Plaque en hommage aux morts du bataillon Hildevert

Légende :

La raperie d'Oissery, lieu d'exécution de 27 membres du bataillon Hildevert le 26 août 1944, a été rasée pour laisser place à un collège. Un pan de mur a été conservé sur lequel se trouvent ces deux plaques commémoratives.

Genre : Image

Type : plaques commémoratives

Source : © http://monuments77.jimdo.com/ Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique en couleur

Lieu : France - Ile-de-France - Seine-et-Marne - Oissery

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Analyse média

Plaque marbre noir
26 aout 1944
En Hommage au Bataillon Charles HILDEVERT

Plaque marbre blanche
N'OUBLIEZ JAMAIS
ICI ONT TROUVE LA MORT
TORTURES ET FUSILLES
PAR LES ALLEMANDS
LE 26 AOUT 1944
27 VOLONTAIRES
DU BATAILLON DU RAINCY
DIT BATAILLON HILDEVERT


Contexte historique

Le réseau Armand-Spiritualist fut d'un certain point de vue un réseau exemplaire. Constitué de différents groupes placés sous l'autorité de personnalités affirmées comme Charles Hildevert, Robert Vitasse, Clément Terral ou encore Pierre Talfumière, il devait connaître un développement important, en particulier à la suite du débarquement allié en Normandie et à partir de la réception de parachutages d'armes en juillet 1944. L'organisation disposa dès lors d'un matériel conséquent et put entreprendre des coups de main d'envergure (attentats dans des usines, sabotages ferroviaires...). Dans le contexte de la Libération, les chefs du réseau le firent évoluer d'un réseau d'action classique vers une formation militaire structurée. Ainsi naquit début août le 1er régiment franc de Paris composé de compagnies placé sous le commandement des principaux responsables du réseau.
Jusqu'à ce mois d'août 1944 où les événements se précipitèrent, le réseau Armand pouvait se targuer d'avoir connu très peu de pertes. Contrairement aux autres réseaux du SOE qui s'étaient implantés en Ile-de-France, le réseau Armand était toujours passé au travers des mailles de la répression. Il projetait dès lors de participer activement aux combats de la Libération. La tragédie de Oissery vint anéantir ce parcours sans faute -ou presque car Clément Terral avait été arrêté en juillet 1944- et associer à la mémoire de ce réseau la plus sanglante tragédie de la Libération en Ile-de-France.

Le réseau Armand fut investi par Londres d'une mission d'envergure qui devait prendre place autour du 25 août 1944. Les compagnies du 1er régiment franc de Paris devaient se regrouper à Oissery, dans le Nord de la Seine-et-Marne, afin de réceptionner un important parachutage de matériel, et peut-être d'hommes. La stratégie exacte poursuivie par les Alliés n'est pas simple à établir. Meaux et le passage de la Marne semblent bien avoir été l'objectif final de l'opération.
Dans la perspective du regroupement à Oissery, quatre compagnies du 1er RFP se sont rassemblées en différents points de la banlieue Est (zone d'implantation du réseau Armand), attendant l'ordre de départ vers le Nord de la Seine-et-Marne : les commandants Charpaux et Devilliers se trouvent dans une propriété de Pavillons-sous-Bois ; Talfumière réside quant à lui dans une école de garçons de l'avenue Vauban à Livry-Gargan ; enfin, une autre compagnie a été rassemblée dans l'usine Westinghouse à Sevran.
Il faut préciser que le 26 août, à l'aube, lorsque l'ordre fut donné de se mettre en marche, Londres n'avait pour sa part transmis aucune consigne. L'initiative du rassemblement avait été prise par René Dumont-Guillemet, chef du réseau. Il reçut par la suite un message de Londres lui demandant de ne pas donner d'ordre de départ avant le feu vert des services anglais. Pour éviter la confusion et considérant la distance qui existait entre la banlieue Est et Oissery, Armand ne revint pas sur le signal de mise en route qu'il avait donné.
Parties de leurs différents lieux de stationnement, les compagnies se rejoignirent. Des ordres stricts avaient été dispensées par la direction du réseau : on insistait sur le silence et la discipline au cours du déplacement. Par ailleurs, il ne fallait pas faire usage des armes, sauf en cas de légitime défense. Sur le terrain, d'après divers témoignages, il semble bien que la discrétion ne fut pas de mise.
Il est difficile de définir les responsabilités exactes du premier accrochage qui survint après Juilly, au carrefour de Vinantes avec un poste allemand situé dans la cabine de pesage d'un hangar à betteraves. Des coups de feu furent échangés et le bilan fut lourd : plusieurs Allemands avaient été tués ou blessés. Un homme de la compagnie de Talfumière, Albert Castelin, avait été tué net. Un autre, Pierre Bourgallé, était blessé.
L'équipée poursuivit sa route en direction de Saint-Soupplets qu'elle évita pour se diriger vers Le Plessy-Belleville. A la sortie des bois, avant Saint-Soupplets, les hommes aperçurent des chars allemands qui, à leur grande surprise, les laissèrent passer. Il n'est pas impossible que l'uniforme dont étaient revêtu les membres de la troupe -ces uniformes provenaient du pillage d'un entrepôt de GMR à Bonneuil- y ait été pour quelque chose.
Sur la route de Plessy-Belleville, une voiture doubla la troupe, celle d'un général allemand. Celui-ci fut fait prisonnier, ainsi que son escorte. Les compagnies poursuivirent leur route jusqu'à Saint-Pathus. Leur arrivée sur place fut saluée par une ovation de la population. Une première halte s'effectua dans une annexe d'une râperie de betterave située à mi-chemin entre Saint-Pathus et Oissery. Aux alentours de 9h00-10h00, une prise d'armes a lieu en cet endroit pour rendre les honneurs au volontaire tué au carrefour de Vinantes. Un complément d'armes est distribué aux hommes : quelques colts 45, des grenades Gammon, des fusils-mitrailleurs et des mortiers.
Un petit contingent d'une quinzaine d'hommes, principalement des hommes de Pierre Talfumière, fut laissé sur place. Deux infirmières, Jeannine Lefebvre (Jeannine Penette) et Micheline Vasseur, restèrent sur place et un poste d'infirmerie fut improvisé pour soigner les blessés tant français qu'allemands. Un Allemand, en particulier, avait une artère coupée : une ligature le sauva d'une mort certaine.
Le gros du bataillon poursuivit sa route et gagna l'étang de Rougemont en emmenant les prisonniers. Cet étang était la destination finale de l'expédition. Il était le lieu de camouflage prévu, reconnu quelques jours auparavant par Leuridan et Carré, du groupe Flô, pour attendre le parachutage.
L'emplacement formait une cuvette boisée de peupliers. La pièce d'eau alimentée par le cours de la Thérouanne se trouvait à mi-distance des villages de Oissery et de Forfry. Sur place se trouvait le chef du réseau Armand, René Dumont-Guillemet, en uniforme anglais, accompagné de quelques hommes dont ceux de la Team Aubrey qui avaient été parachutés le 11 août. Les troupes prirent position sur les berges de l'étang et des fusils-mitrailleurs furent mis en batterie.
Les choses se précipitèrent alors. Les hommes s'étaient à peine installés que les Allemands survinrent. Un avant-poste de sécurité à Oissery avait été anéanti. Un homme avait cependant pu filer en direction de Rougemont afin de prévenir le groupe.
Il est n'est pas simple de comprendre la raison exacte de l'intervention des Allemands. Ont-ils été prévenus par un motocycliste ayant réussi à s'échapper lors du premier accrochage au carrefour de Vinantes comme a pu le soutenir un témoin ? Est-ce le fait du hasard dans un zone infestée de troupes ennemies en retraite ? Les hommes du réseau ont-ils manqué de discrétion ? Il est certain qu'une telle équipée, composée de camions et d'hommes en uniforme, pouvait difficilement passer inaperçue. Adrien Chaigneau, parachuté de Londres quelques semaines auparavant, et qui était un des principaux responsables de l'opération avait confié ses doutes dès le 24 août au soir, à un médecin du réseau, le docteur Warter. Il avait notamment remarqué "l'insuffisance de discipline des volontaires civils, et les pertes qui risquaient d'en résulter" (cf. Jacques Cumont). Le passage du travail de la clandestinité à des opérations militaires en plein jour s'avérait en effet douloureux...
L'apparition de la première automitrailleuse allemande entraîna un feu nourri contre elle en dépit de la volonté du commandement : René Dumont-Guillemet hurlait en vain de faire cesser le feu. Dans le rapport qu'il établit par la suite pour le SOE, il expliqua qu'il avait deviné que la tactique des Allemands consistait à les faire rester sur place en attendant des renforts. L'ordre de repli qu'il avait donné ne fut pas écouté.
Le rapport de force fut rapidement très inégal : les Français furent attaqués par des automitrailleuses et des tanks, à la mitraillette et à la grenade. Le peu d'expérience des volontaires ne les empêcha pas d'affronter l'ennemi avec beaucoup de courage mais, devant le carnage, René Dumont-Guillement dut ordonner le "sauve-qui-peut". Dès lors, chacun s'efforça de s'éloigner des lieux du combat et de se cacher. Leuridan, Charpaux, Hildevert et ses deux fils ainsi que de nombreux hommes furent abattus. Toute résistance brisée, les Allemands menèrent la chasse aux rescapés. Jusque tard dans l'après-midi, l'ennemi poursuivit l'élimination du groupe, achevant même les blessés. Des granges furent incendiées dans les environs. Ce sont en fait tous les alentours qui furent quadrillés par les Allemands, jusqu'à Saint-Mesmes. Des fuyards furent partout interceptés et exécutés. Au Plessis-l'Evêque, trois habitants d'Iverny qui revenaient de Monthyon furent arrêtés et fusillés sur le bord de la route. Pierre Talfumière a raconté comment il trouva refuge, avec un camarade, chez un fermier qui s'empressa de leur fournir des vêtements civils : ils passèrent la nuit dans un hangar tout en haut d'un amas de balles de paille.
Entre-temps, la râperie avait été, elle aussi, attaquée. Ceux qui y étaient stationnés avaient entendu les coups de feu au loin. Ils virent les Allemands s'approcher en tirant. L'un des Allemands blessés proposa d'agiter un linge sur lequel Jeannine Lefebvre avait tracé une croix rouge au mercurochrome. Certains hommes furent épargnés -ils seront déportés-, dont les deux infirmières qui s'étaient occupées des blessés. Les autres furent sauvagement exécutés et placés dans la râperie qui fut incendiée. On y retrouvera 26 corps carbonisés.
A 22 heures, il n'y avait plus un Allemand dans Oissery. 105 personnes étaient mortes (ou 120 selon les plaques des monuments). On comptait par ailleurs 65 prisonniers et disparus.

Chaque année a lieu une cérémonie du souvenir sur les lieux de cette tragédie : la commémoration se déroule dans une grande solennité, du monument aux morts de Saint-Pathus, à la râperie en passant par l'étang de Rougemont, la ferme de Condé, les monuments de Forfry et Oissery.


Auteur : Emmanuel Debono in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004

Sources et bibliographie :
Archives nationales, 171 Mi 178, rapport Team Aubrey (équipe Jedburgh n°27).
Service historique de la Défense, 1 K 374, fonds Ziegler (rapport du major René Dumont-Guillemet).
Archives privées Pierre Perin-Quinquis (témoignage d'un survivant de Oissery ; Echo 93, 28 août 1981 ; La Marne, 8 septembre 1994).
Témoignage de Pierre Talfumière in Des réseaux de Résistance à Livry-Gargan, brochure réalisée à l'occasion du cinquantenaire de la Libération.
Jacques Cumont, Les volontaires de Neuilly-sur-Marne du groupe Hildevert, Amatteis, 1991.
Entretien de l'auteur avec Jeannine Pernette le 23 mars 2004