Discours de Lamarque-Cando

Légende :

Discours de Charles Lamarque-Cando, président du Comité Départemental de Libération (CDL), prononcé fin août 1944

Genre : Image

Type : Discours

Producteur : Musée du 34e RI de Mont-de-Marsan

Source : © Musée du 34e RI de Mont-de-Marsan Droits réservés

Date document : 3 septembre 1944

Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Landes - Mont-de-Marsan

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Analyse média

TRANSCRIPTION :

IVe REPUBLIQUE FRANCAISE

Extraits du Discours

Prononcé par

M. LAMARQUE-CANDO

PRESIDENT DU COMITE DEPARTEMENTAL DE LIBERATION

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N’attendez point de moi une éloquente ou vaine littérature, le temps est passé de ces jeux inutiles ou dangereux. Nous avons aujourd’hui à nous dire de rudes vérités. Bien sûr, il est vrai, que notre joie est grande d’avoir retrouvé ou reconquis la liberté ; mais il faut dire tout aussitôt que cette joie doit être empreinte de beaucoup de gravité. N’ayons pas la mémoire courte. C’est une faute à ne pas renouveler. Des fautes, nous en avons, les uns et les autres, beaucoup trop commis. Ces fautes, nous les avons payées trop cher.

Il ne faut pas oublier la débâcle de 1940, les 4 années d’humiliation et de deuils, de misère, sous l’occupation allemande, les fusillés, les déportés, les martyrs des prisons et des camps de concentration. Il ne faut pas que ceux qui sont déjà libérés oublient dans une joie trop facile ceux qui ne sont pas encore revenus et ceux qui ne reviendront jamais.

Nous serions impardonnables, et la France perdrait la face aux yeux du monde, si notre plus grand souci n’était point de tirer de nos malheurs les leçons qui s’imposent : les individus et les nations doivent mériter leur indépendance et leur liberté, par leurs sacrifices, leur volonté et leur discipline. Méritent seuls d’être libres ceux qui savent se gouverner eux-mêmes.

Chacun de nous doit avoir reconnu, mesuré, à quel point il est étroitement solidaire de la Patrie ; quand la Patrie était asservie, nous étions des esclaves ; quand la Patrie était envahie, pillée, nous étions réduits à la misère ; la liberté et le bonheur de chacun de nous ne peuvent exister que par la liberté et la prospérité de la Nation.

 

Et quoi ! lorsque nous avons dû subir pendant quatre années les vexations, les brimades, le travail forcé sous la férule des Allemands et pour leur profit, qui oserait refuser au Gouvernement du Général de GAULLE, pour refaire la grandeur de la Patrie, des mois et même des années de sacrifice ! Toutes les classes sociales doivent contribuer à cette œuvre de redressement national, dans le plus large esprit d’union et de patriotisme, dans l’enthousiasme. Il faut que les uns sachent accepter avec courage les renouvellements et les révolutions nécessaires, s’y adapter, les faire réussir et non les boycotter et que les autres fassent au Gouvernement du Général de GAULLE un large crédit de confiance et de patience.

Tout ne peut pas être détruit et remplacé en quelques jours. Nous savons combien sont légitimes beaucoup d’impatiences en particulier celles qui concernent les châtiments des coupables d’intelligence ou de collaboration avec l’ennemi et les trafiquants du marché noir. Que l’on sache bien que notre volonté est de châtier sévèrement et sans exception. Mais nous n’oublions pas que nous sommes le pays qui donna au monde cette charte morale des temps modernes : la déclaration du droit de l’homme. Tout accusé sera jugé selon les formes légales et le châtiment sera à la mesure des fautes commises. Personne, certainement, ne nous demandera d’employer les méthodes des brutes hitlériennes, personne ne nous demandera d’imiter Vichy et ses méthodes d’inquisition.

Nous voulons au contraire que la IVe République s’installe et se fortifie dans une atmosphère d’union dans la justice. La IVe République doit être celle de tous les bons Français sans exception ; nous avons vu se mêler dans la résistance des hommes venus de tous les horizons. Camarades de combat, ils sont devenus des amis. Cet esprit de sacrifice et d’amitié doit animer la France nouvelle.

 

On ne sait pas toujours le mérite de ces maquisards F.F.I. Et bien je vais vous citer un exemple   celui du Chef admirable des F.F.I., LEON-DES-LANDES, celui dont l’action a abouti à libérer Mont-de-Marsan et Dax avant même que Bayonne soit débarrassé de l’ennemi, action audacieuse mais clairvoyante et couronnée de succès, celui qui a contribué à libérer Bordeaux ; celui dont le groupe F.F.I. est parmi les plus nombreux, les mieux armés du Sud-Ouest, bien que le département des Landes soit le moins peuplé. Ce chef, vous le connaissez bien puisqu’il est des vôtres, que vous avez ce privilège et cet honneur ; vous savez qu’il a tout sacrifié à son pays ; il aurait pu, comme tant d’autres, gagner beaucoup d’argent : il lui suffisait de travailler pour les Allemands. Il a préféré leur faire la guerre ! Vous savez ce qu’il y a gagné : la dispersion de sa famille, traquée comme lui par la Gestapo, obligée de se cacher de village en village ; son foyer pillé et aujourd’hui l’impossibilité de ramener sa femme et ses enfants dans sa maison vide dont il ne reste plus que les murs.

 

Voilà le Chef des F.F.I. des LANDES et les hommes qui l’ont suivi dans cette voie si périlleuse lui ressemblent. Ayant volontairement tout sacrifié pour libérer la Patrie et sauver son honneur, ils n’entendent pas, aujourd’hui, que leur sacrifice soit vain et que les ouvriers de la onzième heure viennent se substituer et détourner le pays de la voie du salut.

Oui, c’est l’esprit de sacrifice et d’union fraternelle des F.F.I. qui doit animer la France nouvelle, cette France qui doit être pure et dure.

Cette République pure et dure le Général de GAULLE nous l’a promise et vous savez qu’il tient ses engagements ; car c’est un têtu et même peut-être, dit-on, un mauvais caractère, à force d’être un grand caractère ; comme cela nous plaît, et comme cela nous change, comme cela était nécessaire !

L’Histoire lui rendra justice comme il le mérite, à ce Français immense. Reportez-vous aux jours sombres de JUIN 1940, tout s’était écroulé, l’armée, le régime, les institutions, les hommes qui les dirigeaient. Soudain un chef émergea au-dessus des épaves et domina le désastre ; dans le désarroi général il vit clair et ne désespéra pas ; grâce à lui la France ne sombra pas, et depuis JUIN 1940, jour par jour, seul au début, il fit face aux difficultés, grâce à son action habile et tenace la France va se sauver, elle est déjà devenue une Grande Nation.

 

Faisons bloc derrière le Général de GAULLE et son Gouvernement. C’est là notre seule chance de salut. Si nous nous divisions encore nous mériterions le mépris des Bander-log de Kipling. Le retour à l’ancien gâchis, à l’ancien fractionnement politique, serait un crime intolérable. Il ne doit plus y avoir tant que la France n’aura pas retrouvé sa puissance et sa grandeur, qu’un seul parti, celui de la France. Tous unis derrière le Général de GAULLE pour refaire de la FRANCE une grande Nation, une très grande Nation, parmi les plus grandes.

 

VIVE LE GENERAL DE GAULLE ! VIVE LA IVe REPUBLIQUE !

VIVENT LES ALLIES ! VIVE LA FRANCE !


Contexte historique

Charles Lamarque, né dans une famille nombreuse d'Onard le 12 janvier 1901, entre à l'école normale de Dax, enseigne à Saint-Sébastien (Espagne) puis devient, en 1933, directeur du cours complémentaire (ancien nom des collèges) de Roquefort. Il se lance dans la politique et adhère à la SFIO alors que le département est encore dominé par le Parti radical. Il est élu en 1936, conseiller général du canton de Sabres. Cette même année, il crée le Travailleur Landais qui est encore aujourd'hui l'organe du Parti socialiste et il échoue aux élections législatives du Front populaire.

Dès le début de la Deuxième Guerre mondiale, il fait le choix de la Résistance sous le pseudonyme de "Cando", du nom de sa maison natale, qu'il conservera par la suite (il a ajouté Cando à son nom lors des élections cantonales de 1936). Il a été muté dans les Hautes-Pyrénées en 1940 et est revenu environ deux mois avant la libération du département. Il anime un groupe de Résistance stationné dans un quartier de Mazerolles, Baussiet. En 1944, il assure la présidence du Comité départemental de la Libération. Il a tout fait pour éviter les exactions et les vengeances d'après-guerre.

Il reprend ses activités politiques : député de 1945 à 1958, puis de 1962 à 1968 ; conseiller général de Sabres de 1945 à 1951, de Mont-de-Marsan de 1967 à 1979 ; président du conseil général de 1945 à 1949 et de 1970 à 1979 ; maire de Sabres de 1945 à 1953, puis de Mont-de-Marsan de 1962 à 1983. Sur le plan social, son nom reste attaché à la fondation de la coopérative des Castors Landais : en avance sur son temps, il a préféré favoriser l'accession à la propriété d'une maison individuelle entourée d'un jardin plutôt que de faire construire des immeubles collectifs (HLM en particulier). Il a été aussi président du syndicat départemental d'électrification de 1945 à 1975. Il a fait voter en tant que président du conseil général la création de la régie départementale des transports landais (RDTL).

Il s'éteint à Mont-de-Marsan le 30 novembre 1989.


François Campa, "Lamarque-Cando Charles", in CD-ROM La Résitance dans les Landes, AERI, 2008.