Rapport du maire de La Rochette-sur-Crest le 3 octobre 1944

Légende :

Le maire rapporte les exactions allemandes sur sa commune lors des combats dans les bordures sud-ouest du Vercors.

Genre : Image

Type : Document officiel

Source : © AERD Droits réservés

Détails techniques :

Feuille dactylographiée.

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Vaunaveys-la-Rochette

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Analyse média

Le maire de La Rochette-sur-Crest (dont la commune, en 1972, a été rattachée à celle de Vaunaveys, sous le nom de Vaunaveys-la-Rochette) dresse un procès-verbal des exactions allemandes dans sa commune. Il évoque notamment l’incendie du village le 28 juin 1944 (voir notice combats du 28 juin) et surtout l’exécution, le 3 août 1944, de dix jeunes.


Auteurs : Robert Serre

Contexte historique

En juillet 1944, les Allemands lancent un grand assaut sur le Vercors par toutes ses faces. Dans l’angle sud-ouest, ils ne parviendront pourtant pas à atteindre le cœur du massif.

Le 20 juillet 1944, les Allemands commencent à occuper les villages situés au pied des montagnes. Vers 6 h, embarqués dans six camions, ils relancent une attaque. À Vaunaveys, le village est occupé par les Allemands à 13 h 30. Le combat est fait d’une succession d’actions de patrouilles, d’accrochages, de coups de sonde d’un ennemi qui essaie de repérer les positions des maquisards. La compagnie Brentrup tient ses positions toute la journée, puis se replie vers les hauteurs. Un orage violent facilite son décrochage. Les Allemands abandonnent finalement sur le terrain 5 morts et 2 blessés, mais entrent le soir à Crest. La compagnie Brentrup parvient à Gigors le 21 au soir, transportant Jean Rousset blessé lors du repli, et qui est donc évacué sur l’hôpital de Die.
Le 22 juillet, à 19 h, de Lassus signale par radio à Alger que ses troupes sont à bout de munitions et de vivres et que la résistance est impossible. Mais son message ne parviendra à Alger que le 24 au matin. Pendant les journées des 23 et 24 juillet, les Allemands lancent quelques patrouilles qui sont toutes repoussées, à Combovin, devant Cobonne, et au nord de Blacons.

Le 28 juillet, un détachement allemand de 28 camions venant de Peyrus entreprend l’assaut par le col des Limouches. Cette position est tenue par la compagnie Chrétien, du bataillon "Antoine" (Bénézech). Le convoi est stoppé à 10 h 45, au grand virage du col, au moyen de grenades Gammon, de mitrailleuses et de mortiers. Les Allemands, déployés en tirailleurs, sont immobilisés par les tirs au fusil-mitrailleur. L’accrochage dure jusqu’au soir : l’ennemi doit se replier sur Peyrus, tandis que les maquisards rentrent dans les bois près du Chaffal. Les Allemands attaquent à nouveau le 29 juillet avec des moyens accrus, canons, aviation. À 10 h 30, ils déclenchent un tir d’artillerie. Les résistants, avec leurs Gammons, arrêtent les camions allemands : les ennemis ont quelques pertes et se replient. Dans la soirée, les Allemands, ayant réussi à percer au col de Tourniol et à Léoncel, menacent les positions de la compagnie Chrétien qui se replie dans les bois près du Chaffal, puis sur Ambel. Un de ses hommes a été grièvement blessé, cinq autres plus légèrement. À 22 h, le col des Limouches est pris par les Allemands.
Les succès alliés en Normandie provoquent le rassemblement des troupes allemandes occupant le Diois et le Nyonsais qui sont dirigées vers le Rhin. À la fin juillet, les Allemands occupent encore le col des Limouches, le plateau d’Ambel, le col de la Bataille et sont allés jusqu’à Eygluy. Le 31, ils attaquent le PC de De Lassus à L'Escoulin, mais sont repoussés par les compagnies Challan-Belval et Chapoutat. Ils reviennent à L'Escoulin le 5 août. Mais il ne reste plus qu'un groupe chargé de récupérer du bétail : il incendie des fermes ayant abrité des maquisards puis se replie en essuyant les tirs des FFI (Forces françaises de l'intérieur) qui gardent le PC.

Cependant, les Allemands sont toujours maîtres de la vallée de la Drôme et de la RN 93. Le capitaine Chapoutat et le lieutenant Maisonny, avec l’accord du Haut commandement, décident pour échapper à l’encerclement de faire traverser les lignes allemandes et franchir la rivière Drôme à tous leurs hommes. L’opération aura lieu de nuit. Le passage se fait sous le nez d’un nid de mitrailleuse qui arrose les hommes des deux compagnies. Heureusement il n’y a pas de victimes parmi ces 300 hommes. Surpris au moment de la traversée de la rivière Drôme près du pont de Charsac par un important poste de garde allemand, une quarantaine de maquisards en tête de la colonne marchant en file indienne ne s’en sortent qu’en sautant dans les rochers de la rivière à la faveur de la nuit, mais au prix de nombreux blessés. Le capitaine Chapoutat est blessé au talon d’Achille, il est soigné par un médecin crestois, le docteur Fabre, venu le secourir dans une ferme de Piégros-la-Clastre. La compagnie se réfugie dans la forêt de Saoû où elle peut trouver un peu de répit.
Le 2 août, les hommes de Roger Maisonny tentent eux aussi de traverser la Drôme. Survolés par l’avion "mouchard", ils sont encerclés par les Allemands. Luttant à la mitraillette et à la grenade, ils tentent désespérément de passer. Malheureusement la partie de cache-cache se termine à l’avantage de l’ennemi. Cinq résistants sont pris : Henri Astier, 21 ans, de Valence, Paul Géraud, 19 ans, de Valence, André Chaléat, 21 ans, de Bourg-de-Péage, Jacques Ramonet, 20 ans, de Valence, Daniel Madet, 17 ans, de Saint-Marcel. Le lendemain, ces cinq hommes, ainsi que cinq autres résistants prisonniers, Léonce Brunel, 22 ans, cultivateur à Grâne, Frédéric Luigi, Italien engagé dans les FFI, 40 ans, de Suze-sur-Crest, Raymond Tortel, 21 ans, de Portes, Marcel Tutier, 24 ans, de Grâne, et Pierre Ginet, 31 ans, de Romans, sont amenés sur un camion à La Rochette et fusillés vers 17 h. Les Allemands réquisitionnent les hommes du village pour les enterrer.
Le même jour, quatre camions de soldats allemands se dirigent sur Lozeron et Plan-de-Baix. Lorsqu’ils atteignent les Chaux, ils sont pris à partie par l’aviation de chasse alliée. Le retard occasionné par cette attaque à l’approche de la nuit leur fait prendre le chemin du retour.

A partir de fin juillet, jusqu'au 7 août, moment où les Allemands évacuent la région, ils ne tenteront plus que de petites actions de patrouilles qui tournent souvent à l'avantage des Français, il y a peu de pertes de part et d'autre.
Ce 8 août, la compagnie Challan-Belval harcèle une colonne hippomobile d'Osttruppen qui a quitté Die par la vallée de la Drôme et se dirige vers le Rhône.
Le 9 août, à nouveau dans le Vercors Ouest, au Chaffal, un détachement allemand venu chercher du ravitaillement se retire face aux compagnies Brentrup, Chrétien et Morin.


Auteurs : Robert Serre
Sources : ADD, 97 J 1, 97 J 2, 97 J 4, 97 J 91. AN, BCRA, 3AG2/478-171 Mi 189. Combats pour le Vercors et pour la liberté. Pour l'Amour de la France. Gerland, La Résistance en Drôme Centrale. Paul Pons, De la Résistance à la Libération. H. Faure, éphéméride. Joseph La Picirella, Témoignages sur le Vercors. Challan-Belval. Histoire du maquis Perrin. Ladet, Ils ont refusé de subir. Lucien Micoud, Nous étions cent cinquante maquisards. Paul Pons. Burles, La Résistance et les maquis en Drôme-Sud. Veyer, Souvenirs sur la Résistance dioise. Pierre Lassalle, La liberté venait des ondes. Rude, Dialogue Vercors-Alger. journal de Follet 1944. Souvenirs Brétégnier. Journal de marche de la compagnie Chrétien. Xueref et Wullschleger. Rapport du capitaine Morin, septembre 1944. Rapport ingénieur SNCF de Valence (09/1944). Témoignage Mario Escoffet et René Monestier, bulletin amicale Pons n° 23. Témoignage Chapoutat. Rapport de Sabatier, recueilli par V. Beaume. Le Crestois, 3 août 1946. Le Dauphiné Libéré, 26 juillet, 1er août, 15 août 94, 1er août 2000, 16 juillet 2004. Le Crestois, 3 août 1946, 29 avril 1994, 02/09/1994, 16 septembre 1994, 1er septembre 1995. Journal du Dr Thiers (1944) in Le Crestois du 3 juin 1994. Les pages de la Drôme de l’Humanité, n° 156 du 25 février 1968. Le Messager, 8 décembre 1944.