Arrêté révoquant Hector Gille de ses fonctions d’adjoint au maire de Grâne

Légende :

Document émanant du ministre de l’Intérieur, Marcel Peyrouton.

Genre : Image

Type : Document officiel

Source : © Archives familiales Nicole Astol Droits réservés

Détails techniques :

Reproduction d’une lettre officielle, 21 cm x 27 cm.

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Grâne

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Analyse média

Ampliation d’un arrêté ministériel.
À Grâne, l'adjoint au maire, Hector Gille est révoqué par arrêté du secrétaire d'État à l'Intérieur, Peyrouton, en date du 22 janvier 1941, « considérant que Monsieur Gilles, adjoint au maire de Grane (Drôme) observe une attitude hostile à l'œuvre de redressement national entreprise par le gouvernement ».
À noter qu’Hector Gille est le fils de Pierre Gille, un insurgé irréductible de 1851, et qu'il sera élu conseiller général, socialiste, après la Libération.


Auteur(s) : Robert Serre

Contexte historique

Préfet
Dans les départements, les préfets qui, par leur serment, ont fait allégeance, sont chargés d'appliquer cette politique. Il s'agit de rénover les structures politiques, économiques et sociales du pays dans tous les domaines : agricole, industriel, jeunesse, assistance, etc.

La Drôme a connu 6 préfets et 7 secrétaires généraux pendant la période de l’État français : elle a donc été marquée par l'instabilité pendant cette période de guerre. Les préfets ont quitté la Drôme quand ils étaient promus à de plus hautes fonctions (Joseph Rivalland, appelé en juin 1941 à la Direction du personnel et du matériel de la Police à Vichy) ou évincés. Robert Cousin, lui, a été arrêté et déporté  le 25 mai 1944. Les sous-préfectures ont également connu plusieurs titulaires : 3 à Die, 5 à Nyons.

Conseil départemental
La loi du 12 octobre 1940 suspend les conseils généraux élus, qui cèdent la place, d'abord à des commissions administratives dont les membres sont désignés, puis, après la loi du 7 août 1942, à des conseils départementaux, dont les membres, également désignés par le préfet, doivent représenter tous les cantons. Vingt-huit conseillers sont ainsi désignés dans la Drôme. Le président est François Eynard, maire et conseiller général de Bourg-de-Péage, sénateur en 1939. Les vice-présidents sont l'ancien député Joseph Pouzin, conseiller municipal de Saint-Paul-lès-Romans et Pierre Pizot, maire de Dieulefit.

Trois des cinq parlementaires radicaux de 1939, dont deux appartenaient à l'aile droite de leur parti, ont été écartés, De même, seule une poignée d'ex-conseillers généraux radicaux se retrouve au conseil départemental.

En revanche, les maires ruraux, négociants, propriétaires, cultivateurs, d'une sensibilité modérée ou indépendante, sont très nombreux. Ils sont complétés par des notables classés à droite, élus locaux de petites communes, des officiers retraités, des industriels…

Municipalités 
Le régime de Vichy avait besoin de municipalités favorables à sa politique ou, tout au moins, ne manifestant pas leur hostilité. Celles qui n'étaient pas dans la ligne étaient destituées et remplacées par des « délégations spéciales ».

Le nombre de démissions volontaires de maires, d'adjoints et de conseillers municipaux est extrêmement élevé. La plupart du temps, ce sont des raisons d'âge ou de santé qui sont évoquées pour justifier ces retraits, parfois la surcharge de travail, les difficultés à résoudre les problèmes. La bureaucratie mise en place par Vichy pèse sur nombre de petites communes où le maire remplit toutes les tâches. Est-ce que ce sont les véritables raisons ? Sous ces prétextes, n'y a-t-il pas une divergence avec la politique du gouvernement de Vichy ?

Le nombre de maires suspendus de leurs fonctions ou démissionnés d'office, et de municipalités dissoutes par arrêtés est important. À Menglon, le maire « n'apporte pas une aide efficace à l'oeuvre de rénovation nationale », il est « déclaré démissionnaire d'office de ses fonctions ». La municipalité à majorité communiste de Saint-Uze est évidemment remplacée. La majorité des membres de l'assemblée communale de Volvent « fait pour le moins preuve d'inertie et ne manifeste nullement son désir de contribuer à l'oeuvre poursuivie par le gouvernement », elle est donc évincée le 1er mars 1943.

Les membres des "délégations spéciales" qui remplacent les conseillers écartés doivent être de fidèles serviteurs du régime. Une note du ministre secrétaire d'État à l'Intérieur, du 6 décembre 1941, rappelle qu’il est nécessaire « de préciser […] le passé politique et les tendances actuelles des candidats ». C’est souvent le président local de la Légion française des combattants qui est chargé de trouver les membres à nommer. La délégation spéciale de Menglon sera présidée par le secrétaire de la Légion, assisté d’un « patriote à cent pour cent, hostile ouvertement au Front populaire ». À Aouste, en mars 1943, le président de la délégation spéciale est choisi car il est pour « une politique nationale, de droite » et pour la « Révolution nationale ».

C'est le préfet qui choisit le nouveau maire et non un Conseil municipal émanant des citoyens. Le préfet Rivalland adresse au maire de Crest qu’il vient de nommer le 18 janvier 1941, une lettre sans équivoque : « Je n'ai pas besoin de souligner quelle est, sur le plan communal, l'importance du rôle que vous aurez à jouer dans la Révolution nationale entreprise par le gouvernement de Monsieur le maréchal Pétain et je suis persuadé que, comme vous m'en avez donné l'assurance, vous apporterez à l'accomplissement de cette tâche tout votre dévouement, tout votre coeur et un loyalisme total envers le Maréchal de France chef de l'État. » Le préfet choisira les vingt conseillers municipaux dans une liste, qu’il demande au nouveau "maire" de constituer, de quarante noms, écartant les Juifs et les étrangers, « accompagnée d'une notice individuelle sur chaque candidat contenant votre appréciation personnelle sur ses mérites ».

Bien que soigneusement sélectionnés, ces « maires » ne resteront pas toujours des soutiens du régime. Le colonel Pizot, nommé président de la délégation spéciale de Dieulefit, ferme les yeux sur les activités clandestines de sa secrétaire de mairie, Jeanne Barnier, spécialiste de la fabrication de faux papiers. Alfred Lesage, appelé à présider la délégation du Grand-Serre en mai 1942, sauvera bien des vies par son courage et évitera les exactions, couvrant ses administrés travaillant pour la Résistance, au point que, le 9 octobre 1943, il sera arrêté en même temps que la famille Brenier, dont son prédécesseur Jean-Joseph Brenier, et tous seront déportés.


Auteur(s) : Robert Serre
Sources : La préfecture et le conseil général, département de la Drôme, 1900-1950, imp. Céas et fils, Valence, 1950.