Impasse Jean-Claude Chabanne, Pontoise (95)

Légende :

Nom de rue de Pontoise attribué à Jean-Claude Chabanne, fusillé le 27 février 1942.

Genre : Image

Type : Plaque de nom de rue

Source : © Coll. Jean-Pierre Dubreuil Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique en couleur

Lieu : France - Ile-de-France - Val-d'Oise - Pontoise

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Contexte historique

Jean-Claude Chabanne est né le 11 août 1921 à Levallois-Perret. Son père, docteur en droit, est administrateur de biens pour la firme Schneider. En 1924, le jeune Chabanne perd sa mère. Il est alors élevé par une tante, très catholique et pratiquante, comme sa mère, jusqu'au remariage de son père. Jean-Claude vit cependant dans une ambiance très chaleureuse : les dimanches rassemblent les nombreux cousins et cousines pour des séances de cinéma ou de bal masqué. Malgré tout, la perte de sa mère a fait de lui un enfant replié sur lui-même.
De 1929 à 1939, Jean-Claude fréquente l'Ecole Saint-Martin puis en 1939 entre au Collège municipal de Pontoise. En 1941, il obtient son baccalauréat "philo" et commence des études de droit. Intéressé par la question coloniale, il adhère en 1939 à la Jeunesse de l'Empire français. Cette association est fondée le 30 novembre 1938. Elle est placée sous le haut patronage du Président de la République Albert Lebrun, du sultan du Maroc, de l'empereur d'Annam et du Ministre français de l'Instruction publique. L'association est présidée par Jean Daladier, fils de l'ancien président du Conseil. Sa mission était de "grouper la jeunesse française, lui créer un idéal autour de l'idée d'Empire colonial français - lui montrer toute la puissance réelle et actuelle de l'Empire - diriger ses aspirations vers sa mise en valeur morale et matérielle". Les activités de la Jeunesse de l'Empire français sont variées. Outre la pose d'affiches et les distributions de tracts, elle organise des séminaires et conférences publiques, ainsi que des voyages dans les territoires coloniaux. Chabanne prend la direction de la section de Pontoise qu'il nomme "Cercle Savorgnan de Brazza", en raison de l'admiration qu'il porte au colonisateur du Congo. Il a lui-même probablement l'idée de faire carrière dans les colonies pour des raisons humanitaires. Dans ce cercle, il attire des élèves de terminale, la plupart catholiques comme lui. Les réunions se font le plus souvent chez les frères Bélier, 20 rue Victor Hugo, et parfois au café Simon près du Collège municipal (actuel collège Chabanne). Il apparaît alors à ses camarades comme un garçon fougueux, surtout quand il exprime des idées patriotiques, farouchement anti-allemandes, que partage tout le groupe. Lors des cérémonies du 40e anniversaire de l'exécution du jeune Chabanne, son ami Marc Ribert évoqua cet aspect de la personnalité de Jean-Claude : "Ame d'élite, fin lettré, animé du patriotisme le plus ardent et le plus désintéressé, une seule chose comptait pour lui : "la France, l'Empire". Durant la débâcle, alors que Pontoise se vidait et que moi-même je m'apprêtais à partir, il me disait toute sa peine de fuir notre ville "comme les rats le font d'un bateau qui coule " (ces mots sont restés gravés dans ma mémoire), et son plus cher désir était de participer à la défense de ce petit coin de France qu'il aimait tant (…). Séparé de lui pendant plus d'un an, il m'écrivait souvent, me parlant de ses projets, de la désillusion que lui avaient causée l'écrasement de la France et la signature de l'Armistice, de son intention de "continuer la lutte". Mais ce qui dominait en lui était bien la haine du Boche. "On nous incite à fraterniser avec les Allemands, m'écrivait-il, crois-tu que cela soit possible alors que nous savons qu'ils sont arrivés jusqu'à nous par un chemin rouge du sang de leurs victimes, de leurs pillages, de leurs viols"." (L'Echo de Cergy, 5 mars 1982).
Le 19 mai 1940, les premières bombes tombent près de Pontoise. Jean-Claude Chabanne suit alors sa famille en Bretagne. Là, il contacte un pêcheur dans le but de lui louer une barque et sans doute tenter de passer en Angleterre. Il doit cependant renoncer à son projet pour remplacer auprès de sa famille son père parti au front. De retour à Pontoise en juillet 1940, il décide d'agir et d'œuvrer pour apporter son aide à un éventuel débarquement anglais. Il reprend contact avec les membres de son cercle d'études qui devient en 1941, la Légion des cadets de France. C'est apparemment un mouvement de jeunesse comme ceux qui fleurissent sous le gouvernement de Vichy, mais c'est en fait un groupe de Résistance qui se fixe une double tâche : la préparation à une action future et le renseignement. Le groupe commence par récupérer des armes abandonnées par l'armée française dans la forêt de l'Isle-Adam et les enterrent dans le jardin de la famille Chabanne. Grâce à son ami, Jacques Tete, Chabanne se procure également le plan de l'aérodrome de Cormeilles-en-Parisis réquisitionné par les Allemands. Enfin, il confectionne des papillons ornés d'une croix de Lorraine qu'il jette ensuite dans les rues de Pontoise.

En décembre 1941, deux étudiants manipulés par la Gestapo, dénoncent les activités de récupération d'armes de Jean-Claude Chabanne. Arrêté le 15 décembre, il est condamné à mort par le tribunal militaire de St-Cloud le 16 janvier 1942 puis fusillé au Mont-Valérien le 27 février avec deux de ses camarades. La lettre qu'il adresse à son père avant de mourir témoignage de son attachement à la personne du maréchal Pétain et à une idée de nécessaire régénérescence de la France : "J'entends mourir courageusement, fièrement, en vrai Français et faire honneur à mon pays ; c'est la dernière et seule chose que j'aurai pu faire pour lui. Il faut que tu saches aussi et répètes que ma dernière parole sera "Vive le Maréchal et vive la France". Au fond, que je me sois trompé ou pas en servant la cause qui m'a amené à la mort, en conscience, j'ai cru servir ma Patrie. Je puis donc m'en aller sans remords de ce côté là. ". Il écrit également : "Il faut que les Allemands voient que les petits Français ne sont pas des mazettes. Je dois cette dernière chose à ma Patrie, la douce, la belle France que j'ai tant aimée. J'entends en cette heure suprême notre belle Marseillaise et je vois nos trois couleurs qui claquent au vent d'un ciel bleu de gloire. Mais où va-t-il notre pauvre pays ! Je ne serai plus là pour le savoir. Cependant "je garde ma confiance en la France éternelle", et je te demande à toi papa de continuer encore à travailler à son relèvement et d'y préparer Fanfan doublement pour remplacer les services que j'aurai pu, plus tard, lui rendre. Mais ai-je besoin de te demander cela, à toi, avec ton glorieux passé ? Mais demande aussi à mes camarades, à mes amis, d'être de bons patriotes et de commencer par se réformer aux-mêmes, se rendre meilleurs, plus forts, plus courageux, plus avisés. C'est le meilleur moyen d'obtenir le rayonnement qui permet de mener les autres dans le droit chemin. Fais-leur lire "Présence" de Lyautey, qu'ils réfléchissent bien sur ce livre qui contient toute une morale et une ligne d'action. Voilà mon testament spirituel. S'il est bien observé, j'ai conscience que ma mort aura servi à quelque chose. Plus de politique. Il ne faut pas être pour ou contre quelqu'un, ou pour ou contre une formule. Il faut devenir avant tout honnête, courageux, travailleur, consciencieux, compréhensif des autres, abandonner l'égoïsme et la haine. ".
En mars 1942, malgré l'interdiction préalable des autorités allemandes, un office est célébré en l'honneur des jeunes victimes par le chanoine Jollain devant une foule nombreuse.
Actuellement, un collège et une rue de Pontoise portent le nom de Jean-Claude Chabanne.


Auteur : Fabrice Bourrée

Sources et bibliographie :
Archives Nationales, F60 1572 (affaire Chabanne, dossier d'intervention en faveur des condamnés à mort), Z6 293 dossier 3278 (Cour de justice de la Seine, affaire de Pontoise).
Archives départementales des Yvelines, 300W75 (dossier " Pontoise "), 1374W52 (service de recherche des crimes de guerre).
Archives de la Préfecture de Police, archives de la brigade spéciale 2 (affaire Thueux, rapport de filature, comptes-rendus d'auditions et d'interrogatoires).
Centre de documentation René Nodot pour la mémoire de la Résistance (Pontoise).
Archives privées Jean Anthiaume.
Société historique de Pontoise (articles de presse) "Cérémonies du Souvenir pour le 40ème anniversaire de la mort des premiers Résistants de Pontoise" in L'Echo de Cergy, 5 mars 1982.
Entretien de l'auteur avec Paul Thueux, mai 2002.
Karol Jonca, Alfred Konieczny, Nuit et Brouillard. L'opération terroriste nazie, Draguignan, Association nationale " Souvenir de la Déportation NN", 1981.
Collectif, Pontoise 2000 ans d'histoire, Pontoise, Imprimerie Pâris, 1973.
Martial Laroque, La Résistance en Val d'Oise, Rosny-sur-Seine, ANACR, 1986.
"Pontoise 1942 : la dernière lettre de Jean-Claude Chabanne", in Vivre en Val d'Oise, n°26, juin-juillet 1994.
Fabrice Bourrée, De jeunes pionniers de la Résistance à Pontoise : le groupe ChabanneMémoire, Mémoires, n°1, Centre René-Nodot pour la Mémoire de la Résistance et de la Déportation en Val d'Oise, 2004.
Travaux pédagogiques réalisés par Annie Delpech, professeur d'histoire, pour le 40e anniversaire de la mort de Jean-Claude Chabanne.