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Tract allemand de 1944 incitant les résistants à quitter le maquis

Légende :

Tract allemand de 1944 incitant les résistants à quitter le maquis et leur promettant la liberté

Genre : Image

Type : Tract

Source : © AD Drôme - Fonds Pierre Vincent-Beaume Droits réservés

Détails techniques :

Tract allemand recto-verso

Date document : 1944

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme

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Analyse média

Transcription du tract: Recto "LE CHEMIN DE LA LIBERTE HOMMES DE LA RESISTANCE: Un certain nombre d'entre vous, s'étant présentés aux Autorités Allemandes ont pu obtenir le droit, de rentrer en toute liberté, dans la légalité. Ils avaient compris que depuis la mise en service de la nouvelle arme allemande, l'Angleterre se trouve aux prises avec de très grosses difficultés matérielles.Le ravitaillement de son corps expéditionnaire de Normandie s'avère très précaire de ce fait ils vous aident insuffisamment. Avec très peu de matériel, sans armes lourdes, sans munitions et sans argent, votre combat devient un suicide. Fidèle à ses principes, l'Angleterre trahit une nouvelle fois et vous abandonne en plein combat. Pourquoi continuer à souffrir, à vous battre et à mourir pour des étrangers qui ne songent qu'à eux et n'ont pensé à vous que pour vous utiliser comme de la "chair à canon". Etes-vous des candidats au suicide ou des complices d'assassins? Devant les atrocités commises par les Anglo-Américains en Normandie, un grand nombre de vos camarades écoeurés abandonnent les rangs de la résistance, ne voulant pas être les complices de ces assassins de français innocents. Anciens officiers, anciens soldats, jeunes gens bernés et trompés, quittez sans plus attendre le maquis. N'êtes-vous pas dégoûtés de vos Chefs qui vous recrutent par le mensonge et par la force et qui très souvent vous abandonnent en plein combat? N'êtes-vous pas fatigués d'être des vagabonds hors-la-loi, d'être consiérés par la majorité de vos compatriotes comme des bandits de grands chemins? Si vos chefs vous contraignent à rester, abattez-les votre vie vaut bien la leur."

Verso "L'Armée Allemande vous donne l'occasion de rentrer dans la légalité, présentez-vous immédiatement aux Autorités Allemandes les plus proches. Aucune représaille ne sera exercée sur vous ou vos familles, si vous vous présentez volontairement. Le chemin de la Liberté s'ouvre devant vous....Profitez-en. Demain il sera trop tard. Vous! qui avez été dupés, trahis, vendus! Rentrez chez vous! Grâce à l'offre unique que vous fait l'ARMEE ALLEMANDE. Rejoignez votre mère, votre femme, vos enfants! Reprenez votre métier, vos occupations coutumières! N'hésitez pas! Agissez! Présentez-vous à l'Autorité Allemande la plus proche en faisant état de ce tract. Dites que vous quittez le combat, que vous voulez reprendre une vie normale. Des ordres ont été donnés. Vous serez libre immédiatement!"


Contexte historique

Entre novembre 1942 et novembre 1943, la Drôme, et donc la Résistance drômoise, connaissent l'occupation italienne jusqu'en août 1943, puis l'occupation allemande à partir de septembre, en même temps le régime de Vichy crée la Milice. La Résistance gagne l'opinion publique à sa cause alors que s'accroît la confiance dans la victoire alliée. La Résistance gagne aussi sur le plan du vocabulaire. Dans son rapport du 1er juillet 1943, le préfet Hild (acquis à la Résistance) n'hésite pas à employer résistance (deux fois, dont une dans l'expression "organisations de résistance"), bandes armées, débarquement, attentats terroristes et libération du territoire (trois fois), déportation (deux fois). D'ailleurs ce rapport, entre autre, amènera sa mise en disponibilité par le gouvernement de Vichy. Les structures de la Résistance se sont progressivement mises en place depuis 1940 et ont pénétré à l'intérieur de la population. D'une part celle-ci s'est détournée de Vichy, et la création de la Milice va accentuer ce phénomène ; d'autre part la Résistance bénéficie de la notabilité, des aspects patrimoniaux et ruraux caractéristiques de la population drômoise. Fin 1943, la majorité de la population a choisi le camp de la Résistance (ce qui ne veut pas dire que cette population s'engage dans son intégralité dans le combat résistant), cela est illustré par les rapports des autorités. Le commandant de gendarmerie de la Drôme décrit, en décembre, la victoire de la Résistance sur le "front" de la société drômoise : "La situation générale s'est nettement aggravée dans le département depuis le mois dernier. L'état d'esprit des populations est devenu mauvais. Bien que la situation dans les diverses branches de l'économie [...] n'ait pas sensiblement évolué, et qu'on ait constaté une forte diminution de la propagande par distribution de tracts, le malaise, l'inquiétude et l'irritation provoqués par les insuffisances du ravitaillement, les attentats terroristes et les opérations policières effectuées par les autorités d'occupation se sont accentuées, parce que : - au seuil de l'hiver, le ravitaillement est devenu plus précaire, - les attentats terroristes sont plus nombreux, plus audacieux et restent impunis, - les mesures de coercition prises par les autorités allemandes se sont faites plus dures, souvent brutales. La population désorientée, aigrie, démoralisée, activement et habilement travaillée par la propagande radiophonique étrangère ou dissidente, rend le gouvernement responsable de ses souffrances. Elle lui reproche de se faire l'instrument servile des volontés de l'occupant et méconnaît de plus en plus son autorité. Dans sa grande majorité, elle n'attend son salut que de la victoire des Nations unies et se tourne chaque jour davantage vers le gouvernement d'Alger. Réfractaires et dissidents bénéficient de sa sympathie, trouvent auprès d'elle aide et assistance. Quant aux terroristes, dont elle ne désapprouve pas toujours les actes et dont elle craint les représailles, elle leur assure l'impunité par son mutisme absolu sur tout ce qui touche à leurs agissements et à leur refuge. En un mot, la population, dans sa grande majorité, n'est plus avec le gouvernement. Elle est contre lui et avec les dissidents. Le calme qu'elle continue à observer n'est qu'une expectative prudente, qui pourrait très vite faire place, si l'occasion s'en présentait, à une agitation générale qui s'étendrait non seulement aux masses populaires, mais aussi aux autres classes, à celles mêmes qui, naguère, s'effrayaient le plus des progrès du communisme". (Passages soulignés par l'auteur). Le vocabulaire utilisé est éloquent : la population offre aux résistants "sa sympathie, aide et assistance, assure leur impunité par son mutisme absolu sur tout ce qui touche à leurs agissements et à leur refuge". Le commandant de gendarmerie craint même une "agitation générale", qui ne se produira pas dans le département. Le même rapport mentionne la " passivité complice de la population [qui favorise les] éléments antinationaux". Le rapport du préfet Cousin du 3 janvier 1944 précisera : "La population distingue entre réfractaires et terroristes, [elle] a des dispositions favorables pour les premiers mais craint pour l'avenir à cause des seconds et envisage la possibilité d'une guerre civile". 1943 voit la mise en place des maquis, puis leur essaimage, l'installation des groupes-francs, dont les actions sont les plus importantes contre l'ennemi (avec celle des réseaux de renseignements), qui ont une implantation le long des axes de communication. Se mettent également en place des groupes de récupération des parachutages, et des "équipes spéciales". Une tendance se dessine dans la construction de la Résistance. Ses structures, et les supports de ces structures, existent potentiellement avant leurs développements. Elles se sont mises en place grâce aux réseaux de connaissances et d'amitiés des résistants. Les Italiens ne pourront enrayer la formation et l'extension de ces structures de Résistance, notamment les maquis. Il n'y a pas que le manque de pugnacité qui explique cela. Ni les Allemands (dont la répression sera pourtant féroce), ni Vichy, ne pourront non plus freiner leurs évolutions et leur croissance qui va aboutir à la Résistance armée dès décembre 1943. Le flux vers la Résistance sera toujours positif. Toutes les formes de Résistance vont bénéficier de l'apport extérieur des réseaux du BCRA et surtout du SOE, qui amèneront notamment les premiers parachutages d'armes dans la Drôme à la fin de l'été.



Patrick Martin, "1943, le tournant:un rapport révélateur", DVD-ROM La Résistance dans la Drôme, AERI, 2007.