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Avis de recherche de Philippe de Vomécourt après son évasion d'Eysses

Légende :

Au recto, fiche de police judiciaire établie par le tribunal d'Agen à la demande du procureur en date du 18 janvier 1944 lançant un avis de recherche à l'encontre de Philippe de Crevoisier de Vomécourt, évadé de la maison centrale d'Eysses le 3 janvier 1944.
Au verso, extrait d'avis de recherche émanant de la direction des services de la police de sûreté.

Genre : Image

Type : Document judiciaire

Source : © Archives nationales, site de Fontainebleau Droits réservés

Détails techniques :

Recto : document dactylographié sur formulaire
Verso : document manuscrit sur formulaire

Date document : Janvier 1944

Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Lot-et-Garonne - Agen

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Contexte historique

Le 15 octobre 1943, Philippe de Vomécourt est transféré à la maison centrale d’Eysses et incarcéré au quartier cellulaire.

En décembre 1943, suite aux Trois Glorieuses, le directeur de la prison, Jean-Baptiste Lassalle, est remplacé par le directeur régional de l’Administration pénitentiaire, M. Chartroule. Sa volonté de reprendre en main la centrale n’évite pas l’évasion d’un groupe de 54 détenus le 3 janvier 1944. Il s’agit de l’une des plus importantes évasions collectives réussies pendant la Seconde Guerre mondiale dans les prisons de Vichy après l’évasion du Puy (80 détenus) et celle de Saint-Etienne (60 détenus).

Arrivés pour la plupart avant la masse des détenus, durant l’été 1943, ceux du quartier cellulaire, qui avaient déjà élaboré un projet d’évasion, refusent de s’intégrer à l’organisation collective, craignant un noyautage de la part des communistes et/ou considérant comme irréalisable une évasion de plusieurs centaines de prisonniers ; ils profitent du vide laissé à la direction de la prison après le limogeage du directeur Lassalle pour s’enfuir. L’évasion du quartier est une évasion préparée par l’Intelligence Service (IS) et le Special operation executive (SOE), les autres détenus en bénéficient accessoirement. Parmi les responsables de l’évasion, citons le commandant Stargart qui parvient, avec l’aide de certains gardiens, à prendre contact avec deux agents du SOE, le capitaine Lescorat de l’Armée secrète du Lot-et-Garonne, le lieutenant Aron de l’Intelligence Service, le commandant Hudson, officier de la Royal Air Force qui se voit confier, étant donné son grade, la direction des opérations. Tous ces contacts permettent d’organiser des points de chute dans la région de Cancon, à une trentaine de kilomètres de la prison.

Les détenus doivent être conduits jusqu’à la sortie par les surveillants résistants, en simulant la sortie d’une corvée. Ils se divisent, ensuite, en petits groupes, suivant chacun un itinéraire prévu à l’avance, jusqu’à des points de chute chez des paysans des environs, en attendant leur transfert vers les maquis. Plusieurs témoins, notamment des membres du mouvement Franc-Tireur (Henri Entine, Paul Weil) détenus dans les préaux, mais aussi Stéphane Fuchs, affirment avoir été sollicités pour participer à cette évasion restreinte et avoir refusé en raison de leur implication dans le Collectif et le projet d’évasion en cours. En effet, le responsable du groupe de Franc-Tireur, M. Gerschel, admettait difficilement de laisser derrière lui des membres de son groupe ; cinq détenus du préau 3 lui donnent d’ailleurs leur accord pour s’évader.

Le déroulement est, en tous points, conforme au plan prévu. Vers 18 heures, les deux surveillants de service au quartier n°1 sont bâillonnés, ligotés, chloroformés et enfermés dans la cellule. Les détenus se rassemblent dans le hall où un surveillant complice, M. Gaillard, les conduit par le chemin de ronde, en direction de la porte charretière. L’effet de surprise est total car les détenus s’évadent en donnant l’impression aux gardes des tourelles qu’ils suivent leurs gardiens pour une corvée. Au total, sur les 54 évadés, 47 détenus viennent du quartier cellulaire, 5 du préau 3 et 2 ouvriers boulangers du préau des travailleurs doivent leur fuite au hasard. La réussite de l’opération est liée à deux facteurs essentiels : la complicité de deux surveillants Freslon et Gaillard qui s’enfuient avec les détenus, le relâchement de la discipline sous le directeur Lassalle, qui avait permis notamment l’ouverture des cellules du quartier pendant la journée.

L’alerte étant immédiatement donnée au sein des préaux, le Comité directeur décide d’une réunion, le soir même, sur l’opportunité d’une évasion généralisée dans la foulée. Après une discussion virulente, les membres du comité se rangent à l’avis de ceux qui veulent attendre le feu vert pour mener à bien le projet en cours, en coordination avec l’extérieur, contre celui de ceux qui veulent immédiatement profiter du désarroi créé par l’évasion pour s’évader dans la foulée.

Suite à cette évasion, l’Administration pénitentiaire met tout en œuvre pour reprendre en main la centrale. Le ministère de l’Intérieur décide l’internement administratif du directeur M. Lassalle, jugé directement responsable. À l’intérieur de la centrale, le directeur milicien Schivo resserre l’étau autour du collectif. L’organisation et la préparation minutieuse de plusieurs mois risquent à tout moment d’être réduites à néant. Il menace de mort les détenus qui lui opposent une quelconque résistance et plusieurs altercations ont lieu. La situation interne est devenue inacceptable pour le collectif, qui décide de saisir la première occasion pour tenter une sortie.


D'après l'ouvrage de Corinne Jaladieu, La prison politique sous Vichy. L’exemple des centrales d’Eysses et de Rennes, L’Harmattan, 2007.