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Stèle à la mémoire d'Yves Talarmain, Lanfeust (Ploumoger, Finistère)

Légende :

Stèle en hommage à Yves Talarmain, combattant des Forces Françaises de l'Intérieur du bataillon de Ploudalmézeau, mort au combat le 6 septembre 1944.
Au verso : portrait d'Yves Talarmain (Collection famille Talarmain)

Genre : Image

Type : Stèle

Source : © Collection famille Talarmain Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en couleur

Lieu : France - Bretagne - Finistère - Ploumoger

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Analyse média

Une première stèle a été érigée par la famille, près du hameau de Lanfeust, sur la route des blancs sablons, à l’endroit même où Yves est tombé. Abîmée, dégradée, la commune de Ploumoguer l’a remplacé par une nouvelle stèle inaugurée le 17 septembre 1994.


Fabrice Bourrée

Contexte historique

Yves Talarmain, né en 1886 au pays des Abers, à Tréompan (Ploudalmézeau, Finistère) fait toute sa carrière dans la marine nationale comme fusilier marin. Il fait la guerre de 14-18 sur le croiseur Guichen, puis sur le front de Champagne comme canonnier marin. Après avoir navigué sur de nombreux navires, il prend sa retraite d’officier marinier en 1932.

En mars 1932, il revient à Ploudalmézeau et vit paisiblement, s’occupant principalement de sa famille et de son jardin. Il devient vice-président de l’association des médaillés militaires du canton, ce qui lui permet de rendre service autour de lui car cette association avait l’entraide pour vocation. Elle lui permet aussi de tisser des liens locaux que ses longues absences au service de la marine avaient forcement distendus. Ces liens s’avéreront très utiles pour la suite de son action. 

Nous savons peu de choses de ce qu’il fit entre 1940 et fin 1943. Une attestation datée de décembre 1946 de Pierre Plouët, délégué des mouvements de résistance Libération Nord et Défense de la France auxquels Yves appartenait, affirme que pendant cette période, il à : "par tous les moyens remonté le courage des jeunes et des indécis – [et effectué la] distribution de tracts Défense de la France. Il mentionne également : "Français probe et courageux forçant l’estime de son entourage".

Son responsable d’alors est le lieutenant Henri Provostic, notaire à Ploudalmézeau, chef cantonal de la résistance qui sera dénoncé en mai 1944, torturé, déporté et décédera au camp de Mauthausen en décembre 1944.

Yves était un spécialiste du maniement des armes. Il se chargea, en cachette, dès janvier 1944, de la formation de jeunes recrues du bataillon de Ploudalmézeau. Il opéra avec le grade d’adjudant. Son fils Alain, lui aussi spécialiste du maniement des armes, le rejoint en début 1944. L’attestation citée plus haut mentionne clairement son action: "formation d’un groupe de résistance de 12 hommes (qu’il a recruté lui-même parmi ses proches, dont son fils Alain). Instruction militaire de ce groupe (maniement des armes etc..) effectué sur le terrain (dès janvier 1944). Incorporé au bataillon FFI de Ploudalmézeau le 6 août 1944. A différentes reprises a été désigné pour prendre le commandement de patrouilles (3 groupes de 12 hommes)"

Après un parachutage d’armes à Pont-Ours en Plouguin, le 2 août, le rassemblement du bataillon FFI s’effectue rapidement à Kergoff en Tréouergat (29) au nez et à la barbe des nombreux Allemands présents dans la région - en particulier des 287 soldats de la station radar de Saint Pabu qui était toute proche et qui ne se rendirent que le 11 août à la résistance. Le bataillon entre en action le 6 août - jour ou la "chevauchée américaine" de la 6e division blindé de Patton était stoppée à Milizac (grande banlieue de Brest) par les canons de gros calibres de la batterie de Keringar (pointe Saint Mathieu) que les Allemands avaient retournés pour être efficaces contre une invasion venant de terre alors qu’initialement ils étaient prévus pour stopper une invasion venant de l’océan. Les Américains avaient sous-estimé les défenses de Brest menées très efficacement par les parachutistes aguerris du Général Ramcke.

Yves est chef du 2e groupe de la 3e section du lieutenant Gabriel André - section de la 1ère compagnie d’un bataillon qui se composait d’environ 1100 volontaires, en y incluant des Russes blancs ralliés à la résistance. Peu de cantons en France réussirent à réunir autant de volontaires qui devinrent rapidement des soldats efficaces capable d’aider les Américains qui disposaient seuls de l’armement lourd indispensable pour bouter les Allemands hors de France. Les Américains reconnurent d’ailleurs sur le champ de bataille l’aide qu’ils leurs apportèrent en décorant leur commandant (le Lt Cl Faucher) de la "Bronze Star Medal". Dès le début août 1944, ce bataillon -ainsi que les autres troupes FFI des environs- armés essentiellement d’armes légères parachutées ou prises à l’ennemi servent de fantassins, d’éclaireurs, d’auxiliaires, de sources de renseignement etc.. aux Américains de la 6e division blindée du général Grow de l’armée de Patton, puis, après la mi-août, furent adjoints à la 29e division d’infanterie du Général Geerhardt. Cette division avait été la première à débarquer le 6 juin à Omaha Beach ou elle avait subit des pertes très importantes avant de percer les défenses allemandes. A cette division, sont adjoints les 2e et 5e bataillons d’élite "Rangers" – ceux qui avaient pris, de haute lutte, le 6 juin également, la célèbre pointe du Hoc en Normandie. Les FFI du bataillon de Ploudalmézeau opérèrent main dans la main avec ces rangers qui étaient les seuls à disposer d’une artillerie lourde, de chars et d’une maîtrise du ciel indispensable à la réduction de défenses allemandes particulièrement bien organisées en forteresses tout au long de la côte nord du Finistère. Objectif des américains et des FFI : réduire toutes ces défenses pour ensuite annihiler l’énorme batterie "Graff Spee" de Keringar (près de la pointe Saint Mathieu) et ensuite prendre Brest par le nord. Les FFI furent particulièrement efficaces dans cette tâche - permettant aux Américains de réduire au maximum leur pertes tout en accélérant la prise de Brest. Ils défendaient, avec enthousiasme et professionnalisme, l’honneur de la France ! Malheureusement, ces efforts furent en grande partie inutiles car les installations portuaires de Brest furent détruites par les Allemands avant leur reddition. Le port ne put servir -comme espéré initialement par les Alliés- à débarquer les troupes, le matériel et le ravitaillement dont ils avaient le plus grand besoin pour mener les opérations militaires qui conduisirent à la victoire. Il n’est pas possible ici de raconter les mille et une péripéties des violents combats qui durèrent près de deux mois (août-septembre 1944) à la pointe du Conquet et qui menèrent à la prise de Brest. Ils sont décrit dans divers ouvrages - en particulier, pour les actions du bataillon de Ploudalmézeau, dans le livre "Objectif Kéringar" de Jacques André et Jean-François Conq aux éditions "Le Télégramme" (191 pages - 2002).

Yves est de pratiquement tous les combats jusqu’à sa mort le 6 septembre : "toujours volontaire" comme il est écrit dans sa citation de la Légion d’Honneur. Il participe en particulier aux combats pour la prise de Trézien, Kervélédan, Kergounan, Corsen, d’Illien et de la presqu’ile de Kermorvan ou il perdit la vie. Ces deux derniers lieux étaient aménagés en forteresses encadrant la grande plage des Blancs Sablons qui aurait pu servir de plage de débarquement aux Alliés - à la grande crainte des Allemands. L’ouvrage cité plus haut décrit ces aménagements en page 95 : "Les Allemands firent de Kermorvan une forteresse, on y dénombre encore aujourd’hui 35 abris bétonnés. L’isthme d’accès était sous le feu de deux canons antichars de 75 mm abrités sous casemates. Détail intéressant, les casemates étaient flanquées chacune d’une niche bétonnée qui logeait des « Goliath », petits véhicules chenillés, télécommandés par câbles, porteurs de charges explosives destinée aux chars d’assaut. La plage des Blancs-Sablons était sous le feu de deux canons de 37 et 50 mm, et de celui d’une mitrailleuse de forteresse. Toutes ces pièces étaient abrités sous des casemates de béton. A la pointe nord, deux canons de 105 mm balayaient l’horizon. Deux lourdes mitrailleuses de forteresse jouxtaient les abris des affuts de 105. A la pointe sud, près du phare, étaient abrités trois postes de tir armés de pièces antichars. Le chenal et le port du Conquet étaient sous la surveillance de deux postes. L’un abritait un canon de 37 mm, l’autre une mitrailleuse lourde. Une douzaine de nids de mitrailleuse légères protégés par un talutage de sac de béton doublé d’une épaisse couche de terre faisaient une ceinture de défense supplémentaire. Un vaste champ de mine parsemait le territoire du camp retranché. Un lazaret [infirmerie] et divers équipement amélioraient le confort des quelques trois cent hommes qui étaient en garnison à Kermorvan. […] Illien et Kermorvan, ces deux Panzerwerkes [Points d’appuis lourd avec ouvrage cuirassé] de l’armée allemande, tenaient sous leur feux la dune et la plage des Blancs-Sablons."

Les aménagements sont de même nature à Illien. Plusieurs assauts avec chars, artillerie et aviation restèrent infructueux jusqu’au 10 septembre. Yves eut l’épiderme de la main droite arraché par un éclat de mortier lors de ces assauts. Quelques soins lui furent prodigués et il retourna aussitôt au combat. Le mercredi 6 septembre, à l’orée de la presqu’ile de Kermorvan (lieu dit Lanfeust), en fin d’après midi, par temps calme, deux patrouilles FFI, dont celle conduite par Yves "ont mission de contrarier les mouvements des Allemands autour des anciens forts. Tout à coup, les mitrailleuses se déchainèrent et des obus de mortier se mirent à pleuvoir. Ces armes étaient disposées pour prendre la route en enfilade" a raconté Paul Simounet, un des FFI du groupe d’Yves. Les résistants ont consigne de se replier en pareille circonstance. Ils le firent en franchissant l’un après l’autre, aussi rapidement que possible, le carrefour à découvert de Lanfeust sous la couverture du fusil mitrailleur d’Alain Talarmain qui vide tout un chargeur. Son père, qui a égrainé ses hommes aux instants les plus judicieux pour minimiser les risques, s’engage en dernier… mais pas assez rapidement. Les Allemands voyant la manœuvre qui a précédé, ont eu le temps d’ajuster leur tir… et il tombe frappé en pleine poitrine d’une seule balle qui le traverse de part en part.

Pour faits de guerre, il est promu au grade de maître de réserve pour compter du 5 septembre 1944, veille de son décès.
Yves a été nommé, à titre posthume, au grade de chevalier de la Légion d’Honneur par décret du 20 janvier 1948 avec la citation suivante : "Entré dans la résistance le 1er juillet 1943. Incorporé au bataillon F.F.I. de Ploudalmézeau le 6 août 1944. Toujours volontaire, a effectué de nombreuses missions de reconnaissance dans la région nord-ouest de Brest. Mort au combat, à la tête de ses hommes, lors d’un engagement avec une patrouille allemande dans le secteur de Ploumoguer, le 6 septembre 1944. Déjà cité."

La ville de Ploudalmézeau a débaptisé la route de Plouguin où il demeurait pour la dénommer "rue Yves Talarmain". Une première stèle a été érigée par la famille, près du hameau de Lanfeust, sur la route des blancs sablons, à l’endroit même où Yves est tombé. Abîmée, dégradée, la commune de Ploumoguer l’a remplacé par une nouvelle stèle inaugurée le 17 septembre 1994. 
Le cours du brevet élémentaire/certificat d’aptitude technique de fusilier marin de Lorient, session du 1er mars au 15 juillet 1981, porte le nom de "cours second maître Yves Talarmain, forces françaises libres".


Auteur : Fabrice Bourrée
Sources
Archives familiales
Service historique de la Défense, Vincennes et Brest
Mémorial national aux marins morts pour la France
Renseignements communiqués par la famille Talarmain