Création de la Corporation paysanne, le 8 avril 1942 à Valence

Légende :

La Corporation paysanne est une des nombreuses organisations créées par le gouvernement de Vichy pour contrôler le monde agricole.

Genre : Image

Type : Photo

Producteur : Inconnu

Source : © Collection Joseph Pouzin Droits réservés

Détails techniques :

Photographie noir et blanc de mauvaise qualité.

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Valence-sur-Rhône

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Analyse média

L’assemblée est placée sous la présidence de l’amiral Darlan, vice-président du Conseil, avec le ministre de l’Agriculture Pierre Caziot. Au micro, le syndicaliste régional Henry de Gailhard-Bancel, d’Allex.

L'amiral Darlan est le personnage au centre de la photographie, très allongé sur sa chaise. Le ministre doit être caché par Henry de Gailhard-Bancel.

Photographie extraite de l'ouvrage de Joseph Pouzin, Les événements et les hommes, Valence, 1960, 360 p. 


Auteur(s) : Robert Serre

Contexte historique

« La terre, elle, ne ment pas », avait déclaré le maréchal Pétain. Pour Vichy, la Révolution nationale passe par le monde paysan. Son gouvernement incite au « retour à la terre » et vise à refaire de l’agriculture le premier secteur de l’économie française.

La Corporation paysanne, créée par la loi du 2 décembre 1940, fédère tous les organismes agricoles, mutualité, coopération, crédit agricole et fait cohabiter les propriétaires et les chefs d’exploitation avec les salariés agricoles, les artisans ruraux, les employés des organisations de la profession. Les paysans ne peuvent guère échapper à l’adhésion à la Corporation paysanne et au versement de leur cotisation, car c’est la condition indispensable pour utiliser les services des organismes professionnels. À chaque niveau, le syndic de la Corporation paysanne devient un notable influent : par exemple, dans les communes, il signe avec le maire les justifications d’emploi agricole exemptant du STO (Service du travail obligatoire).

Dans notre département, elle se constitue le 8 avril 1942, à Valence, sous la houlette de l’amiral Darlan, à ce moment vice-président du Conseil, et du ministre de l’Agriculture Pierre Caziot. 250 syndics communaux sont rassemblés pour officialiser l’Union corporative drômoise et son syndic régional Henry de Gailhard-Bancel, d’Allex. Elle entreprend de constituer partout des sections communales.

Henry était le fils de Hyacinthe de Gailhard-Bancel, fondateur des premiers syndicats agricoles du département en 1884, dont la tendance nettement conservatrice et cléricale se résumait dans leur devise « Cruce et arato » (la Croix et la Charrue). Henry est décrit ainsi : « Pétainiste, il resta fidèle jusqu’à sa mort au régime de Vichy, dont il exécuta les ordres avec la plus grande discipline et le plus grand dévouement ».

La Corporation, installée dans la Maison de l’Agriculture, au 2, rue Chevandier à Valence, est chargée du ravitaillement, de l’imposition et de la répartition par cantons ou communes des engrais et semences. Chaque agriculteur, selon l’étendue de son exploitation et ses productions, a droit à une certaine quantité de « monnaies-matières ». Bien entendu, elle est aussi un organe de propagande vichyste. En avril 1941 par exemple, le directeur des services agricoles demande aux associations agricoles d’organiser l’écoute de l’allocution radiodiffusée du maréchal Pétain, qui va s’adresser « à la conscience et au cœur de chaque paysan français ». Les syndics communaux doivent convoquer les agriculteurs à la mairie et prévoir des haut-parleurs …

Les agriculteurs, frappés par les réquisitions arbitraires et tatillonnes, exaspérés par une propagande qui appelle à la solidarité tout en menaçant de sanctions, ne tardent pas à voir que cette organisation est entièrement soumise à l’Etat et s’en détachent rapidement. Des organisations clandestines de résistance, comme le Comité de défense et d’action paysanne, communiste, et la Confédération générale de l’agriculture (CGA), socialiste, se constituent. S’opposant de plus en plus au gouvernement de Vichy et à la Corporation paysanne, les paysans accueillent des réfractaires au STO, ravitaillent les maquis, cachent des postes de radio, des armes parachutées, s’opposent aux réquisitions…

Lors de la Libération, un service du ravitaillement est mis en place et la CGA se structure. Un Comité d’action agricole retire aux syndics communaux le pouvoir de distribuer les carnets de bons d’achat. Certains membres de la Corporation Paysanne sont frappés par la répression, sans qu’on puisse dire, du fait de la diversité de leurs engagements, si leur rôle dans cet organisme était la cause de la sanction qui les a frappés. De Gailhard-Bancel exécuté à Valence, le syndic allexois Bellard abattu chez lui au début février, le syndic de Saou également le 10 mai, avaient eu d’autres activités de soutien au régime plus incitatives à la vengeance.


Auteur(s) : Robert Serre
Sources : ADR 182 W 100 à 103. ADD, 11 J 40, fonds Lamarche. Le Légionnaire - Drôme, mai 1943, mars 1944. Robert Xuéref, Deux siècles d’histoire des associations agricoles en terre drômoise, Valence 1987. Jeanne Deval, Les années noires. Joseph Pouzin, Les événements et les hommes, Valence, 1960, 360 p.