Mémorial du maquis Aigoual-Cévennes, Col du Pas (Gard)

Légende :

Le Mémorial du maquis Aigoual-Cévennes se situe à la jonction des D.10 et D.193, sur un éperon rocheux dominant le col et la "draille" de l'Asclier à Aire-de-Côte, la vallée de l'Hérault et la Vallée Borgne, dans un site grandiose avec la vue sur le massif de l'Aigoual, proche d’Aire-de-Côte.

Genre : Image

Type : Monument

Source : © Mémoire et Résistance dans le Gard Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique en couleur

Date document : 2016

Lieu : France - Occitanie (Languedoc-Roussillon) - Gard - Col du Pas

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Analyse média

Ce monument, un grand " V" de la victoire encadrant une croix de Lorraine avec sur son socle deux plaques de bronze portant les inscriptions suivantes":
- sur une face : "Forces Françaises de l’intérieur - Maquis Aigoual-Cévennes - Aire-de-Côte - Ardaillers - Lasalle"».
- sur l'autre face : "Fruit de l’union des Maquisards Aigoual- Cévennes, financé et construit par eux-mêmes. Ce monument restera un lieu de silence et de recueillement. Ni les discours, ni les cérémonies n’ont fait la force de la Résistance". Il est le témoignage des anciens de l’"Aigoual-Cévennes".

Financé et construit par eux-mêmes sur un terrain cédé par L. Cauzel. À 10 km de Valleraugue, 11 km des Plantiers, 15 km de Saint-André-de-Valborgne, 11 km d’Aire-de-Côte, pas très loin de L’Espérou, il représente le point central des trois maquis ayant constitué l’"Aigoual-Cévennes". Confié à la municipalité de Valleraugue, sous réserve qu’aucune manifestation étrangère au maquis puisse y avoir lieu, le mémorial est "un lieu de recueillement et de silence", honoré chaque 15 août par les anciens maquisards. 


Mémoire et Résistance dans le Gard

Contexte historique

Le maquis Aigoual-Cévennes est officiellement constitué le 12 juillet 1944. Il résulte de la  fusion des deux principaux maquis des Cévennes gardoises : le maquis de Lasalle, le maquis d'Ardaillers (dit aussi de la Soureilhade) auxquels s'adjoignent quelques autres petits groupes. Le maquis ainsi constitué s'installe dans le massif de l'Aigoual où il prend alors la dénomination de "maquis FFI Aigoual-Cévennes" ; sa formation est d'essence gardoise, sa localisation se situe dans le massif de l'Aigoual.

Très vite ce maquis devient numériquement et potentiellement le plus important attirant de nombreux jeunes. Il est vrai que le débarquement des Alliés sur les côtes de Normandie (6 juin 1944) est récent. Selon les sources, on évalue à 1 000 voire à 2 000 son effectif à la mi-août, renforcé d'ailleurs le 14 août, (à la veille du débarquement sur les côtes de Provence) par les gendarmes (environ 300) de l'Hérault sous la direction du commandant Colonna d'Istria.

Ses origines, ses tribulations, ses formes d'organisation, son rôle spécifique par rapport aux autres forces de la Résistance, méritent qu'on l'étudie avec attention.

Les Cévennes, une nature à part ?

Le milieu naturel et historique est suffisamment connu pour qu'on ne s'y attarde pas. Il mérite cependant d'être rappelé. Les Cévennes sont une montagne d'une nature âpre, cloisonnée, assez pauvre, sèche, d'influence méditerranéenne avec cependant des conditions très rudes en hiver. De fait, la géographie naturelle a imposé l'existence de communautés autonomes, vivant pendant très longtemps exclusivement de la châtaigne, de l'élevage ovin ou caprin, de la vigne dans les secteurs mieux exposés. Pourtant, en dépit d'accès malaisés, les Cévennes ont été souvent marquées par des passages extérieurs, voire des invasions. On en connaît les vicissitudes historiques récentes et les plus marquantes : l'emprise protestante dans une région alors dominée par le catholicisme, la résistance farouche opposée aux dragons de Louis XIV avec la révolte des Camisards (1702-1709), la survivance d'un culte protestant célébré clandestinement dans les vallons, grottes et forêts. Cette résistance à l'oppression (et à la centralisation) se poursuit quand de nombreux jeunes refusent l'enrôlement sous l'Empire de Napoléon et se cachent avec la complicité des populations. Déjà, dans le passé, les Cévennes sont une terre de résistances.

Des origines connues
La dénomination de maquis est relativement tardive même si dans la conscience collective le terme tend à englober souvent toutes les formes et manifestations de la Résistance ;  l'opposition au régime de Vichy et à l'occupation allemande a commencé timidement par la constitution de noyaux, puis de réseaux, puis de mouvements, les maquis ne se constituant réellement qu'à partir de mars 1943 avec l'instauration du Service du travail obligatoire (STO) par la loi du 17 février 1943.
Les jeunes (de 20 à 23 ans) requis pour aller travailler en Allemagne sont issus de milieux sociaux variés, le plus souvent ils sont sans motivations politiques particulières sinon la volonté d'échapper au travail obligatoire. Très vite l'expression "prendre le maquis" va être utilisée, c'est-à-dire rejoindre des camarades issus des mêmes quartiers ou villages, souvent croisés par hasard : Aimé Vielzeuf a bien décrit dans son Journal les difficultés pour certains, sans relations, sans liaisons particulières, pour rejoindre le maquis, (ce qui fut son cas), pourtant situé à quelques dizaines de kilomètres de sa commune de La Grand-Combe. Jean-Pierre Chabrol de son côté, a souvent rappelé que c'est par hasard qu'il est arrivé dans un maquis des Francs-tireurs et partisans (FTP) vers Vialas (Lozère) alors qu'il tentait de rejoindre un maquis de l'Armée secrète (AS).  ("...Parce qu'en 1942, je n'ai pas réussi à franchir le Canigou pour rejoindre de Gaulle, parce qu'un an plus tard j'ai rejoint les Communistes en les prenant pour des gaullistes, pour ces erreurs de filières et de sentiers, parce que j'ai fait le coup de feu sous le drapeau rouge avec le  coeur tricolore, drôle de zèbre, rien désormais ne sera plus pareil...").
Car il est vrai aussi que depuis plus ou moins longtemps, parfois depuis 1940, des dissidents politiques, comme la propagande ennemie les désignait (avant de les appeler les "bandits", puis les "terroristes") étaient déjà entrés en clandestinité et menaient une résistance active.
Les conceptions politiques n'ont pas manqué de s'affronter, parfois avec rudesse, entre les différentes formations : d'ailleurs les responsables du maquis Aigoual-Cévennes ont souvent fait preuve d'une méfiance singulière à l'égard des autres structures.

Il y eut un très grand nombre de maquis, de toutes obédiences, de conceptions différentes le plus souvent installés dans les régions reculées, montagneuses, plus ou moins isolées de l'ancienne zone Sud : les maquis FTP étaient en général de taille réduite, recherchant davantage l'action de guérilla que l'affrontement direct ; ceux de l'AS ou de l'Organisation de Résistance de l'Armée (ORA) ne sont pas tous marqués par de fortes concentrations mais ont en général des effectifs importants, ce qui n'est pas sans poser de gros problèmes de ravitaillement et d'armement : c'est le cas d'Aigoual-Cévennes (même si les chiffres n'atteignent pas ceux du Mont Mouchet ou du Vercors).

Ces formations sont donc diverses. Les plus précoces, y compris dans le Gard, sont celles de l'AS de Combat et sont rattachées aux Mouvements unis de Résistance (MUR) avec la création d'un SNM (Service National Maquis) dirigé par Michel Brault "Jérôme" sous le contrôle d'Henri Frenay.

La fusion de différents maquis gardois est préparée avec la participation du pasteur Laurent Olivès, chef du maquis d'Ardaillers, de René Rascalon, ( ancien chef du maquis d'Aire-de-Côte) et de Guy Arnauld, fondateurs du maquis de Lasalle, de Marcel Bonnafoux "Marceau", chef du corps-franc de Lasalle, d'Antoine Cassé de l'AS de Ganges. Les statuts du directoire du rassemblement Aigoual-Cévennes sont ratifiés par la DMR (délégation militaire régionale de la R3 dont dépend la région cévenole de l'AS) et la direction militaire confiée au colonel d'aviation Colas dit "Matignon", Marcel Bonnafoux"Marceau" étant son adjoint).

Formation d'Aigoual-Cévennes

C'est donc le 12 juillet 1944 que les deux principaux maquis des Cévennes gardoises fusionnent. Deux raisons majeures l'expliquent: d'une part les attaques ennemies contre les structures existantes (le maquis d'Aire-de-Côte est décimé le 1er juin 1943, les rescapés rejoignent alors le maquis de Lasalle : ce dernier qui a connu un hiver 1943-1944 très difficile est contraint de changer de cantonnement une quinzaine de fois ; il est attaqué à son tour le 28 février 1944 puis à nouveau le 16 juin au château de Cornély et se replie vers l'Espérou où il s'unit au maquis d'Ardaillers du pasteur Olivès, (qui avait été également attaqué par la Wehrmacht, le 28 février 1944.
Ainsi est constitué le premier noyau d'Aigoual-Cévennes composé de 425 hommes, bientôt renforcés par l'afflux de nombreux jeunes et du ralliement en nombre de gendarmes avec leurs armes et leurs véhicules.

D'autre part, la situation militaire évolue rapidement : les forces de la Résistance intensifient leurs actions (le 1er février 1944 à Lasalle, le maquis investit le village, défile et dépose une gerbe aux monuments aux morts) ; avec les débarquements alliés l'action s'intensifie encore. L'occupant a de plus en plus de mal à maintenir sa présence dans l'arrière-pays en dehors des grands axes de communication.

Rappelons quelques étapes :

18 juillet 1944, à Pont d'Hérault
, embuscade d'un camion allemand transportant la relève de la garnison du Vigan : sur dix-huit hommes, sept sont tués, les autres blessés ou prisonniers ; 24 juillet à Ganges, le maquis tient la ville et la RN 99, contre un assaut des GMR (groupes mobiles de réserve) et de la Milice, sauvant ainsi un parachutage égaré au nord de la ville.

10 août au Vigan, une action plus importante se dessine : depuis le 6 août, Le Vigan (où se situe un relais téléphonique à grande distance jusqu'à Berlin et donc d'une importance vitale pour les Allemands), 600 hommes de la Légion d'Arménie sous commandement allemand, stationnent dans la ville : c'est une menace directe contre les Cévennes gardoises et leurs maquis. Les responsables du maquis décident de lancer une opération minutieusement préparée par le chef militaire du maquis, le commandant Colas "Matignon". La mission la plus périlleuse est confiée au corps-franc commandé par Marcel Bonnafoux "Marceau" : capturer par surprise l'état-major allemand logé à l'Hôtel du Midi sur la Promenade du Quai. Mais l'opération échoue et "Marceau" est mortellement blessé. Jean Castan dit "Jean de l'Aigoual" lui succède comme adjoint au chef militaire du maquis Aigoual-Cévennes.

du 14 au 28 août, les maquisards d'Aigoual-Cévennes affrontent des régiments allemands qui empruntent la RN 99, notamment au tunnel d'Alzon ; ils harcèlent l'ennemi des gorges de la Vis jusqu'à Ganges, puis à Pont d'Hérault et à Saint-Hippolyte-du-Fort et participent à la bataille de Tornac-La Madeleine.
D'autres accrochages contre les troupes allemandes se produisent vers Sommières, Pondres, Salinelles où participent des hommes d'Aigoual-Cévennes.

Le 29 août, la libération du Gard pratiquement assurée, Rascalon conduit ses maquisards à Nîmes : surpris du désordre, des ralliements de dernière heure, il fait preuve d'une vive méfiance à l'égard des nouvelles autorités départementales : la même qu'il avait également manifestée envers le maquis Bir-Hakeim ou envers le commandement départemental des FFI, refusant l'autorité de Michel Bruguier "commandant Audibert". Nombre de ses éléments vont s'engager dans la 1ère division française.

Mais le rôle de Rascalon est désormais réduit : cet homme, avant tout soucieux de sa liberté de "reboussié" (dissident cévenol ombrageux), n'a plus guère d'activité publique connue. Il reprend son métier de plombier mais garde néanmoins le contact avec ses anciens compagnons du maquis et rédige ses souvenirs dès 1945.


Claude Emerique in CD-ROM La Résistance dans le Gard, AERI, 2009