Interview de Roger Marty sur le NAP

Genre : Son

Type : Témoignage sonore

Source : © Collection Robert Serre Droits réservés

Détails techniques :

Interviewer : Robert Serre - Durée : extrait de 51 secondes.

Date document : Sans date

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme

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Analyse média

Interview de Roger Marty, un des résistants civils, dirigeant du NAP :

D'origine parisienne, né le 20 août 1907, son mariage en 1930 avec Marguerite Plagnat, une Drômoise de Chabeuil, l'avait amené dans notre département où il exerçait sa profession de géomètre topographe. En 1941, il est nommé géomètre chargé de l'hydraulique agricole à Gap, avant de revenir à Valence en mai 1942 comme régisseur des bâtiments départementaux de la Drôme.

Lors de l'Occupation, il entre dans la Résistance : avec son ami Jean Combel, il établit de fausses cartes d'identité et diffuse des journaux clandestins. Il devient, avec le pseudo "Toulouse", le collaborateur de Jean Loubet, de la préfecture, responsable du NAP (Noyautage des administrations publiques).
Le 1er novembre 1943, il est homologué agent P1 du réseau Nestlé-Andromède et participe à diverses missions dangereuses.
Après l'arrestation de Jean Loubet, il lui succède en février 1944 à la tête du NAP. Il est désigné comme secrétaire du Comité départemental de libération chargé des liaisons avec l'état-major de l'Armée secrète. En juin, il est contraint à prendre le maquis où le comité des MUR le désigne pour le représenter auprès du commandement FFI.
À la Libération, sur la proposition du préfet Pierre de Saint-Prix et d'Yves Farge, le général de Gaulle le choisit comme secrétaire général de la préfecture.
Dans l'après-guerre, il sera sous-préfet du Jura, puis directeur de grands hôpitaux, dont le CHR de Clermont-Ferrand, avant de se retirer à Montmeyran, dans la Drôme, où il est élu maire de 1965 à 1977. Ses deux mandats ont vu l'expansion et la modernisation de sa commune, en particulier par la construction d'un groupe scolaire (école de Montmeyran) qui porte aujourd'hui son nom.
Toujours poussé par son désir de paix et de compréhension entre les peuples, il avait également initié le jumelage de Montmeyran avec la cité allemande de Gross-Bieberau. Il présida quelques années l'Union départementale des combattants volontaires de la Résistance.
Il avait rédigé ses souvenirs de guerre dans une brochure intitulée Prends ton fusil, Grégoire, mémoires d'un terroriste.
Il est décédé le 28 février 1992.


Auteurs : Robert Serre

Contexte historique

Le noyautage des administrations publiques (NAP) :

On peut considérer que l'action menée dès septembre 1940 par Charles Duret, premier inspecteur de la Jeunesse et des Sports, ancien membre du 2ème Bureau à l'ambassade de France de Varsovie, constitue le premier embryon du NAP à la préfecture de la Drôme. Il donnait au consulat d'Amérique à Lyon, par l'intermédiaire de Richard Planas, l'état des flottes italiennes et allemandes en Méditerranée.
Le NAP fut réellement créé à Valence au début de 1943 par Jean Loubet, 23 ans, chef de service à la préfecture, largement aidé par son cousin France Bastiat, monteur de téléphone, Hélène Saron, veuve de guerre 39-40, auxiliaire employée au service de la comptabilité, et le commissaire Kuhn. À la suite de quelques manoeuvres de membres de la SFIO pour placer des hommes dans les trois mouvements de Résistance, Bouchier (SFIO), Loubet (NAP) et de Saint-Prix se réunissent en décembre 1943 pour faire l'unité de cette forme de Résistance.

Le réseau des NAP.
Dans chaque administration se met en place un organisme spécifique de noyautage. Les dirigeants du NAP départemental, Loubet, puis Marty, constituent le NAP Préfecture qui a la main-mise sur les services essentiels : cartes d'identité, tickets de ravitaillement, préavis des opérations de police régionales. À la fin 1943 ou en janvier 1944, Loubet, Rolland et Santoni dérobent les fiches de recensement départemental concernant les jeunes du STO et les jettent dans le Rhône. Les jeunes ont ainsi trois mois de sursis. Le 7 février 1944 est signalé le vol de documents au 4ème Bureau de la préfecture.

Le NAP-Police est chargé d'obtenir les renseignements sur les opérations prévues contre les résistants, les évasions, de donner communication de dossiers, de fournir des cartes d'identité authentiques ; son chef est Kuhn, commissaire aux Renseignements généraux. À la fin de 1943, le NAP-Police s'étend sur huit départements de la région R1 : dans la Drôme son responsable est l'employé de préfecture Lesage.

Au NAP-Fer reviennent les renseignements sur le trafic allemand, la préparation des attentats ferroviaires, les fausses destinations des wagons de matériel de la Wehrmacht, le sabotage et la destruction des locomotives, des plaques tournantes, etc. Le responsable est Pierre Vacher, employé à la gare de Valence.

Le NAP Inspection académique est placé sous la responsabilité de Louis Roussin, puis de M. Méjean, nommé inspecteur d'Académie de la Drôme le 26 mars 1943. Venant de l'inspection de Digne, cet ancien professeur du lycée de Valence est l'auteur d'une histoire et géographie de la Drôme.

Le NAP Ponts et Chaussées est dirigé par l'ingénieur Dorel.
Un jour de mai 1943, vers 18 h, le NAP Electricité effectue un sabotage précis, supprimant l'électricité alimentant les hauts-parleurs lors de l'allocution de Laval à Valence.
Fin 1942, Charles Spitz, résistant travaillant à la direction régionale des Télécommunications, se voit confier la direction d'un service chargé des installations et de l'entretien des réseaux de dix départements. Il peut ainsi visiter les installations de toute la région, y compris les plus secrètes. Malgré la surveillance d'un officier italien, il peut dresser un schéma très clair des lignes souterraines à grande distance qui sera adressé aux organisations de Résistance et s'avérera très utile. Grâce à Blachon, la Drôme est un des premiers départements reliés au centre clandestin de Lyon. Déjà, des opérations de camouflage de matériel avaient permis dans la Drôme de ne laisser en place que du matériel usagé quasi inutilisable. Ce camouflage se poursuit à l'entrée des troupes allemandes en zone occupée. Au central de Valence, en décembre 1942, deux contrôleurs, Blachon et Rouvière, installent un système d'écoutes sur les lignes téléphoniques des Allemands et de la Milice. Ils recrutent plusieurs agents de leur administration, tels Donnay et Le Theil.

Le NAP-PTT Drôme est créé au début de 1943. Son chef est le cousin de Loubet, France Bastiat, monteur des PTT. Il centralisait journellement les renseignements de tous les services et les remettait au responsable des NAP de Valence ou au chef responsable de la Résistance des MUR. De ceux-ci il recevait toutes les directives et rendait compte de son activité. Loubet et Bastiat communiquaient les renseignements du NAP-PTT à l'état-major FFI de la Drôme ("Hermine" ensuite "Legrand") ainsi qu'aux personnalités civiles qui constitueront le CDL. Durant l'hiver 1943, une toile d'araignée télégraphique reliait Valence aux principaux centres du département et à Lyon. En juillet, l'effort porte sur l'aide à fournir aux maquisards du Vercors. Le NAP groupait tous les services PTT de Valence, c'est-à-dire la direction des PTT, la recette principale, le bureau-gare, les services techniques, téléphoniques et télégraphique, ainsi que le centre de Montélimar. Les missions étaient nombreuses : censure intégrale du courrier de la Légion, de la Gestapo, de la Milice, arrêt du courrier réclamé par les divers organismes de Résistance (les facteurs surveillaient également les correspondances), censure intégrale des communications téléphoniques ennemies, sécurité du téléphone et du télégraphe pour la Résistance, liaisons dans tout le département et interdépartementales par la pose de postes chez les Résistants et aux maquis, fourniture d'appareils téléphoniques et des accessoires, fourniture et pose de lignes aux maquis, instruction technique des jeunes FFI pour la pose et la réparation de ces lignes. Ainsi, en particulier autour de Die, Bourg-lès-Valence et Nyons, des liaisons entre les maquis locaux peuvent être établies. En juin 1944, la liaison entre Nyons et Digne (Basses-Alpes) est même réalisée. Le personnel technique de Nyons procède avec celui de Pierrelatte aux installations de l'appareillage mis à la disposition des FFI en juillet 1944. Le plan du réseau souterrain depuis Le Péage-de-Roussillon jusqu'à Donzère, avec indication des endroits propices aux sabotages par explosifs (chambre de pupinisation) et le plan départemental du réseau aérien avaient été fournis aux chefs maquisards. On avait même prévu la fourniture de casquettes PTT et de sacoches à outils. Le 6 juin 1944, le NAP-PTT est prêt dans toute la région R1 : Blachon, Le Theil et Donnay en sont les responsables dans la Drôme.


Auteurs : Robert Serre
Sources : Dvd-rom La Résistance dans la Drôme et Vercors, éditions AERI-AERD, 2007.