nombreux surveillants sont capturés et ligotés. La première partie du plan est une victoire et le commandant Bernard est prêt à donner l'assaut final. Mais vers 16h un groupe de droits communs revenant de corvées extérieures donne l'alarme en apercevant des détenus armés et habillés avec des tenues de surveillants. Le capitaine des GMR entrouve la porte blindée et se trouve nez-à-nez avec la mitraillette que Jean Chauvet braque sur lui. Mais la mitraillette s'enraye et le coup de ne part pas. Le capitaine des GMR referme la porte blindée derrière lui. Un surveillant vient en aide aux détenus en se faisant ouvrir la porte, ce qui leur permet de neutraliser les gardiens pendant qu'un groupe d'assaut se dirige vers le central téléphonique et le poste de commandement des GMR. Tous les bâtiments de détention sont maintenant contrôlés par les détenus qui sont également maîtres des services généraux et du poste central de garde des surveillants. L'assaut a pour objectif désormais l'occupation du poste de commandement des gardes mobiles et des bâtiments administratifs. Il restera à s'emparer de la caserne et à neutraliser les miradors. Dans le couloir central du bâtiment administratif, Bernard est grièvement blessé au genou par une rafale de mitraillette. Etendu sur un lit de camp dans le poste de garde des surveillants, devenu son PC, il conserve la direction des opérations. La supériorité évidente de leur armement permet aux GMR de regagner du terrain. De la caserne et des bureaux administratifs, les tirs convergent vers la porte blindée et les postes de garde. En fin d'après-midi, la situation est la suivante. Les lieux de détention sont sous le contrôle des insurgés, ainsi que la chapelle et le poste des gardes. Les forces de police disposent de la caserne, du central téléphonique, des bâtiments administratifs et de toute l'enceinte extérieure avec son chemin de ronde, ses miradors et ses blockhaus récemment édifiés sur ordre de Schivo.


Auteur : Fabrice Bourrée
Sources : Amicale des anciens d’Eysses, Eysses contre Vichy 1940-…, Tiresias, 1992.

Contexte historique

Le 19 février 1944, Eysses est le théâtre d'une ambitieuse tentative d'évasion collective (de mille deux cents détenus politiques). Ce jour-là, alors qu'un inspecteur général effectuait une visite dans la centrale,  les détenus saisissent l'occasion pour le prendre en otage, ainsi que le directeur milicien de l'établissement, Joseph Schivo, et quelques membres du personnel, au moment où ceux-ci pénétraient dans le chauffoir du préau 1. Le plan, préparé depuis plusieurs semaines par l'état-major clandestin des détenus, consistait à s'emparer des gardiens et à se rendre maitre de la centrale en silence. Entre 14h, heure de la capture de l'inspecteur et du directeur au préau 1, et 17h, les détenus progressent, en silence, jusqu'au bâtiment administratif, capturant et ligotant les surveillants au fur et à mesure de leur avancée.

  Cependant, l'alerte est donnée vers 17 heures par une corvée de droits communs de retour dans la détention. Alerté par des coups de feu, la garde extérieure met alors en batterie des armes automatiques aux fenêtres des bâtiments d'entrée donnant sur la cour d'honneur et commence à ouvrir le feu sur les locaux de détention. Les groupes de choc, formés en particulier d'Espagnols bénéficiant de l'expérience du combat à la faveur de la guerre civile, après avoir sommé en vain les GMR des tourelles de les laisser sortir, tentent, à plusieurs reprises, de franchir les murs de l'enceinte extérieure en attaquant le mirador nord-est à la grenade. Certains détenus atteignent les toits, tirent à coups de mitraillette sur les gardes, pendant que d'autres, protégés par des matelas, tentent de monter à l'échelle jusqu'au mirador de la porte Est. Toutes ces tentatives sont repoussées. Du coté des détenus il y a un mort - Louis Aulagne - deux blessés graves et trois blessés légers. On compte un tué et un blessé parmi le personnel pénitentiaire et seize blessés parmi les forces de l'ordre.   Vers 21 heures, les troupes d'occupation venues d'Agen encerclent la centrale, munies de pièces d'artillerie. Vers minuit, l'état-major des détenus, installé dans le poste de garde du bâtiment administratif, tente de parlementer plusieurs fois par téléphone avec la préfecture, demandant au préfet de les laisser sortir, en arguant de la qualité des otages qu'ils détiennent. C'est Auzias qui dirige ces négociations avec la préfecture afin d'obtenir une reddition acceptable. On libère alors le directeur Schivo qui confirme le traitement correct dont il a été l'objet et relaie la demande des détenus auprès des autorités. Il est ici intéressant de signaler que tous les témoins insistent sur l'attitude particulièrement veule du milicien qui, craignant pour sa vie, tentera de se justifier par toutes sortes d'attitudes mensongères, tout en faisant état de sa qualité d'officier français. Vers trois heures, le commandant des troupes allemandes lance un ultimatum donnant aux révoltés un quart d'heure pour se rendre sans condition, faute de quoi la centrale sera bombardée. Les détenus demandent alors, par l'intermédiaire du directeur, un délai d'une heure pour regagner leurs dortoirs et déposer les armes (temps également nécessaire pour faire disparaître un certain nombre de papiers compromettants), celui-ci ayant donné sa promesse d'officier qu'il n'y aurait pas de représailles. Ce délai est refusé. Conscient que la poursuite des combats se solderait par un échec,  les détenus libèrent les otages, abandonnent leurs armes (onze mitraillettes et huit grenades) et regagnent leurs dortoirs : il est environ quatre heures du matin.     


Sources : Corinne Jaladieu, La prison politique sous Vichy. L'exemple des centrales d'Eysses et de Rennes, L'Harmattan, 2007.