Prison de Montluc à Lyon

Légende :

Vue aérienne de la prison de Montluc à Lyon.

Genre : Image

Type : Carte postale

Producteur : Inconnu

Source : © AERD Droits réservés

Détails techniques :

Carte postale noir et blanc.

Date document : Sans date

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Rhône - Lyon

Ajouter au bloc-notes

Analyse média

Construit au début du 19e siècle, le fort Montluc à Lyon, ne présente plus d’intérêt militaire lorsqu’éclate la Seconde Guerre mondiale. De 1940 à 1942, il sert de caserne. C’est la Gestapo qui, dès le lendemain de l’invasion de la zone libre, en novembre 1942, choisit pour y enfermer ses victimes la petite forteresse située maintenant au sud de la gare de la Part-Dieu.

Le « fort-Montluc » est essentiellement composé d’une grande bâtisse en ciment armé, de trois étages, comprenant environ 200 cellules, une salle commune, et une baraque dans la cour, longue construction de bois recouverte de carton goudronné, aux fenêtres garnies de barbelés, où, mêlés à d’autres, sont enfermés les Juifs.
La plupart des prisonniers sont entassés dans les cellules aménagées dans le grand bâtiment, jusque dans les caves : 6, 8, parfois 10 personnes sont empilées dans des pièces exiguës de 1,80 m sur 2,20 m aux murs nus. Par contre, les prisonniers mis au secret restent seuls, pendant des mois parfois, sans jamais sortir de leur cellule.
Le nombre des prisonniers s’accroît tellement que les cellules ne suffisent plus et qu’ils sont bientôt parqués dans deux salles.
Le « parloir » est une pièce d’environ 3,50 m sur 2 m, divisée dans sa largeur en trois parties par deux solides cloisons de barreaux métalliques garnis de grillages.
Le « réfectoire » s’ouvre au rez-de-chaussée par une unique porte étroite, il mesure environ 10 à 12 m de long sur 8 m de large et 4 m de haut, percé de quatre fenêtres garnies de barreaux et aveuglées jusqu’à mi-hauteur par un panneau en bois ou un badigeonnage des vitres. La pièce renferme soixante lits répartis en blocs de quatre, sur deux niveaux, ne laissant que d’étroits passages entre eux. On mettra jusqu’à 88 hommes dans ce local. Une surface très restreinte est occupée par trois tables avec des bancs. Quand le nombre d’hébergés est trop grand, il faut entasser tables et bancs le soir et étendre les paillasses sur le sol pour que des hommes s’y couchent, en rangs serrés, sans couverture. Ce réfectoire a un avantage sérieux : une petite pièce annexe est munie d’un évier, d’un robinet et de trois grands seaux en tôle émaillée servant de tinettes. Les occupants sont les seuls à avoir de l’eau courante, à pouvoir se laver et boire frais à l’unique robinet, à ne pas être empestés par les tinettes puisque elles sont isolées dans un local séparé.
Il y avait aussi le « réfectoire des femmes » : les infirmières de la grotte de la Luire, entre autres, y sont installées jusqu’au 11 août 1944. 
Deux autres locaux vont bientôt recueillir les nouveaux prisonniers qui affluent : la baraque et « l’Atelier » ou « Magasin », face au bâtiment principal, le long du mur d’enceinte.


Auteurs : Robert Serre

Contexte historique

Entre le 11 novembre 1942 et le 24 août 1944, 7 731 Français ou étrangers auraient été internés à Montluc, dont 201 de la Drôme, qui serait le 5e département « fournisseur ». 622 détenus ont été fusillés, 2 565 déportés, 2 104 auraient été libérés. On ignore le sort de 2 440 détenus. 

Jean Thérond, procureur de la République à Valence, et Fernand Mirabel, coiffeur à Montélimar, étaient internés dans la cellule 118 de 1,80 m sur 2,20 m environ. 
Ils couchaient à six, tête-bêche sur trois paillasses, qui, dans la journée, entassées les unes sur les autres, servaient de siège, de table pour manger ou jouer aux cartes. Les trois paillasses dont la paille n’était jamais changée ont perdu leur moelleux depuis longtemps. Elles contiennent par contre une armée de puces et de poux qui s’abritent aussi dans les ourlets du linge et des vêtements. Chaque détenu consacre une heure de sa journée à son épouillage. Les punaises pullulent, elles se cachent dans les anfractuosités des murs, dans les couvertures, dans les traverses en bois des lits. La nuit leur activité devient dévorante. Si des virgules ornent les murs, ce sont des punaises écrasées. Une lucarne garnie de barreaux, à trois mètres du sol, dispensait la lumière du jour, un peu d’air, pas de soleil. 
Le matin, réveil vers 6 heures Les gardiens apportent quelques instants après une eau noirâtre : le café, quelquefois tiède, le plus souvent froid et non sucré. À 8 heures, seule sortie de la journée : les gardiens ouvrent la porte et les détenus sortent très vite à la queue leu leu, le dernier portant la tinette, ils prennent la suite des autres et descendent. En arrivant dans la cour intérieure, les porteurs de tinettes vont les vider dans une fosse, puisent dans un tonneau du désinfectant, et, posant leurs ustensiles, rejoignent la file des prisonniers qui tournent dans la cour pendant un quart d’heure, distants les uns des autres de trois mètres, avec interdiction formelle de parler, sous la surveillance de soldats mitraillette au poing et la ceinture garnie de grenades. De temps à autre, une sentinelle se met en colère et administre à un pauvre type pris au hasard une volée de coups de crosse.
Pendant ce temps-là, une autre fournée de prisonniers se lave à une espèce de grand abreuvoir à bétail où coulent dix robinets. Quand ils ont fini, la fournée suivante passe à son tour à la toilette à l’eau glacée. Dix minutes pour se laver et, éventuellement, nettoyer son linge. Quand la récréation est finie, on reprend sa tinette, on remonte l’escalier, toujours en file indienne, et on entre dans sa cellule, jusqu’au lendemain. 

Ravitaillement
Le ravitaillement semble avoir été suffisant, sinon convenable, à Montluc, grâce aux suppléments que distribue la Croix-Rouge. Chaque détenu a une assiette métallique et une cuillère en bois, seul matériel que lui alloue la prison. 
« Le menu à Montluc, indique Pierre André, est le suivant : café le matin, soupe à midi, et le soir soupe ou café avec un morceau de pain avec de la margarine ou du beurre ou de la confiture ». « une soupe très épaisse et composée d’une multitude de légumes assez inattendus, tels le fenouil et les tiges d’asperges. Le soir nous avions généralement une autre soupe et un morceau de pain distribué par la Croix-Rouge. Mais bientôt ce supplément nous fut supprimé et nous dûmes nous contenter des seules rations allemandes » précise Albert Champion. Les hommes de corvée posent le nombre correspondant de gamelles de soupe devant chaque porte sur laquelle est marqué à la craie le nombre des détenus. Quand ils arrivent à l’autre bout du couloir, ils reviennent sur leurs pas, ouvrent à nouveau les portes et récupèrent les gamelles, vides ou pas. Il faut donc manger rapidement, même si c’est brûlant. 

Des conditions de détention sévères 
À Montluc, tout est « verboten » (interdit). Défense de communiquer avec le dehors, d’avoir des couteaux, du papier, même du papier hygiénique, un crayon ou un stylo, un rasoir, des allumettes, du tabac, une glace, des cartes à jouer, des aliments autres que ceux de la prison, du vin, de l’argent, des bijoux, une montre, une lime à ongles, … C’est le règlement ! Mais on imagine bien qu’il est souvent contourné. Par exemple, il y a toujours un détenu qui a « passé » à la fouille un bout de crayon avec lequel il dessine des cartes à jouer sur des morceaux de boîtes de médicaments autorisés. Alors ce sont d’interminables belotes, bridges, pokers … passe-temps des détenus, avec une couverture toujours prête à étendre sur le jeu lorsque se fait entendre le pas d’un gardien. 
À l’aide d’un corps solide, les détenus frappent à la paroi et communiquent ainsi en morse avec les cellules voisines. Souvent, ils se font la courte échelle pour regarder par le vasistas. 

Interrogatoire et torture 
Les prisonniers sont conduits au siège de la Gestapo, l’École de Santé Militaire, avenue Berthelot, puis, après le bombardement du 26 mai 1944 qui la détruit, dans un immeuble de la place Bellecour. Pour obtenir les aveux et les renseignements qui lui permettront d’autres arrestations, la Gestapo propose d’abord de l’argent et l’impunité, puis elle avance des menaces à l’égard de la femme, des enfants et des parents du détenu. En cas de nouveau refus, elle a recours à la torture physique qui se pratique dans les caves : prisonnier agenouillé pendant des heures sur une règle triangulaire ou suspendu par les bras, ramenés en arrière, jusqu’à l’évanouissement, matraquage à coups de pieds, de poings, de crosse de revolver, de gourdin, de nerf de bœuf, surtout sur les parties génitales, arrachage des ongles, brûlure avec une cigarette, entaille au rasoir de la plante des pieds, décharges électriques, coupure du bout des seins des femmes avec des pinces, le tout suivi d’un isolement au « mitard » infect, étroit, sans lumière et sans air, privé de nourriture ou de boisson, où dormir est rendu impossible par l’étroitesse du cachot et une forte lumière. 
Mais le supplice le plus utilisé est celui de la baignoire, où l’on maintient la tête sous l’eau jusqu’à suffocation. Bon nombre de patriotes ainsi torturés meurent pendant ces terribles séances ou agonisent longuement à Montluc.
Marcel Got raconte : « Un jour, dans un couloir, je vois arriver un détenu revenant d’un interrogatoire dans un triste état, avec un œil sorti de l’orbite qui pendait : je m’avance vers lui pour lui tendre un mouchoir, mais un SS m’en empêche brutalement »
Maurice Bochaton, de Montélimar est frappé si rudement qu’un de ses reins éclate. Pendant un mois, il urine du sang. Mais aucun soin ne le rétablit puisqu’il est sur le chemin de la déportation et que les épreuves douloureuses vont se succéder. 
Madame Antonia Blancard n’a pas été épargnée : « j’ai subi quelques mauvais traitements, pour un rien, c’était le poing sur la figure ou des coups de pied sur toutes les parties du corps. Ces mauvais traitements nous étaient infligés par des femmes allemandes»
Marcel Pazat, de Bourg-de-Péage, a lui aussi gardé le souvenir des gardiens allemands : « … qui sont de véritables bandits. Ils ne font que nous taper dessus avec des nerfs de bœufs ». Les Romanais sont choqués par l’antisémitisme brutal de leurs gardiens : « Dans cette baraque, écrit Champion, nous assistons aux mesures vexatoires envers les Juifs. Ceux-ci doivent emporter les latrines archi pleines et ramasser avec leurs mains les immondices se trouvant autour ». 
Pierre André, pâtissier à Romans, qui n’a que dix-sept ans et demi, confirme ce comportement envers les Juifs : « ce sont les Juifs qui font les corvées. Ils sont très durement traités par les SS. Dans la baraque de la cour où nous sommes logés, il y a un ingénieur juif qui, ayant fait une découverte concernant les moteurs à gazogène et refusé de livrer les plans de son invention aux Allemands, est martyrisé. Tous les matins, un gardien l’appelle et l’emmène. On lui donne cinquante coups de cravache et on le ramène. Son dos et ses cuisses ne sont qu’une plaie. Il ne peut ni se coucher sur le dos, ni s’asseoir ». 
André Mérandat, de La Roche-de-Glun, raconte : « J’ai vu plusieurs voisins de ma cellule revenir d’interrogatoires marqués de coups. […] Tous ces hommes ont été défigurés et martyrisés. C’étaient des soldats de la 1ère DA qui venaient les chercher en compagnie d’un nommé Francis la Gueule tordue. Ce dernier était toujours armé d’un nerf-de-bœuf et en frappait violemment les détenus pour les faire causer. Le jeune René Rey-Robert, né à Saint-Donat, explique qu’il a subi « deux interrogatoires au cours desquels [il a] été battu au nerf de bœuf jusqu’à évanouissement et passé une fois à la baignoire »
Mercédès Vincent, de Cléon-d’Andran, torturé à l’École militaire, refuse de parler : « Ils m’ont pendu par les pieds durant une vingtaine de minutes, m’ont frappé à coups de trique qui pleuvaient de tous côtés... et j’ai perdu connaissance... Ils m’ont alors descendu dans les caves. Je n’entendais plus, j’avais la vue troublée et ne pouvais plus parler ; puis ça a été le retour à Montluc... ». 

Les morts 
Certains sont morts des suites des interrogatoires de la Gestapo des conditions d’internement. C’est le cas de Louis Victor Morin, 57 ans, de Comps, résistant actif arrêté par la Gestapo le 25 mai 1944 avec deux voisins. Atteint d'un cancer et laissé sans soins, il meurt à la prison Montluc vers la fin juillet 1944. Il faudrait ajouter Joseph Baumann, réfugié lorrain à Bren (Drôme), résistant de la première heure, arrêté le 2 juin 1944. Il sort de Montluc lors de la libération de Lyon, mais meurt peu après des suites de son internement. Ajoutons encore Gustave Courtier, vénérable de la Loge maçonnique de Montélimar, âgé de 81 ans, emprisonné deux mois à Montluc où il est victime d'une hémorragie cérébrale qui le laisse paralysé. 

Évadés de Montluc 
On le sait par le livre de Devigny, il était pratiquement impossible de s’évader de Montluc. Les deux seuls Drômois qui s’en sont échappés l’ont fait à l’extérieur, profitant d’un transfert ou d’un départ : 
Jean Marchand, industriel frigoriste de Tain-l'Hermitage, arrêté par la Gestapo le 29 janvier 1944 comme « terroriste fournisseur du maquis », emprisonné à Montluc, condamné le 25 avril à la déportation, s’évade le 29 au moment du départ. 
François Jonas, Tchèque originaire des Sudètes, interné au GTE (Groupe de travailleurs étrangers) de Crest, arrêté en août 1943 dans le train par la Gestapo, s’évade à la gare des Brotteaux au moment de partir vers Compiègne et la déportation, grâce à l’aide d’un jeune garçon de la Croix-Rouge : après une nuit caché dans un cabanon au fond d’une cour, il revient à pied dans la Drôme. 

Libérés 
Les emprisonnés libérés poursuivent leur Résistance, mais parfois se font reprendre. Le premier Drômois arrêté, le 11 septembre 1940, pour avoir reproduit et distribué l’appel de Jacques Duclos, est Raoul Pontet, ex-secrétaire du Parti Communiste à Romans : il fera 18 mois de prison. Aussitôt libéré, il reprend la lutte et finira capitaine dans les FTPF (Francs-tireurs et partisans français). On retrouve dans la Résistance les deux lycéens de Valence, Roger Coursange et Marcel Gabet, condamnés pour leur tract du 11 novembre 1940, relâchés au terme de trois et six mois de prison. 
Emile Bouchet, maréchal-ferrant à la Motte-Chalencon, condamné le 24 septembre 1942 pour avoir chanté l'internationale au cours d'un banquet, libéré le 19 janvier 1943, devient agent de liaison. Il sera l’un des survivants miraculés de la tuerie de Valréas du 12 juin 1944. 
Camille Panaye, communiste de Saint-Vallier relâché au printemps 1943, s’illustrera en hissant un drapeau tricolore au sommet de la pile centrale du pont sur le Rhône. 
Joseph Morin, de Saint-Gervais-sur-Roubion, arrêté en 1942 à Montélimar pour avoir distribué des tracts dans son atelier, libéré de Montluc le 22 février 1943, s’engage dans les FTPF et deviendra sous-lieutenant du bataillon Sud-Drôme. 
Raymond Arsac, interné quelques jours à Montluc après la manifestation du 10 mars 1943 à la gare de Romans, libéré peu après vu son jeune âge, 15 ans, part au maquis. 
Jean Blache journaliste aux Allobroges rescapé de Montluc, deviendra membre du CDL (Comité départemental de Libération)… 
Par contre, les cheminots Lacour, Charrier, dessinateur à la SNCF, et Moulin, tous trois de Valence, ainsi que Jean Blache, déjà appréhendés en 1940 au titre « des arrestations préventives à faire en 1ère urgence », libérés de Montluc en 1941, se remettent immédiatement à la tâche : jugés responsables de la reprise d’activité du PCF dans la Drôme à la fin de 1941, ils sont arrêtés de nouveau. 

Pire, le docteur Jean Bourdongle, de Nyons, relâché de Montluc faute de preuves, mais mis par Barbie sous la surveillance d’un espion français, sera repris et fusillé par les Allemands à Saint-Pons de Condorcet, le 19 mars 1944. 

Avec bagages ! Sans bagages ! 
À partir de 1943, Montluc n’est plus une prison où l’on purge une peine, c’est une étape. On ne sort de Montluc que pour l’interrogatoire et la torture, pour l’exécution ou pour la déportation. Quand un gardien appelle un prisonnier dans sa cellule, il a deux formules : 
« Avec bagages ! », le prisonnier part pour l’Allemagne. Malgré l’incertitude du sort des déportés, presque tous accueillent la nouvelle avec joie : ils échappent à la Gestapo. Les malheureux ignorent le sort qui les attend. 
« Sans bagages ! », c’est le poteau d’exécution. Les appelés ne se font aucune illusion ; ils savent ce que cela signifie. Le transport dans les environs, au fort de la Duchère ou en pleine campagne, et l’exécution. Ils s’habillent en silence, toujours très calmes, d’un admirable courage. L’accolade des camarades, quelques mots pour leur demander d’annoncer aux leurs la lugubre nouvelle et les consoler et ils se dirigent vers la porte. 

Les déportés 
« direction Compiègne, menottes aux mains et enchaînés par les pieds avec un camarade... » écrit Eugène Mercédès Vincent. Pour ceux destinés à la déportation, Montluc est la première étape, en général leur séjour dure environ un mois. Mais Antonia Blancard, de Montélimar, reste à Montluc du 20 mars au 20 mai avant de partir pour Ravensbrück alors que Charlotte Fass, jeune Juive d’à peine 16 ans, y stationne 19 jours avant d’être embarquée pour Auschwitz. 
Les 32 Romanais incarcérés à Montluc à la suite de la grève du 20 septembre 1943, après une visite médicale surtout destinée à vérifier s’il y a des Juifs parmi eux, sont enchaînés deux par deux dès le 14 octobre et emmenés à la gare pour le départ vers les camps de déportation. 
Ces fournées de départs dureront jusqu’à la libération de Lyon : Lucienne Gilles, de Montségur-sur-Lauzon, est appelée avec « tous bagages » le 11 août 1944 alors que Lyon est sous les bombes et que la fin est proche. Onze jours après, elle arrivera à Ravensbrück. 

Les fusillés 
À proximité de la prison, les Allemands installent un tribunal militaire pour le sud de la France. En fonction à partir de l'été 1943, il envoie 77 prisonniers à la mort. Parmi eux, Pierre Freyssinet, 33 ans, ouvrier métallurgiste, de Saint-Barthélemy-de-Vals, agent de liaison de l’état major FTPF, fusillé à Montluc le 5 février 1944. Georges Girard, qui avait abattu un haut responsable de la Gestapo à Lyon, pris par la Milice à Tain alors qu’il tentait de fuir vers le Vercors, est fusillé sur le stand de tir du terrain militaire de la Doua, à Villeurbanne. Mais beaucoup d’autres détenus seront victimes des massacres collectifs des derniers mois dans les environs de Lyon. 

La libération de Lyon sauve les derniers prisonniers 
Ils étaient encore plus de 700 prisonniers lorsque, le 21 août, le commissaire de la République Yves Farge lance son ultimatum à l’état-major allemand le sommant de libérer les détenus de Montluc s’il veut sauver la vie de ses 752 compatriotes détenus par les Français. Il y aura cependant encore des fusillés, comme ceux de Saint-Genis-Laval le 23 août. Le 24 enfin, les Allemands, menacés par l’attaque de Villeurbanne par les FTPF et la prise de Bourgoin par les Américains, abandonnent la prison. Les portes se brisent, la Marseillaise éclate. Enfin libres ! Parmi ces détenus, de nombreux Drômois, dont les détenus de Saoû, le boulanger René Mure, le charron Flavien Vigne, Antonin Desseigne, le régisseur de la forêt, Reine Eymery, commerçante de 20 ans, arrêtés le 20 mai 1944 par les Allemands. Le 24 août 1944, la prison contenait aussi de nombreux Montiliens victimes du zèle du chef Reicher et des Waffen SS en « apprentissage » à Viviers : Louise Miellon, arrêtée le 5 juin 1944, Marius Vigne et Roger Reynaud, du groupe de La Coucourde, tous deux chaudronniers à Montélimar, Georges Reboulet, du corps-franc de l’AS (Armée secrète), Louise Antelmette Rouchon, du groupe de Dieulefit, tous arrêtés par les Allemands en juillet ou début août 1944 ; et encore Pierre Vergier, 20 ans, cultivateur, Charles Courbis, cuisinier, arrêté à Ancône, Lucien David, manœuvre pris le jour de ses 18 ans, Roger Fumas, cultivateur, Marie Giganti 55 ans veuve mère de 5 enfants, repasseuse, arrêtée pour la deuxième fois le 26 juillet 1944 par la Milice et la Gestapo de Montélimar. Il y avait aussi Wilhelm Viedman, communiste lorrain réfugié près de Saint-Donat, ancien des Brigades internationales en Espagne, qui n’échappe à la mort que grâce à la libération de Lyon. Il y avait aussi des femmes, comme Hélène Sarron, qui avait aidé son chef à la préfecture à la création et au fonctionnement du NAP (Noyautage des administrations publiques) de la Drôme et avait échappé avec lui à la descente de la Milice le 24 février 1944, mais prise à Lyon dans le réseau Andromède ou encore Léonie Chirouze, assistante, née à Crest, domiciliée à Valence, arrêtée le 21 juin 1944 comme otage, pour sa fille agent de liaison.


Auteurs : Robert Serre
Sources : Champion Albert, Montluc vu du réfectoire, Lyon 1944. Colly M., Deux semaines à Montluc, Crocodile 1945. Frossard André, La maison des otages, Montluc 1944, Fayard 1983. Leculier R., À Montluc, prisonnier de la Gestapo, Cartier Lyon 1945. Permezel Bruno, Montluc antichambre de l’inconnu, 1942-44, Lyon 1999. Terroine Émile F., Dans les geôles de la Gestapo, souvenirs de la prison de Montluc, éditions de la Guillotière, Lyon, 1944. Roland de Pury, Journal de cellule, éditions « Je sers, Paris, 1944. AN, BCRA, 3AG2/478-171Mi189. SHGN rapport R4 Cie Drôme. AD Rhône, 182 W 9, 3808 W 313, 3808 W 323, 3808 W 325, 3808 W 354. ADD 1920W, 132 J 30, 133 J 62, 9 J 3, 711 W 76-7/4M9, 89 J 62, 255 W 89. Archives PCF Drôme. Pk Martin. Thèse A. Chaffel. Paul Pons. Sandrine Suchon. Chalendon, les Chrétiens dans la Résistance drômoise. Études drômoises, n°1/1993. Burles, la Résistance et les maquis en Drôme-Sud. La Picirella. Poujol, Protestants dans la France en guerre. Béatrix de Toulouse-Lautrec, J’ai eu vingt ans à Ravensbrück, Librairie académique Perrin, 1991. L.F Ducros. Cl. Genest, Tain. Drôme Nord, terre d'asile et de révolte. Pour l'Amour de la France. Des indésirables. Dauphiné Libéré, 6 août 1994 et 1er août 1995. Henri Fuoc, Histoire de Saoû. René Mure, Histoire de Saoû. De Richter, Rien qu’un village de France, Ophrys 1945.