Insigne du maquis des Ardennes

Légende :

Insigne des troupes de forteresse (secteur fortifié des Ardennes - 1939) réutilisé et matriculé pour le maquis

Genre : Image

Type : Insigne

Source : © Collection Maurice Bleicher Droits réservés

Détails techniques :

Insigne à broche.
Dimensions 40,5 X 37,6 mm.

Lieu : France - Grand Est (Champagne-Ardenne) - Ardennes

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Analyse média

Il semble que les maquisards du maquis des Ardennes aient été dotés d’un insigne récupéré sous l’Occupation dans dans un dépôt de l’armée. Les hommes du maquis Prisme le portèrent-ils sur leur béret ?

Les hommes du maquis Prisme portèrent-ils un béret avec épinglé cet insigne ? Peu de sources corroborent cette assertion. Deux photographies prises au maquis lors d’une prise d’arme le jour du 14 juillet 1944 montrent des hommes vêtus de vestes imperméables sans manches portées sur un pull-over et tous porteurs d’un béret avec écusson circulaire. Selon Georgette Fontaine, il s’agit de gendarmes qui ont déserté leur casernement et ont rejoint avec armes et bagages le commandant Prisme au début du mois de juillet. Dans l’ouvrage de J.P. Cordier, Combat en Ardenne, l’insigne appartenant à l’un de ces gendarmes est dessiné (mais l’auteur n’en indique pas la provenance). Les gendarmes formant l’encadrement du maquis (ils ont l’expérience du commandement et du maniement des armes), on peut supposer qu’ils furent les seuls à porter cet insigne qu’ils amenèrent eux-mêmes ? Par ailleurs, au titre des sources, on peut citer ce témoignage d’un aviateur américain qui fut un temps hébergé au maquis : « Cette organisation s’appelait Maquis des Ardennes. Ses membres portaient un insigne métallique circulaire sur leurs bérets. »

Cet insigne est marqué d’une tête de sanglier avec en arrière plan une vue sur une falaise au pied de laquelle se trouve une tour. Dans la symbolique militaire moderne, le sanglier figure sur de nombreux insignes, notamment sur ceux des régiments d’infanterie, de blindés, ou encore, avant la guerre de 1939-1945, de forteresse, dont ceux de la fameuse ligne Maginot. Le paysage est une vue du fort de Charlemont qui domine, du haut de sa falaise, la Meuse et la ville de Givet. Ce fort a été construit à partir de 1550 par Charles-Quint, il est revenu à la France sous Louis XIV, en 1680, puis il fut agrandi par Vauban. Au pied de la falaise figurent la Meuse, le pont de la ville, les quais avec la tour Victoire construite au XVe siècle. L’ensemble a donc pour vocation de représenter la puissance du système défensif en un secteur qui est aux avant-postes du territoire, la « pointe » de Givet étant enclavée en Belgique. Si son iconographie renvoie donc au 148e régiment d’infanterie qui tint ses quartiers à Givet de 1899 à 1914, il n’en reste pas moins que l’insigne fut celui du Secteur défensif des Ardennes.

L’origine de la devise est inconnue. Sur l’insigne original, le mot Ardennes est au pluriel. Il désigne donc le département. Lorsque la Résistance ardennaise s’empara de cette devise pour la faire sienne, elle modifia son sens en élargissant la notion de territoire national à la réalité transfrontalière de son action, l’Ardenne désignant en effet une région naturelle située dans un ensemble franco-belge, voire franco-belgo-luxembourgeois. Chronologiquement, on voit donc la devise apparaître.
- En juillet 1942, se réunissent en Belgique, à Herbeumont, des responsables de groupements de résistance français et belges. L’animateur se lance dans « un étourdissant exposé des possibilités et des moyens pouvant être mis à notre disposition par les organismes anglais de Londres [le SOE]. » Sceptiques, les présents demandent « un message de confiance avant de suivre aveuglément. Ce message, tous les Ardennais, écoutant régulièrement la BBC s’en souviendront : “Ardenne tiens ferme ! Courage les amis, à bientôt”. » Deux témoins relatèrent cet épisode en écrivant « Ardenne » plutôt qu’ « Ardennes ».
- En août 1944, le journal de la Résistance, composé par le chef de centre de Floing, Marcel Léonard, prend le titre d’« Ardenne, tiens ferme ».
- Aujourd’hui, ce nom est celui du bulletin des membres de l’Union ardennaise des FFI (UAFFI). On note que pour cette association, si le sanglier de l’insigne original est demeuré, le paysage en arrière-plan a été remplacé par une croix de Lorraine. « Ardenne, tiens ferme ! » est le nom d’un site consacré à la résistance et à l’Occupation dans les Ardennes.
La devise « Ardennes, tiens ferme » (avec ou sans le point d’exclamation) a été reprise par le 3e régiment du génie en garnison à Mézières.


Auteur : Philippe Lecler, webmaster du blog "Ardenne, tiens ferme". 

Contexte historique

LA MISSION CITRONELLE ET LE MAQUIS DES ARDENNES

Au début de mars 1944, l’état-major de la région C fut prévenu par le BCRA qu’une mission interalliée, dite Citronelle serait bientôt parachutée dans la Marne. Le parachutage eut lieu le 12 avril sur un terrain proche de Mourmelon. Cette première partie de la mission était composée de trois officiers ayant subi un entraînement poussé : le commandant Jacques Pâris de Bollardière, dit « Prisme », officier des FFL qui s'était porté volontaire pour être parachuté en France, le lieutenant américain Victor Layton (OSS), l'aspirant Gérard Brault, radio. La mission rejoignit les Ardennes huit jours plus tard et les premiers contingents envoyés par les chefs de secteurs du département commencèrent à constituer un maquis qui prit le nom de code de son chef, « Prisme ». Directement relié à Londres par radio, il jouissait d'une autonomie que facilitait son équipement et son armement. Installé aux Vieux-Moulins de Thilay, il reçut le 5 juin la deuxième partie de la mission qui comprenait le capitaine Jacques Chavane, les lieutenants Racine et Goetghebeur, les capitaines anglais Desmond Alan Hubble et George Whitehead. Ils annonçaient le débarquement comme venait de le faire, le même soir, la BBC par l'émission des phrases de déclenchement des plans. Le maquis s’installa alors sur le territoire de la commune de Revin, en forêt, sur le plateau du Malgré-tout, qui domine la ville de ses 433 mètres, sur la rive droite du ruisseau des Manises.

Dans les jours qui suivirent, plus de 200 jeunes gens vinrent grossir les rangs des maquisards. Plus que la surveillance allemande, c’est le manque de discrétion de la montée d’hommes jeunes et inexpérimentés au maquis qui faisait craindre le pire... C’est alors que le 12 juin au matin les troupes allemandes encerclèrent Revin, ratissèrent la ville, positionnant des éléments blindés sur toutes les routes, y compris sur les hauteurs du Malgré-Tout, coupant toute retraite au maquis pris dans une nasse dont les mailles allaient se resserrer... En fin de matinée, les premiers détachements allemands pénétrèrent dans la forêt, et, dans l’après-midi, les premiers accrochages eurent lieu. Totalement cernés par près de 3 000 hommes aguerris, les 250 maquisards ne trouvèrent leur salut que dans la fuite mais 106 hommes furent capturés par les Allemands, martyrisés, puis froidement abattus. Les trois-quarts d’entre eux n’avaient pas 25 ans, le plus jeune n’en avait que 16.

Après cet épisode tragique, Le maquis Prisme, avec une cinquantaine d’hommes, se regroupa au-delà de la frontière belge. Il se reconstitua, entreprit des actions de harcèlement contre l’occupant, fut attaqué à nouveau les 2 et 24 août. Le 7 septembre, les Ardennes étaient libérées. La mission Citronelle prit fin après la totale libération du département des Ardennes, le maquis fut dissous. Ce maquis, issu de la mission interalliée Citronelle connaît différentes démominations : Maquis Prisme, Maquis de Revin, Maquis des Manises (en référence à l’attaque allemande), Maquis des Ardennes (en référence à l’un des buts de la mission qui était de fédérer, d’armer et d’animer les différents groupements de résistance du département). Un grand monument aux morts « du maquis des Manises » fut inauguré à Revin le 27 juin 1948 en présence du Président de la République, Vincent Auriol, accompagné de François Mitterand, alors ministre des Anciens combattants et des victimes de guerre. Cet épisode de la Résistance ardennaise est relaté dans le livre de Marguerite FONTAINE et Eva THOME, Les Vieux-Moulins de Thilay, haut-lieu de la Résistance ardennaise, Editions de la S.E.A., Mézières, 1964. 


Auteur : Philippe Lecler, webmaster du blog "Ardenne, tiens ferme". 
Sources: FONTAINE (M.) - THOME (E.), Les Vieux-Moulins de Thilay, haut-lieu de la Résistance ardennaise, Editions de la S.E.A., Mézières, 1964. LECLER (P.), L’affaire des Manises, Éditions D. Guéniot, Langres, 2004.