Conseil de maison à la Maison de jeunes de Romans

Légende :

Le groupe de jeunes, en demi-cercle, autour de Paul Jansen, au premier plan à droite, est dominé par l’affiche d’une autre institution de Vichy, l’association Jeunesse et Montagne. Manifestement le cadrage de la photo traduit une volonté de propagande.

Genre : Image

Type : Photo

Producteur : Photo reportage « Trampus »

Source : © Musée de la Résistance en Drôme et de la Déportation de Romans Droits réservés

Détails techniques :

 Photographie argentique noir et blanc.

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Romans-sur-Isère

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Analyse média

Chaque semaine Paul Jansen tient un Conseil de maison avec ses jeunes.

La photo est le type même de document ambigu car il se prête à plusieurs lectures. Composé comme un tableau, avec une disposition pensée des personnages, sous le portrait du Maréchal, il peut et il doit servir le régime. L’affiche vantant les « Groupements Jeunesse et Montagne » avec leur adresse « Commissariat des groupements, 9 rue Cornélie Gémond, Grenoble, Isère », met en évidence deux mots forts des préoccupations du régime envers la population : la jeunesse et la montagne, lieu où le corps se régénère. Le personnage, avec son protège oreille, regarde le drapeau et vers le sommet de la montagne enneigée, tout un symbole. Les cadres, de part et d’autre du portrait du Maréchal indiquent, à gauche, le nom des membres de la Maison des jeunes (MJ), à droite, l’emploi du temps et les activités.

On voit un maître transmettant un savoir à un groupe de jeunes attentifs, avides de connaître. Studieux, stylos et crayons en mains, ils prennent des notes. Ils entourent le maître, ils forment un cercle, évoquant ainsi une unité. Ce n’est pas la disposition traditionnelle de l’école avec le maître qui, du haut de sa chaire, enseigne à des élèves assis en face de lui. Ici il y a à proximité du maître et des élèves et on soupçonne qu’il y échange presque sur un plan d’égalité. Belle photo de propagande pour les méthodes nouvelles que le régime veut faire passer dans l’opinion publique.

Mais qu’enseigne le maître ? Fait-il l’éloge, soutient-il le régime dont on voit le principal personnage ? Comment réagissent les jeunes ?

Le maître, en l’occurrence Paul Jansen, semble se prêter aux désirs du photographe commandité par le régime de Vichy.

En réalité, il joue un double jeu. La Maison de jeunes de Romans qu’il dirige est une couverture pour son activité de Résistance qu’il développe dès fin 1942. Les garçons qui l’entourent vont constituer le noyau dur de la Résistance de la Maison des jeunes et vont participer aux combats de la Libération dans la région romanaise et au Vercors. L’un, Yves Péron, sera tué par les Allemands le 15 juin à Saint-Donat, deux autres, Jean Chapus (« Zizine »), blessé lors de la première libération de Romans le 22 août 1944, André Morin (« La couenne »), le 27 août à Bourg-de-Péage.

Paul Jansen a joué un rôle important dans la Résistance romanaise. Son parcours est révélateur.

Paul Jansen est né le 31 mai 1914 à Metz. Il obtient le baccalauréat à 16 ans. Après un bref séjour dans l'usine de chaussures où son père est directeur commercial, il devance l'appel et effectue deux ans dans l'armée de l'Air où il devient sergent avec un brevet de radio. Il retourne à l'usine. Avec sa famille, il est expulsé et se réfugie à Romans. Il trouve un poste de professeur de latin au collège privé de Villard-de-Lans, dans le Vercors. Au cours de l'été 1941, il va faire un stage à l'Ecole des cadres de Chamarge, près de Die. Avec les élèves, il participe au « putsch » qui conduira à la fermeture de l'Ecole.

Il devient directeur de la Maison de jeunes de Romans, le 19 février 1942. Fin 1942, il parle de Résistance avec René Piron et propose de cacher des jeunes dans le Vercors. Il met en place un camp en mars 1943. Fin août 1943, il fait partie de l'équipe des MUR (Mouvements unis de la Résistance) qui maquille les affiches annonçant le 3e anniversaire de la Légion (il est ajouté « et dernier » après « 3e »). La première semaine de septembre 1943, avec son équipe, il effectue le premier transport d'armes à Romans pour le groupe « Daniel » (Piron), depuis le château de La Pérouze (à Saint-Sorlin-en-Valloire) où elles ont été fournies par « L’hermine » (Drouot). Il dirige la compagnie de maquisards venant de la Maison des jeunes dont le nom de combat est « Jacquelin », qui prend position à Saint-Donat le 6 juin 1944, avant qu'elle ne parte au Vercors où elle participera aux combats de juillet. Le 22 août 1944, il combat, avec son groupe, pour la libération de Romans. Jean Chapus, un des jeunes de la Maison des jeunes, y est blessé. Paul Jansen est titulaire de la croix de guerre avec étoile de bronze.

Il continue d'être directeur, puis délégué régional de MJC. Il est décoré de la croix de chevalier de l'Ordre du Mérite.


Auteur : Alain Coustaury

Contexte historique

La Maison de jeunes de Romans (appelée communément "la Maison des Jeunes", terme conservé après la guerre) a été inaugurée le dimanche 9 mars 1941, par M. Lamirand, secrétaire général à la Jeunesse. Toutes les écoles publiques et privées de Romans et Bourg-de-Péage avaient été convoquées par les maires des deux villes et un appel avait été adressé à la population par voie de presse.

Le Conseil de maison était préconisé par l’administration de Vichy. La Maison des jeunes de Romans aurait été la première à l’instituer. Lors de la réunion du Conseil le directeur, ici Paul Jansen, présente le programme des activités et sollicite les remarques des jeunes. C’est un moyen de faire participer ces derniers aux activités de l’établissement.


Auteur(s) : Alain Coustaury
Sources : Dvd-rom La Résistance dans la Drôme-Vercors, éditions AERI-AERD, février 2007.