Iosif (Joseph) Clisci

Légende :

Henriette et Joseph Clisci, sans date

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Mémorial de la Shoah, Paris (France) Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc

Date document : sans date

Lieu : France

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Contexte historique

Fils de Leib Clisci, fonctionnaire, domicilié à Cliscaudi (Roumanie) et de Eidia, son épouse, Iosif naît le 12 novembre 1915 à Cliscaudi [son acte de mariage délivré par la Préfecture de la Seine mentionne qu’il est né le 9 novembre 1915 à Cameneti (Ukraine)]. Orphelin de mère, il est élevé par sa grand-mère qui lui donne une instruction très religieuse. Militant actif au sein de la Jeunesse communiste en Bessarabie, il poursuit son engagement lorsqu’il intègre l’école polytechnique de Bucarest, notamment parmi les milieux étudiants juifs. Son action contre la terreur que font régner la Sigourantza (police secrète) et la Garde de Fer (organisation antisémite et fasciste) le désignent aux autorités. Arrêté puis mis en liberté provisoire, il s'enfuit et se réfugie en France. A Paris, il reprend des études à la Faculté de Lettres, participe au Club de la Jeunesse ouvrière juive et écrit des articles pour la Naïe Presse, quotidien communiste de langue yiddish.

En 1939, il souscrit un engagement volontaire et est affecté au 1er régiment de marche de volontaires étrangers à Barcarès (1er bataillon, compagnie des mitrailleurs). Le 23 décembre 1939, il épouse Henriette Tovarowsky, couturière. De cette union, naît un fils, Serge, le 9 novembre 1940. Démobilisé en août 1940, il rentre à Paris. 


A Paris, Iosif Clisci participe à la formation des premiers groupes de résistance au sein de la MOI. Lors de la fusion de ces groupes avec ceux de l’Organisation spéciale (OS), il rejoint le 1er détachement FTP-MOI dont il devient chef d’un groupe sous le pseudonyme d’Albert. Après l'arrestation en décembre 1942 d'Edmond Hirsch, responsable du détachement, Joseph Clisci en prend le commandement. Il participe à de nombreuses opérations contre des établissements fréquentés par des Allemands (cafés, restaurants, hôtels, garages…). L'attaque du Soldatenheim de l'avenue Simon Bolivar (Paris XIXe) en janvier 1943 est certainement l'une des actions les plus spectaculaires qu'il ai organisées.

Le 2 juillet 1943, Iosif Clisci décide de vérifier sur place une action prévue contre un autobus allemand allant de la porte de Clichy à l’hôpital Beaujon. Selon Boris Holban, son supérieur, Clisci ne devait pas participer à cette opération mais sachant l’équipe jeune, il a préféré s’assurer que tout se passe bien. Au dernier moment, face à l’absence du chef d’équipe, il prend l’initiative de le remplacer. La riposte allemande est sévère et Clisci est grièvement blessé. Il ordonne à ses camarades de se replier et se réfugie, à bout de forces, dans le cave d’un immeuble, au 2 rue de l’abreuvoir à Clichy (Hauts-de-Seine). Dénoncé par un locataire, pris sous le feu des Allemands, il aurait tenté de se suicider avec la dernière balle qui lui restait dans son arme, pour ne pas être pris vivant. Grièvement blessé, il est transporté à l’hôpital Beaujon, où il décédé dans la soirée. Sa disparition désorganisa l’activité du 1er détachement des FTP-MOI.

L’acte de décès enregistré en mairie de Clichy le 10 juillet 1943 mentionne « Le 2 juillet 1943 est décédé, à Clichy, rue Beaujon, à 21h45, un individu du sexe masculin, dont l’identité n’a pu être établie » et en donne le signalement et le type « israélite étranger ». Le corps est inhumé au cimetière de Clichy le 8 juillet 1943. Le 25 octobre 1945, la famille Tovarowski formule une demande d’exhumation aux fins d’identification de l’inconnu tué à Clichy le 2 juillet 1943 et identifie le corps comme étant celui de Joseph Clisci.

Dans la biographie qu’elle consacre à Iosif Clisci dans le « Maitron », Lynda Khayat évoque également le parcours de son épouse Henriette : « Quant à sa femme, Henriette, dite Jacqueline dans la clandestinité, agent de liaison des FTP-MOI (matricule 10472), dont les parents furent arrêtés comme Juifs par la police française le 18 novembre 1943 et son frère un mois plus tard, tous internés au camp de Drancy et déportés à Auschwitz d’où ils ne revinrent pas, elle quitta à la suite de la mort de son mari son domicile légal de la rue Daubenton et se réfugia chez Denise Soleilbeau. Son fils, Serge, envoyé à la campagne, resta caché jusqu’à la fin de l’Occupation. Henriette Clisci fut arrêtée le 9 mars 1944 à son domicile de refuge. Conduite pour interrogatoire dans les locaux des brigades spéciales de la Préfecture, elle fut incarcérée ensuite à la prison de la Petite-Roquette, puis à celle de Fresnes, avant d’être internée le 24 juillet au camp de Drancy et déportée à Auschwitz, le 31 juillet 1944, où elle trouva la mort. » Henriette Clisci est médaillée de la Résistance française à titre posthume.

Joseph Clisci est homologué au grade de lieutenant FFI à titre posthume le 28 mai 1946.
Le 7 juillet 1946 une plaque à sa mémoire est inaugurée 2 rue de l’abreuvoir à Clichy à l’initiative de la municipalité, de l’association nationale des amis des FTP, du Front national roumain en France et de l’Association des originaires de Bessarabie. 


Auteur : Fabrice Bourrée

Sources et bibliographie :
Service historique de la Défense, Vincennes : GR 16P 134074 (dossier d’homologation)
Service historique de la Défense, DAVCC, Caen : AC 21P 46357 (dossier de décès)
Archives de la Préfecture de Police de Paris, GB 132 (attentat contre un autobus transportant des soldats allemands, 2 juillet 1943)
Mémoire des Hommes, base des engagés volontaires étrangers entre le 1er septembre 1939 et le 25 juin 1940)

Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Rayski, Le sang de l'étranger. Les immigrés de la MOI dans la Résistance, Paris, Fayard, 1989
David Diamant, Les Juifs dans la Résistance française 1940-1944 (avec armes ou sans armes), Roger Maria Editeur, 1971.
David Diamant, Combattants, héros et martyrs de la Résistance, Paris, Renouveau, 1984
Boris Holban, Testament, Paris, Calmann-Lévy, 1989
Notice "CLISCI Joseph [CLISCI Iosif, dit]" par Lynda Khayat, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 28 mars 2021