Fernand Tressos, à l’école des cadres d’Uriage

Légende :

dans le château de Bayard proche de Grenoble.

Genre : Image

Type : Photo

Producteur : Inconnu

Source : © Fernand Tressos, archives personnelles Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique noir et blanc.

Date document : mars, avril ou mai 1945

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Isère

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Analyse média

Fernand Tressos (à droite, coiffé d’un béret) à l’école des cadres d’Uriage avant de partir au front, en 1945, à l’époque de la dernière phase de la guerre, prend quelques instants de loisir avec ses camarades de promotion.

Ce château a précédemment hébergé l’école des cadres de la Jeunesse, créée par Dunoyer de Segonzac, dissoute et remplacée par l’École des cadres de la Milice.

Tout autour du bâtiment central, se serrent des chalets, dont on aperçoit l’angle de l’un d’eux. Ces installations logent des stagiaires. Les jeunes soldats, en ce printemps 1945, quelques semaines avant la fin de la guerre, sont habillés légèrement et semblent très à l’aise sur la terrasse du chalet. La plupart sont chemise ouverte ; Fernand Tressos, ainsi que cinq de ces copains, ont retroussé les manches, tandis qu’un rayon de soleil éclaire quatre d’entre eux, à la droite du cliché. Une bordure de plantes, au premier plan, semble en bourgeons. L’ensemble confirme le début de la belle saison et contribue à fixer la chronologie en mars, avril ou mai 1945.

Le 22 juin 1944, il est affecté au maquis FTP (Franc-Tireur et partisan) Morvan 1e compagnie 2e détachement (adjudant "Meyraud") comme Commissaire aux effectifs (CE), à Buis-les-Baronnies. Il devient sous-lieutenant peu après à Nyons, puis, en juillet, CE du 3e bataillon FTP dit Morvan, alors que les volontaires arrivent massivement pour participer à la libération de la France méridionale. Il a alors 24 ans. Les événements s’accélèrent : le débarquement allié en Méditerranée (15 août), le repli de la 19e Armée allemande, tandis que les derniers jours d’août sont marqués par la fin de ce que l’on appelle la bataille de Montélimar. C’est probablement au cours de ce même mois que F. Tressos est nommé CE du 1er régiment « D ». Il prend alors le grade de capitaine (« J’ai plus de 2 500 camarades sous ma responsabilité politique », écrit-il).

Le 1er septembre, la Drôme est complètement libérée. Le 1er régiment FTP dissout fournira deux bataillons intégrés au 159e RIA (Infanterie alpine) reconstitué ; l’unité est immédiatement dirigée sur le front d’Italie. Peu après la libération de Valence, il fait partie – avec des camarades de l’AS (Armée secrète) – du comité de rédaction de la revue hebdomadaire En Avant FFI (diffusion à 70 000 exemplaires dans le Sud-est), suivant les opérations du 159e RIA notamment sur le front d’Alsace tenu par la 1e Armée d’abord, puis en Italie où le régiment reviendra. La revue, popularisant le programme du CNR (Conseil national de la Résistance) tout en rendant compte des batailles engagées, est suspendue après sept mois de parution, mettant un terme aux espoirs de « reporter militaire » de F. Tressos.

« Notre orientation franchement progressiste ne plaira pas à tout le monde », remarque-t-il. Il confie, plus loin, cette appréciation générale concernant l’état d’esprit ambiant : « Nous sentons très bien, nous les officiers résistants, que nous sommes de trop. Même certains officiers d’active, qui ont participé [… à la] Résistance, seront […] “saqués” pour leur promotion ».

Reconnu au grade de capitaine à titre temporaire, il suit l’École de cadres de Beauvallon d’où il sort dans les six premiers, ce qui lui permet d’être sélectionné pour l’École militaire d’Uriage. L’école est sise dans le château de Bayard à proximité de Grenoble. Tout autour du bâtiment central, se serrent des chalets qui logent des stagiaires – on aperçoit l’angle de l’un d’eux sur le côté droit de la photo.

Après un mois et demi à rude épreuve (exercices à balles et à tirs réels ; des blessés et parfois des morts), les promotions partent dans des corps francs sur le front d’Allemagne, où il est annoncé 30 à 40 % de pertes. « La justification à tirs réels, précise F. Tressos : 5% de pertes à l’exercice, équivalent à une économie de pertes de 10 % au combat ! » Il est intégré lieutenant.

Voici que le stage est terminé et que sa promotion, la 5e, se prépare pour partir au front du côté d’Innsbruck (Autriche), lorsque l’Allemagne capitule, le 8 mai 1945.

Fernand Tressos est ensuite dirigé vers l’Italie, dans la région de Vintimille, pour encadrer des opérations de déminage.

Au fil des mois, alors que son rêve de « forger l’armée nouvelle », après l’époque de la Résistance, s’évanouit, son projet de poursuivre une carrière dans l’armée active s’effondre également, le coup de grâce étant donné par l’obligation d’être volontaire pour la guerre d’Indochine.


Auteurs : Michel Seyve

Contexte historique

Au moment de la prise de vue, Fernand Tressos, bien que déçu à plusieurs reprises, conserve sans doute l’espoir de poursuivre une carrière d’officier dans l’Armée française. Antimilitariste convaincu avant la guerre, cela peut paraître surprenant !

Ses premières années dans le Tarn-et-Garonne fournissent quelques éléments d’explication à cette contradiction.

Sa jeunesse surgit après « la grande tuerie de 1914-1918 ». " Je subis, dès mon enfance, dit-il, les récits des poilus épargnés par la camarde ". Ses souvenirs nourrissent en lui " la haine de la guerre et un antimilitarisme définitif, [...] la haine de l'oppression et de l'exploitation de l'homme par l'homme”.

En 1936, il adhère au PCF et organise un groupe de Jeunesses communistes à Marcellus et Gaujac. Les années suivantes, il anime les Jeunesses agricoles de France (UJAC), dans un groupe de 80. Puis avec l'UJFF (Union des jeunes filles de France), il se lance dans une activité débordante, dans la foulée de 1936, occupant largement le créneau culturel.

Fernand Tressos milite avec les résistants au fascisme et soutient l'Espagne républicaine. Mobilisé le 7 juin 1939, il suit le peloton 45 jours, pour devenir sous-officier. Mais, à la visite d'incorporation, il est réformé. Il rejoint son domicile en octobre 1940.

À la suite de la découverte d'une correspondance jugée subversive par la police, il est arrêté le 20 mars 1941, alors qu'il taille des arbres fruitiers. Il est incarcéré à la maison d'arrêt d'Agen " sous l'inculpation d'activité et propagande communistes ". Le tribunal juge suffisante sa détention de deux mois et le libère en mai, tout en lui imposant d'être en permanence à la disposition de la justice.

Il est effectivement emprisonné, peu de temps après, au camp de séjour surveillé de Nexon en Haute-Vienne, jusqu'en septembre 1942. Il est alors transféré dans le camp d'Eyjeaux, à proximité. Il tente une évasion ; mais, repris, il est conduit à la maison d'arrêt de Limoges. Il est condamné par le tribunal de la ville à trois mois de prison. Il est dirigé sur la Centrale d'Eysses où il demeure jusqu'au 16 août 1943. Après un séjour à Saint-Paul-d'Eyjeaux, il se retrouve, avec les résistants et les politiques, regroupés, à nouveau à Eysses. Enfin, il est décidé que les 150 détenus méridionaux seront incarcérés dans le Sud-Est, à la citadelle de Sisteron : ils y arrivent le 24 décembre 1943.

Fernand Tressos participe aux activités de théâtre et de la chorale, organisées par les détenus dans la prison. Avec d'autres prisonniers, ils établissent une liaison avec la Résistance locale.

Le 8 juin 1944, avec l'aide des maquis locaux, une bonne partie des détenus réussit une évasion collective.

Fernand Tressos intègre ainsi le maquis Morvan, installé dans les Hautes-Alpes et la Drôme du sud. Il est maquisard dans les Baronnies, participe aux actions, depuis le combat de Montclus les 19 et 21 juin 1944 jusqu’à la libération de Montélimar et du département.

Bien que la lutte armée soit prioritaire, il fait partie, comme beaucoup de ces jeunes, de ceux qui espèrent dans une armée nouvelle, radicalement différente de celle qu’ils ont connue en 1939-1940, dans une France libérée capable de développer une société plus juste. Peu à peu, les responsabilités qui lui sont confiées l’amènent à situer sa place – s’éloignant ainsi de ses pensées antimilitaristes de jeunesse – parmi les cadres de cette formation militaire rénovée, elle-même au service de la nouvelle république. Son intérêt pour le reportage sur le terrain n’est pas surprenant, si l’on se réfère à son expérience militante à la fin des années trente, au cours desquelles il a souvent eu à expliquer à son entourage, y trouvant probablement réalisation de sa personnalité et utilité sociale.


Auteurs : Michel Seyve
Sources : Fernand Tressos, Les routes du souvenir, tapuscrit, 1994.