Plaque à la mémoire des résistants détenus à la centrale de Poissy

Légende :

Plaque à la mémoire des résistants détenus à la Maison centrale de Poissy

Genre : Image

Type : Plaque commémorative

Source : © Wikimedia Commons Libre de droits

Détails techniques :

Photographie numérique en couleurs

Lieu : France - Ile-de-France - Yvelines - Poissy

Ajouter au bloc-notes

Contexte historique

A la veille de la Seconde Guerre mondiale, en 1939, l'effectif des prisonniers de droit commun ne dépasse guère les 600 à 700 détenus à la maison centrale de Poissy. A partir de 1940, et jusqu'en 1943, il va souvent franchir la barre du millier, cela à cause de l'incarcération de prisonniers politiques. En effet, quelques 600 prisonniers, résistants et patriotes ont été enfermés derrière les murs de la prison de Poissy. Plus de la moitié n'ont pas survécu. Pourtant peu d'études ont été réalisées sur cette centrale de détention, sans doute éclipsée par Fresnes ou La Santé, qui par leur plus grande contenance permettent d'interner deux à trois fois plus de prisonniers. Les détenus qui passent par la centrale de Poissy proviennent des maisons d'arrêt de diverses régions de France et sont pour leur grande majorité des ouvriers, pour la plupart militant du parti communiste ou des Jeunesses communistes. Arrêtés pour avoir enfreint le décret du 26 septembre 1939, promulgué par le gouvernement Daladier et plus tard complété par le décret du 11 août 1941 du maréchal Pétain, les communistes militants sont pourchassés. Intégrés dans la masse des prisonniers de droit commun, les politiques subissent pourtant des conditions de détentions plus sévères. Ainsi, un colis hebdomadaire est autorisé pour les droits communs contre un seul tous les quinze jours pour les politiques.

Les patriotes et les résistants enfermés dans la prison luttent pour tenter de survivre et de garder un semblant de dignité face à l'administration pénitentiaire qui les brime. Les politiques s'entraident, s'arrangeant par exemple pour entrer au réfectoire en même temps pour se trouver groupés aux mêmes tables afin de pouvoir se parler. Car, parler en dehors de ces heures communes représente un danger : dans la prison, le silence est imposé. L'administration pénitentiaire peut les envoyer au "mitard" pour trafic. Les anciens tentent d'aider les nouveaux détenus, comme en témoigne Jules Busson qui explique qu'à son arrivée des politiques lui remettent un paquet, contenant quelques pierres de sucre, des gâteaux secs, un morceau de viande et un petit morceau de pain destiné aux arrivants. "Quelle chaleur au cœur. Nous n'étions pas seuls. Des camarades étaient là, autour de nous et nous manifestaient leur sympathie, leur solidarité." D'entraide en solidarité, des réseaux de communication se créent au sein de la prison malgré les lois qui imposent un silence complet dans les ateliers de travail. Dans la plupart des ateliers (meubles de fer, papeterie, filets, etc.) peuvent travailler de cinquante à cent détenus. Celui de "la Sécotine" n'en compte qu'une douzaine, et est occupé par un groupe de politiques. Le surveillant, coutumier des lieux, laisse la discipline se relâcher. Un des prisonniers, Bonnet, oubliant que le maton habituel est en congé, ne se conforme pas strictement aux règles de la prison. Il est tout de suite repris à l'ordre. Défendu par deux de ses camarades, Prey et Perrot, ils sont tous les trois envoyés au mitard. Les neuf autres membres de l'atelier décident pour marquer leur contestation et leur solidarité de ne pas reprendre le travail. Face à ces insubordinations, le directeur Armand décide de frapper, non plus les seuls inculpés mais l'ensemble des politiques, les menaçant alors de réduire leur nourriture et de supprimer les colis. Les politiques ne se laissent pas abattre et décident au contraire de passer à l'action. Ceux de la papeterie se mobilisent et réalisent de petits tracts, écrits au crayon (objet pourtant interdit par le règlement), qui réclament la sortie du mitard des trois détenus. Ainsi, chemin faisant, l'idée de s'opposer à la direction en formant un front uni des politiques s'impose. Pour ce faire, au lieu d'agir ponctuellement par atelier comme avant, est décidée une mobilisation générale de tous les politiques de la prison. Ils violent la loi du silence en imposant à l'administration pénitentiaire des manifestations bruyantes, scandant des slogans qui réclament la libération des prisonniers. Pour marquer clairement leur appartenance au groupe des politiques, les hommes portent un insigne sur leur veste qui les distingue alors des droits communs. Des pourparlers s'engagent avec la direction, les politiques réclamant la sortie du mitard pour leur camarades, la séparation des politiques des droits communs s'appuyant pour cette dernière revendication sur l'exemple d'autres prisons. Mais le directeur de la centrale biaise en affirmant que les politiques obtiendront gain de cause si ils acceptent de retirer leurs insignes. Les prisonniers s'exécutent mais Armand ne tient pas ses engagements. Le 14 juillet 1943, face à cette "trahison", les politiques décident de réagir en arborant tous un emblème tricolore. Des gardiens tentent de leur arracher mais les politiques parviennent à imposer leur manifestation silencieuse. Le soir, ils chantent même la Marseillaise pour réaffirmer leur confiance en la France et leur foi en la victoire. Suite à une entrevue décisive avec la direction en août 1943, la délégation de prisonniers revient victorieuse. Les détenus qui étaient au mitard sont libérés, et les politiques obtiennent un statut à part : suppression des marches au pas cadencé dans les déplacements, promenade libre dans les cours et le droit de lire. Ils obtiennent même l'autorisation de ne plus travailler au sein des ateliers. Les locaux sont réaménagés pour les séparer des droits communs. Les hommes ont enfin obtenu un vrai statut de politiques.


Vanessa Benech in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004