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Plaque en mémoire des arrestations du couvent des Carmes d'Avon

Légende :

Plaque à la mémoire du Père Jacques et des trois enfants enfants juifs arrêtés le 15 janvier 1944 au collège du couvent des Carmes à Avon (au verso, portrait du Père Jacques, tous droits réservés).

Genre : Image

Type : Plaque commémorative

Source : © Wikimedia Commons Libre de droits

Détails techniques :

Photographie numérique en couleurs

Lieu : France - Ile-de-France - Seine-et-Marne - Avon

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Analyse média

L'histoire de ce prêtre et des trois enfants arrêtés a inspiré au cinéaste Louis Malle son film Au revoir les enfants, sorti en 1987.


Contexte historique

Lucien Louis Bunel (en religion, Père Jacques de Jésus) naît le 29 janvier 1900 à Barentin près de Rouen, dans une modeste famille ouvrière. Il est le quatrième d'une lignée de huit enfants. Son père, qui travaille dans l'industrie textile, est un militant syndicaliste : cette activité finit par lui coûter sa place. Sa mère est fille de berger. La vocation sacerdotale de Lucien Bunel se manifestant très tôt, il entre au petit séminaire en 1912, au grand séminaire en 1919, séjour coupé par un service militaire qu'il effectue en Seine-et-Oise.
Ordonné prêtre en juillet 1925, il enseigne dans un collège religieux du Havre puis, en septembre 1931, entre au noviciat des Carmélites à Lille. Il prononce ses vœux simples en 1932, transformés en vœux solennels et définitifs à Avon en 1935. On l'a, en effet, nommé directeur du petit collège Sainte-Thérèse, fondé en 1934 par le révérend Père Louis de la Trinité (Georges Thierry d'Argenlieu) dans l'enceinte du couvent des Carmes.
La guerre interrompt son ministère : Lucien Bunel est mobilisé comme sergent-chef, le petit collège transformé en hôpital militaire. La défaite l'affecte profondément surtout devant les armes d'une dictature comme le nazisme qu'il a toujours dénoncée, en particulier depuis Munich. Prisonnier de guerre à Lunéville, il est libéré en novembre 1940 et, dès janvier 1941, il peut ouvrir le petit collège d'Avon. Son adjoint sera le Père Philippe de la Trinité qui le quittera comme provincial (supérieur de la province religieuse), remplaçant Luis de la Trinité qui a rejoint les forces de la France Libre.
Cet établissement s'ouvre théoriquement à des élèves ayant vocation religieuse mais accueille surtout des enfants et des adolescents issus de familles de la bourgeoisie et de l'aristocratie catholique, quand bien même le Père Jacques, fils d'ouvriers, se serait efforcé de l'ouvrir à des élèves de condition plus modeste.
Le directeur pratique une pédagogie active, ouverte, dans laquelle la participation vivante des élèves, les sorties culturelles et l'exercice physique trouvent place. Quant à son enseignement religieux, il s'appuie sur les vertus du partage et l'ouverture vers la société des plus démunis. Les mêmes soucis transparaissent d'ailleurs dans ses sermons qui peuvent surprendre les parents d'élèves lors de l'office précédant les sorties hebdomadaires…
Surtout, le Père Jacques va entreprendre des activités résistantes, la politique de Montoire et l'antisémitisme achevant de l'ancrer dans ce choix. Il adhère au réseau Vélites (matricule RX 3280, selon le Père Philippe qui, lui, entre au Front national). Il côtoie des hommes comme Roger Heim, directeur du laboratoire de cryptogamie au Museum, vice-président de la société mycologique de France, très souvent en visite à Fontainebleau, Clément Jacquiot (alias " Félicien "), inspecteur des forêts – qui sera responsable du réseau –, Clément  Ballen de Guzmann, de nationalité équatorienne, président du syndicat d'initiative de Fontainebleau, Jean Roddes, diplomate, ancien consul à Varsovie…
Le Père Jacques, peu curieux de renseignement industriel - principal souci du réseau-, pratique de son côté une résistance de sauvetage, caritative. Il introduit comme professeur au collège Roger Heim, chassé de l'enseignement parce que juif, Jacques Droz, futur professeur en Sorbonne… Il dissimule séminaristes et laïcs réfractaires : c'est ainsi qu'il rencontre en août 1943 Albert Ouzoulias (" colonel André ") pour lui confier un orphelin recueilli par le couvent et frappé par le STO, André Levasseur. D'après Ouzoulias, le père Jacques lui aurait dit : " Vous êtes communiste, je le sais, c'est pour cela que nous vous le confions. Dans n'importe quel maquis il risque autant mais avec vous je sais qu'il se battra. " Il se battra, en effet, et sera tué près de Vesoul dans le maquis Guy Môquet.
Surtout, cette maison religieuse sert de havre à des enfants juifs, cachés sous de fausses identités. Le Père Jacques héberge les enfants au petit collège ou les confie à une certaine dame Jourdain, habitant en face du collège. On les dit enfants de l'assistance publique. Les cartes d'alimentation proviennent de la mairie avec le plein accord de Rémy Dumoncel, maire, et de son conseil municipal. Le plus souvent, les enfants sont les protégés des sœurs de Notre Dame de Sion, à Paris, qui ont recours aux services de l'abbé Terruwe, prêtre néerlandais, desservant de la paroisse de Dammartin-en-Goële et qui cache les enfants au préventorium de Dammartin, la " Motte verte " et dans les paroisses voisines. Ils trouvent un autre asile dans une pension de famille à Bourron-Marlotte (canton de Nemours), un troisième refuge étant le collège d'Avon.
Si le père Jacques a hébergé plusieurs enfants, les trois plus connus et les derniers seront Jacques-France Halpern (Jacques Dupré), 17 ans, Maurice Schlosser (Maurice Sabatier), 15 ans, Hans-Helmut Michel (Jean Bonnet), 13 ans.
Mais les collaborateurs et délateurs sont également nombreux à Avon (les inspecteurs des Renseignements généraux en parlent parfois). Le 15 janvier 1944, à 9h30, le SD est à Avon. On arrête Paul Mathéry, secrétaire de la Mairie qui a le temps de faire prévenir le couvent par Denise Blondet, employée de la mairie. Egalement arrêté, Charles Ziegler, un interprète, sera relâché quelques jours plus tard. Décidément bien renseignés, les Allemands arrêtent Lucien Weil, professeur, chassé du collège Carnot, sa sœur et leur mère puis, au collège des Carmes, le Père Jacques et les trois élèves juifs.
Les Weil et les trois enfants prennent la direction de Melun, puis de Drancy (18 janvier-3 février 1944). Ils feront partie du convoi 67, du 3 février 1944, pour Auschwitz. Enfermé d'abord à la prison de Fontainebleau avec Paul Mathéry, le Père Jacques est transféré à Compiègne-Royallieu (6-28 mars 1944) où il galvanise le courage de ses compagnons de détention, puis à Neue-Bremen, le 29 mars, enfin à Mauthausen (camp de Güsen, usine Steyer). Ici encore il saura communiquer son idéal d'entraide et de sacrifice envers les autres. Jean Cayrol compte parmi ses compagnons.
En mai 1945, les troupes américaines libèrent le camp. Hospitalisé à Linz (Autriche), le Père Jacques ne peut survivre aux privations et souffrances endurées et meurt le 2 juin 1945. Rapatrié, son corps repose dans le petit cimetière du couvent.

Décoration :
Médaille des Justes.


Auteur : Claude Cherrier

Sources :
Archives départementales de Seine-et-Marne, sc. 26489 (rapport RG).
Maryvonne Braunschweig (direction), Projet d'action éducative du collège d'Avon autour du film de Louis Malle, " Les déportés d'Avon ", Malesherbes, 1988.
Michel Carrouge, Le Père Jacques, Paris, Le Cerf, 1988.
Jacques Chegaray, Un carme héroïque : la vie du Père Jacques, Paris, Nouvelle Cité, 1988.
Albert Ouzoulias, Les Bataillons de la Jeunesse, Paris, Editions sociales, 1969
Père Philippe de la Trinité, Le Père Jacques, martyr de la charité, Paris, Desclée de Brouwer, 1947.