Plaque à la mémoire d'Henri LANOT, André CABANEL et Amédée PRADILHE, Alès (Gard)

Légende :

Dans la cour du commissariat de Police, une plaque à la mémoire de trois policiers résistants d’Alès : Henri LANOT, André CABANEL, arrêtés le 6 juillet 1944, emprisonnés au Fort Vauban, torturés, leurs corps furent retrouvés dans le Puits de Célas, et Amédée PRADILHE.

Genre : Image

Type : Plaque commémorative

Source : © Mémoire et Résistance dans le Gard Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique en couleur

Date document : 2016

Lieu : France - Occitanie (Languedoc-Roussillon) - Gard - Alès

Ajouter au bloc-notes

Contexte historique

Dans le Dictionnaire historique de la Résistance paru en 2006, Jean-Marc Berlière souligne l'importance de cette résistance policière. Pourtant, comme il le note, entrer en résistance impose  "une transgression sans doute plus difficile pour des hommes d'ordre et de discipline, pour des serviteurs de la loi formés à servir le gouvernement légitime". Mais il est aussi vrai que l'aide des policiers est indispensable aux organisations de Résistance pour obtenir des renseignements sur les enquêtes en cours ou les arrestations imminentes, des faux papiers ou des facilités de circulation.

A Alès, des policiers résistants constituent à partir de janvier 1943 un groupe, appelé  "groupe franc de la Police" et placé sous la responsabilité d'Henri Castaldi, avec les inspecteurs et agents Lucien André, Louis Cornut, Marcel Lahondès, Julien Bataille, Raymond Prouhèze, Nicolas Colbus, Félix Sounalet, M. Mattéi. A l'automne 1943, ce groupe est rattaché à l'Organisation de résistance de l'Armée (ORA), dont la structure alésienne est dirigée par l'adjudant Edouard Coulaud, beau-frère d'Henri Castaldi. Ce groupe a pu non seulement fournir des renseignements à la Résistance, mais aussi, de mars 1943 à mai 1944, cacher des réfractaires et des Juifs menacés d'arrestation. Il fait également passer des armes aux maquis en formation de l'ORA.

Un autre noyau résistant s'est rapproché de Combat puis des Mouvements unis de Résistance (MUR) : c'est le cas d'un petit groupe constitué à Alès à l'initiative de Jacques Taulelle et qui est dirigé dès 1942 par l'inspecteur (puis commissaire) Gaston Charraix, avec R. Garapon, Maurice Hugon, Henri Lanot, Pierre Castellarnau, André Cabanel, Jean Rouveyrol, Frédéric Trucchi. Ce groupe, rattaché en 1943 au service Noyautage des administrations publiques (NAP) des MUR, a les mêmes activités que les précédents (renseignements, faux papiers), mais son responsable G. Charraix parvient aussi à mettre en contact les responsables alésiens des MUR, notamment Georges Fesquet, avec les principaux représentants locaux de l'Etat, le capitaine de gendarmerie Taddéi, le commissaire central Malafosse et le sous-préfet, les deux premiers acceptant d'aider la Résistance. Par ailleurs R. Garapon participe, avec quelques autres Alésiens (M.Rogier, Georges Laget) à l'installation d'un réduit à Aire-de-Côte, dès janvier 1943, pour cacher les premiers réfractaires gardois.

Cette position particulière des policiers résistants -aider les organisations clandestines et les personnes pourchassées tout en continuant à faire leur métier qui consiste à les rechercher et à les arrêter- est difficile à "tenir".
Les Allemands qui occupent le Gard dès novembre 1942, se méfient de la police française, tenue systématiquement à l'écart des opérations comme l'attaque d'Aire-de-Côte le 1er juillet 1943, ou des actions de la division SS Hohenstaufen contre les maquis à partir de fin février 1944.
De même, dès 1943, la véhémence de certains courriers du préfet A. Chiappe, très engagé dans la collaboration avec l'occupant, montre qu'il ne fait plus confiance à certains responsables de police et de gendarmerie : lors du procès de l'ancien préfet, à la Libération, l'ancien commissaire central d'Alès, M. Eingel, témoigne qu'il a été appelé (début de l'automne 1943) à la Préfecture, et que Chiappe, après lui avoir ordonné de faire une perquisition immédiate chez R. Garapon, "lui offrant des tracts, lui dit  "prenez ces tracts et, au cours de la perquisition, mettez-en dans les poches des vêtements", ce qu'Eingel a refusé" (il a été démis de ses fonctions peu après).

De son côté, dès 1943, la Gestapo arrête plusieurs policiers nîmois : le commissaire Pierre Bazaret est interpellé le 3 février 1943 et déporté à Buchenwald ; Henri Gallard, arrêté le 4 septembre 1943, en même temps que l'état-major gardois de Franc-Tireur, est déporté lui aussi à Buchenwald puis à Mauthausen. Le commissariat d'Alès est lui aussi touché par les arrestations successives de Frédéric Trucchi le 2 septembre 1943 et Félix Sounalet le 12 octobre 1943, tous emprisonnés à Marseille.
Et surtout plusieurs policiers et gendarmes alésiens membres des MUR figurent parmi les patriotes arrêtés par les Waffen SS de la  "bande à Harry" début juillet 1944 et torturés dans la prison du Fort Vauban : Henri Lanot et André Cabanel sont ensuite exécutés et jetés dans le Puits de Célas. Maurice Hugon, secrétaire de police et Henri Nicaise, gendarmes, sont relâchés faute de preuves après avoir enduré interrogatoires et tortures.
D'autres policiers sont partis dès 1943 dans la clandestinité, comme Raymond Prouhèze : membre du groupe franc de police d'Alès à partir de mars 1943, il rejoint le maquis d'Aire-de-Côte en juin 1943, mais il est grièvement blessé lors de l'attaque allemande le 1er juillet 1943 ; capturé, il est ensuite déporté à Buchenwald.
D'autres ont pu poursuivre la lutte, à l'exemple de Clément Laurès qui a rejoint Bir-Hakeim, de Jean Rouveyrol, parti dans un maquis de l'Armée secrète (AS) de l'Ardèche en juillet 1944 ou de Frédéric Trucchi, évadé des Baumettes le 19 mars 1944, qui rejoint ensuite un maquis FTPF commandé par Teissier dit "Boulestin" et participe aux combats de la Libération fin août 1944.

Cette participation des policiers à la Libération a revêtu d'autres formes : R. Vaïsse, responsable départemental du Mouvement de libération nationale (MLN) et membre du Comité départemental de Libération souligne le rôle des 170 hommes commandés par Fabre, lors des journées insurrectionnelles des 23-24 et 25 août 1944, et chargés "de garder les édifices, monuments et points stratégiques : ordre énergiquement maintenu, pillages et effusions de sang évitées". Les policiers encore à leur poste ont alors la tâche -délicate- de faire respecter la nouvelle légalité républicaine.


Extrait de Fabrice Sugier, "Des policiers gardois dans la Résistance", CD-ROM La Résistance dans le Gard, AERI, 2009