Place de l'abbé Franz Stock, Suresnes (92)

Légende :

Le 15 septembre 1990, le nom de "Place de l´Abbé Franz Stock" est donné à l´esplanade devant le Mémorial de la Résistance du Mont-Valérien à Suresnes. 

Genre : Image

Type : Plaque

Producteur : Claude Richard

Source : © Collection Claude Richard Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique en couleur

Date document : Août 2015

Lieu : France - Ile-de-France - Hauts-de-Seine - Suresnes

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Contexte historique

Franz Stock est né le 21 septembre 1904. Il est l'aîné de neuf enfants d'une famille ouvrière de Neheim. A l´âge de douze ans, il formule pour la première fois le voeu de prendre la soutane. En 1917, âgé de 13 ans, il est admis au lycée de Neheim. Il obtient son baccalauréat en 1926 et commence des études de théologie à l´académie philosophico-théologique de Paderborn. Il assiste, en 1926, au sixième Congrès démocratique international pour la Paix à Bierville, près de Paris, organisé par Marc Sangnier sous la devise: "La Paix par la jeunesse". Il y fait la connaissance de Joseph Folliet qui aura une très grande influence sur lui. A Pâques 1928, il va à Paris pour faire des études pendant trois semestres à l´Institut catholique. Il sera le premier étudiant allemand admis à l´Institut depuis le Moyen-Age. Il devient compagnon de Saint-Francois, mouvement qui aspirait à réaliser l´ideal de la vie simple et de la paix. Dans les années suivantes, il participe à plusieurs reprises à des rencontres internationales, comme celle sur le "Borberg" près de Brilon en 1931. Le 15 mars 1931, il reçoit le sous-diaconat. Avant la retraite qui allait le préparer à recevoir le sacrement de l´ordination, il avait écrit à ses parents: "...Ces jours-ci, je fais le pas décisif vers le sacerdoce. Je suis conscient de toute ma faiblesse et pourtant j´ai grande confiance en Celui qui nous fortifie et autant que je pourrai, je me montrerai digne de Lui. Car tout au long de ma formation, à n´en pas douter, la Providence de Dieu m´a conduit, depuis le jour où pour la première fois, j´ai songé à devenir prêtre, jusqu´aujourd´hui ". Franz Stock est ordonné le 12 mars 1932 par l´archevêque de Paderborn, Kaspar Klein. En 1934, il est nommé recteur à la Mission catholique allemande de Paris. Il habite au 21-23 de la rue Lhomond, près du quartier Latin.

Quelques jours avant la déclaration de guerre, en septembre 1939, Franz Stock doit regagner précipitamment l´Allemagne sur l´ordre de l´ambassade. Il exerce les fonctions de vicaire d´abord à Dortmund-Bodelschwingh et ensuite à Wanzleben. Le 13 août 1940, il reçoit une nouvelle nomination à la Mission catholique allemande de Paris, où il retourne en octobre. Au début de l'année suivante, il commence à visiter les prisons parisiennes : Fresnes, La Santé et Le Cherche-Midi. Le 10 juin 1941, il est nommé aumônier à titre de fonction secondaire par les autorités militaires allemandes. Il est chargé de prendre soin des détenus dans les prisons et de préparer et d´accompagner les condamnés à mort jusqu´au lieu de leur supplice. De 1941 à 1944, il y a environ 11.000 captifs dans les prisons de Paris. Les exécutions ont lieu au Mont-Valérien. Son journal, où il consigne de brèves notes sur les prisonniers et les condamnés à mort devient un document bouleversant. Dans ce journal, nous rencontrons à maintes reprises des passages, tels que : "Le 20 septembre, douze exécutions (otages). Le 17 octobre, une exécution (père de cinq enfants). Le 14 décembre, 82 exécutions (otages)". Durant le seul hiver 1941-42, il y eut près de 500 exécutions. Et l'abbé Stock est toujours présent. Il écoute les confessions et dispense les derniers sacrements. Avec les Juifs, il récite les psaumes de l'Ancien Testament. Pour l'abbé Stock, l'essentiel était que les condamnés meurent la paix dans l'âme et sans sentiment de haine envers leurs bourreaux.

En juillet 1942, Franz Stock, qui est gravement malade du coeur, écrit à un ami : "Parfois, je n'en peux plus. Je reste des nuits entières sans trouver le sommeil". Les Français appelaient avec mépris cet homme blond aux yeux bleus un "boche-nazi", la pire des insultes possibles ; la Gestapo, elle, ainsi que les milices françaises qui collaboraient voulurent interdire l'accès aux prisonniers politiques à ce prêtre qui refusait de porter l'uniforme allemand d'aumônier militaire; elle dut cependant battre en retraite après une protestation de l'ambassadeur allemand. Néanmoins, leur méfiance envers cet "ami des français" persista. Non sans raison : ce "boche" que, dans un premier temps, la plupart des détenus réfutaient devint rapidement leur confident. Il passa clandestinement des messages dans leurs cellules et en fit sortir pour les familles, procura du linge propre, des livres, des cigarettes, des friandises et apporta une aide spirituelle - ce qui était primordial pour la majorité d'entre eux - pour ces sans-espoir et désespérés. Et il procéda d'une manière aussi rusée que courageuse. Edmond Michelet, le futur ministre des Armées et garde des Sceaux de Charles de Gaulle, se souvient de la façon dont l'abbé Stock roula les gardiens allemands à Fresnes, où il était détenu : "Ce prêtre allemand exerça son ministère avec une gentillesse, un tact, une charité incomparables. Au moment de partir, il me glissa entre les mains une bible que lui avait donnée pour moi le Père Maydieu, fidèle ami et non moins fidèle "complice", puis il me promit de revenir la semaine suivante. Il fit ensuite mine de s'en aller, mais revenant sur ses pas et baissant encore plus le ton : ‘Nous allons réciter ensemble un dernier Ave Maria' dit-il dans un souffle. On s'était mis à genoux, en tournant le dos au Feldwebel. Il poursuivit du même ton monocorde : ‘Ave Maria, gratia plena...votre femme est venue me voir hier. Elle se porte bien, tous vos enfants aussi. Dominus tecum...elle vous fait dire de ne pas vous inquiéter. Tout va bien à la maison...benedicta tu in mulieribus". C'était là un message d'une grande importance, car la Gestapo lui avait fait croire que son épouse se trouvait en leur pouvoir en tant qu'otage. Ainsi, la sachant en sécurité, il pouvait repartir avec plus de sérénité vers le prochain interrogatoire. Mais les exécutions continuèrent et leur nombre prit d'effroyables proportions après le débarquement allié en Normandie. Plus de quatre mille prisonniers ont été fusillés à Paris pendant l'occupation allemande, et l'abbé Stock accompagna la plupart d'entre eux au poteau d'exécution. Lui-même dit que le nombre des exécutions auxquelles il a assisté devait être un nombre de quatre chiffres, et non le plus petit. Le chanoine de la cathédrale de Chartres, Pierre André, cita un nombre au-dessus de 3000. La plaque commémorative au Mont-Valérien en mentionne plus de 4500. Le 25 août 1944, l´abbé Stock se trouve à l´hôpital de La Pitié avec plus de 600 soldats allemands blessés et intransportables. Quand les Américains prennent en charge l´hôpital, l´abbé Stock devient prisonnier de guerre, enregistré sous le matricule : US/PWIB/31 G/820274.

L´aumônerie générale à Paris, avec l´abbé Rodhain et l´abbé Le Meur à sa tête, entrent en contact avec l´abbé Stock qui se trouve à ce moment-là dans le grand camp de prisonniers de guerre de Cherbourg. On envisage la fondation d´un séminaire pour des théologiens allemands prisonniers. On veut les amener au sacerdoce et leur offrir l´occasion de devenir bientôt un élément de renouveau pour le catholicisme dans leur pays. Peu après, on demande à l´abbé Stock d´entreprendre et de diriger la formation spirituelle des séminaristes allemands prisonniers. On a prévu pour le séminaire le camp dépôt 51 à Orléans. Le 24 avril 1945, l´abbé Le Meur accompagne l´abbé Stock à Orléans où ils trouvent déjà vingt-huit théologiens. Le 17 août 1945, le "Séminaire des Barbelés" est transféré d´Orléans vers le camp 501 au Coudray près de Chartres. Le 19 août 1945, deux jours après, l´évêque de Chartres, Mgr. Harscouet, accompagné de son secrétaire l´abbé Pierre André, rend déjà visite au séminaire. Plus tard, il visitera le camp fréquemment et s´adressera toujours aux séminaristes avec ces mots: "Mes chers enfants". Le 18 septembre 1945, le nonce apostolique Roncalli, le futur pape Jean XXIII, rend une assez longue visite au camp. Le dimanche après Noël 1946, le nonce apostolique arrive de nouveau pour transmettre les voeux du Saint-Père. C´est à cette occasion qu´il souligne que le séminaire de Chartres fait honneur aussi bien à la France qu´à l´Allemagne, et qu´il est bien apte à devenir un symbole de l´entente et de la réconciliation. Le "Séminaire des Barbelés" est dissous le 5 juin 1947. Le 16 décembre 1947, l´abbé Stock apprend sa nomination de docteur honoris causa par l´université de Fribourg-en-Brisgau.

L'abbé Franz Stock décède le 24 février 1948 à l´hôpital Cochin à Paris. Ses obsèques sont célébrées le 28 février en l´église Saint-Jacques du Haut-Pas à Paris. Il est inhumé au cimetière de Thiais. Le 3 juillet 1949, une cérémonie commémorative publique a lieu aux Invalides. Le corps de l'abbé Stock est exhumé le 13 juin 1963 et inhumé en l´église Saint-Jean-Baptiste de Rechèvres à Chartres le 16 juin. Le 15 septembre 1990, le nom de "Place de l´Abbé Franz Stock" est donné à l´esplanade devant le Mémorial de la Résistance du Mont-Valérien à Suresnes. Le 13 juin 1993, trente ans après l´inhumation définitive de Franz Stock dans l´église Saint Jean-Baptiste, est adressée à l´Eglise la demande formulée en langue française et allemande que Franz Stock soit béatifié. Du 22 au 28 février 1998 ont lieu à Paris les cérémonies commémorant le 50ème anniversaire de la mort de Franz Stock. Le 1er mars 1998 marque le point culminant de ces cérémonies avec la messe pontificale célébrée en la cathédrale de Chartres par le cardinal Lustiger, archevêque de Paris, par Mgr. Lehmann, président de la conférence épiscopale allemande, et par Mgr. Degenhardt, archevêque de Paderborn. Le chancelier de la république fédérale d´Allemagne, Dr. Helmut Kohl, et Monsieur Monory, président du Sénat, participent à cette messe. Auparavant, le chancelier fédéral avait déposé une gerbe sur la tombe de Franz Stock en l´église Saint-Jean-Baptiste.


Extrait du DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004
Source : Association française "Les amis de l'Abbé Stock" (biographie de Franz Stock).