Prise d’armes du 4 septembre 1944 à Valence-sur-Rhône

Légende :

Trois jours après la date de libération officielle du département de la Drôme, les compagnies ayant participé à la libération de la ville défilent devant les personnalités. Claude Alphandéry est au premier rang, à droite.

Genre : Image

Type : Photo

Producteur : Inconnu

Source : © Collection Claude Alphandéry Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique noir et blanc, 6 x 9 cm.

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Valence-sur-Rhône

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Analyse média

Les personnalités départementales assistent à la prise d’armes du 4 septembre 1944, à Valence, en bordure est du Champ de Mars.

Au premier rang, sur la droite, Claude Alphandéry, avec le grade de lieutenant-colonel, est vêtu d’une « vieille gabardine militaire » sur laquelle il avait « arboré cinq galons tout neufs ». Son père qui avait rejoint l’Angleterre en juillet 1940 avait débarqué en Provence et remontait la vallée du Rhône comme commandant. Il fut tout surpris, ce jour-là, de retrouver « son fils plus galonné que lui ».

Immédiatement à sa droite, Mgr Pic, évêque de Valence, maréchaliste pendant toute la guerre, réapparaissait aux côtés des libérateurs. Avec son képi, c’est le préfet Pierre de Saint-Prix, nommé par la Résistance. Sur la droite, on remarque un soldat américain.

Derrière sur les marches d’escalier, plusieurs hommes portent des coiffures militaires disparates, képis, calots ou bérets. Plusieurs femmes sont là également pour applaudir le défilé des compagnies de résistants et les Alliés.


Auteurs : Jean Sauvageon

Contexte historique

Une des plus jeunes personnalités assistant à la prise d’armes, Claude Alphandéry, est président du CDL (Comité départemental de Libération). À moins de 22 ans, il occupe cette fonction depuis un an. La Drôme est libérée depuis le 1er septembre 1944. Dans les jours qui suivent, une prise d’armes est organisée dans les villes : Montélimar (3 sept.), Valence (4 sept.), Romans et Crest (5 sept.). Après la guerre, il est haut-fonctionnaire, puis président de sociétés, responsable associatif. Membre du parti communiste (1946-1956), du Club Jean Moulin, puis du parti socialiste.

Claude Alphandéry, né le 29 novembre 1922, est issu d'une famille aisée et de tradition républicaine (son père, Pierre Alphandéry est trésorier-payeur général et son grand-père Georges Lévy-Alphandéry, maire et conseiller général de Chaumont et député radical de la Haute-Marne de 1924 à 1940), Claude Alphandéry, fréquente, après des études secondaires au lycée Carnot, une hypokhâgne à Bordeaux (1939-1940) et un passage à Aix-en-Provence, la khâgne du lycée du Parc à Lyon (1941-1942).

En contact avec la Résistance, diffuseur de la presse clandestine, il abandonne ses études en 1942 et, après avoir occupé un poste de professeur auxiliaire à Roanne dans une école religieuse, l'institut Saint-Louis de Gonzague, s'immerge dans la clandestinité au début de 1943. Désigné responsable des MUR de l'Ardèche en mai-juin 1943, il noue de bonnes relations avec Raoul Galataud, chef départemental FTPF, qui facilitent la constitution, le 15 novembre, d'un Comité de libération nationale de l'Ardèche. Il rédige largement le premier numéro de son organe, L'Ardèche combattante, diffusé en janvier 1944.
Poursuivi par la Gestapo, Claude Alphandéry devient, à l'automne 1943, responsable du MLN dans la Drôme et il est désigné au même moment président du CDL. Étranger au département et non marqué politiquement, il parvient à intégrer en son sein toutes les tendances de la Résistance (PC, SFIO, Jeune République, radicaux, catholiques, protestants, etc.) ainsi que des intellectuels réfugiés à Dieulefit, comme le poète Pierre Emmanuel. Selon son témoignage (lettre de mars 2004), il entendait « mobiliser, dynamiser » toutes les composantes de la Résistance sur une « stratégie commune » : le combat de harcèlement de l'occupant dans la vallée du Rhône et la « sécurisation » d'une « large zone intérieure » dans l'arrière-pays drômois pour assurer les arrières de la guérilla. Début juillet 1944, il obtient d'Alban Vistel, responsable régional MLN, le remplacement à la tête des FFI du département de Jean Drouot (« L’Hermine ») par le lieutenant-colonel Jean-Pierre de Lassus Saint-Geniès (« Legrand »).

Démissionnaire de ses fonctions en décembre 1944, après l'échec des congrès de Vizille (5 septembre) et d'Avignon (7-8 octobre) des CDL du Sud de la France, Claude Alphandéry est remplacé à la présidence du CDL par le socialiste Fernand Bouchier. À sa demande et grâce à l'intervention du ministre de l'Information P.-H. Teitgen, il est, d'octobre 1945 à mai 1946, affecté comme attaché de presse à l'ambassade de France à Moscou, d'où il rentre pour passer le concours de l'ENA. Adhérent alors au parti communiste, il est directement rattaché au comité central et suivi pendant sa scolarité (1947-1948) par Jean Chaintron. Affecté à la direction du Trésor, puis au service des Études économiques et financières (SEEF) du ministère des Finances, il milite au Mouvement de la paix et à la rédaction d'Économie et politique. C’est à la suite de différends, notamment avec Maurice Thorez sur un dossier concernant la paupérisation absolue ou relative de la classe ouvrière devant paraître dans la revue, qu’il quitte le PCF en 1956.

Claude Alphandéry épouse Nicole Bernheim en 1950, ils ont deux enfants, Pierre et Marc. Proche du « mendésisme », affecté par l'avènement de la Ve République, il obtient en 1959 un poste d'expert auprès de l'ONU à New York, d'où il ramène un essai sur le modèle américain de la société de consommation. Membre à son retour du Club Jean Moulin, il poursuit dans les années 1960 et 1970 une activité professionnelle dans l'immobilier, à l'Immobilière Construction de Paris (ICT), à la Banque de construction et des travaux publics (BCT) dont il est PDG de 1963 à 1979. Devenu un spécialiste de la politique du logement, il préside de 1969 à 1975 la commission de l'habitat du VIe Plan. Claude Alphandéry signe en 1974, avec d'autres chefs d'entreprise, comme Antoine Riboud et Gilbert Trigano, un appel de soutien à la candidature de François Mitterrand. Il rejoint alors le « groupe des experts » du parti socialiste et le PS lui-même, où il se rapproche du courant rocardien, signant la motion Mauroy-Rocard au congrès de Metz (1979). Il préside, à partir de 1991, le Conseil national pour l'insertion par l'activité économique. En mars 2004, il participe à un colloque organisé par l'association ATTAC sur l'actualité du programme du CNR, à ses yeux le produit de « tout un peuple en ébullition ». Le 28 octobre 2010, il présidait, à Romans, les Rencontres Pôle Sud de l’Économie Solidaire.

Médaillé de la Résistance, croix de guerre 1939-1945, Claude Alphandéry est Grand officier de la Légion d'honneur.

Il a publié L'Amérique est-elle trop riche ?, Paris, Calmann-Lévy, 1960 ; Pour une politique du logement, Paris, Seuil, 1965 ; Les prêts hypothéquaires, Paris, PUF, 1976 ; Vivre et résister, Descartes & Cie, 1999 ; De la galère à l'entreprise, 2002.


Auteurs : Gilles Vergnon, Jean Sauvageon
Sources : Dvd-rom La Résistance dans la Drôme et le Vercors, éditions AERI-AERD, 2007. Claude Alphandéry, Vivre et résister, Éd. Descartes & Cie, 1999.