Maurice Loebenberg dit Maurice Cachoud

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Archives de la Préfecture de Police de Paris Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc

Lieu : France

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Contexte historique

Fils d’Adolphe Abraham Loebenberg et de Caroline née Polack, Maurice naît le 29 juin 1916 à Zurich. Il grandit au sein d’une famille imprégnée de tradition juive. En avril 1937, il sert dans les services météorologiques de l’Armée avec le grade de sergent. Avant-guerre, il travaille comme graveur chez Gestetner à Londres.

A Marseille, en 1941, il rejoint le mouvement Combat et effectue des liaisons entre différents départements de la zone Sud. Il met également en place un dépôt d’armes. Ses responsables le chargent ensuite d’organiser la réception, le stockage et la distribution du journal Combat tant à Marseille que pour l’ensemble de la région sud-est. En parallèle, il se met à fabriquer avec brio des faux papiers destinés à la fois à des membres de la communauté juive et à des membres de la résistance gaulliste.

Installé à Nice début 1943, il rejoint le Mouvement de jeunesse sioniste et la Sixième puis l’Organisation juive de Combat où il devient l’un des principaux responsables aux côtés de Jacob Weintraub, Claude Gutmann et Raymond Heymann. Il organise un service d’assistance sociale à destination des nombreux Juifs cachés dans la région et monte un impressionnant laboratoire de faux-papiers. Il se met à faire des faux papiers d'une manière très organisée : il prend contact avec un imprimeur pour obtenir des milliers de bulletins de naissance, des livrets de famille, des certificats de baptême. Il surveille les changements éventuels des papiers officiels français et allemands pour que les documents qu'il crée soient exacts et crédibles.

Ses qualités de faussaire entraînent sa mutation à Paris en mars 1944 où il est nommé chef national du service faux-papiers du Mouvement de libération nationale. Son service fournit des faux-papiers aussi bien au MLN, à l’OJC qu’aux autres organisations de Résistance. Il prend également en charge les questions liées à l’imprimerie du mouvement. C’est grâce à lui que le numéro spécial de Libération du 14 juillet 1944 peut être imprimé.

Selon de nombreux témoignages, Maurice Cachoud ne se souciait guère du danger si bien que ses rendez-vous au Palais-Royal étaient dénommés "Meetings Cachoud". Avec son équipe de faussaires, il aurait fabriqué 20 000 fausses cartes d’identité entre septembre 1943 et mars 1944.

Le 18 juillet 1944, lors d’un rendez-vous dans un appartement rue Erlanger, il tombe dans une souricière organisée par un agent allemand de la Gestapo, Karl Rehbein. Les principaux responsables de l’OJC sont arrêtés en même temps que lui. Interrogé dans les locaux de la Gestapo au 180 rue de la Pompe, il est transféré rue des Saussaies où il est effroyablement torturé. Selon le témoignage de Rachel Cheigam : "Alors que son corps n’était plus qu’une plaie, ses bourreaux l’ont précipité dans la cage d’escalier". Quelques jours plus tard, le 22 juillet, son cadavre mutilé est trouvé dans le bois de Verrières à Chatenay-Malabry. Les obsèques de Maurice Loebenberg sont célébrées à Paris le 10 avril 1945 au cimetière de Montparnasse avec les honneurs militaires.

Raymond Heyman a rendu un bel hommage à Maurice Loebenberg en écrivant : "Bon camarade, charmant compagnon, il exigeait beaucoup mais donnait encore plus. D’une intelligence et d’une sensibilité rares, d’une grande bonté, plein de tact ; il avait l’amour de la justice poussé au plus haut degré.» Henry Pohorylès, chef du groupe-franc niçois de l’OJC, apporte au moment des obsèques de Maurice Loebenberg ce témoignage : "En ces jours de victoire, pour la première fois, nous, jeunes du groupe de Nice, voulons soulever le voile pour rendre hommage au plus grand d’entre nous, à celui qui est toujours présent à nous, à Maurice. Certains d’agir dans son esprit, nous nous sommes toujours fait une règle de ne pas revenir sur des événements et des personnes qui n’ont fait que leur devoir d’homme et de juif. Mais Maurice n’est plus ; il nous a fallu longtemps pour renoncer à notre tenace espoir et ce n’est qu’aujourd’hui que nous brisons le silence car il faut que vous sachiez ce qu’il fut et ce qu’il fit. Ce qu’il fut ? Une âme ardente au service de la Cause. Ce qu’il fit ? Sauver des humains. A quoi bon insister, les mots sont vains – seul importe l’action dans son esprit. Restons donc fidèles à Maurice par notre labeur quotidien et au service de notre peuple".

Chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume le 21 mai 1945, Maurice Loebenberg est décoré de la médaille de la Résistance française par décret du 23 octobre 1945 (Journal Officiel du 24 octobre 1945). Le 24 avril 1946, c’est la médaille de la Résistance française avec rosette qui lui est décernée (Journal Officiel du 17 mai 1946). Enfin, le 8 octobre 1951, le ministère des Anciens combattants et victimes de guerre lui attibue le titre d'interné résistant. Entre temps, le 17 octobre 1950, Maurice Lobenberg a été homologué au titre du mouvement Combat pour la période du 1er janvier 1941 au 18 juillet 1944 avec le grade fictif de capitaine. Son nom figure également sur la liste des agents P2 du réseau Plutus avec le grade de lieutenant. 


Auteur : Fabrice Bourrée

Sources et bibliographie :
Service historique de la Défense, Vincennes : GR 16 P 374 755 (Loebenberg) et GR 16 P 374 429 (Lobenberg)
Ordre de la Libération, commission nationale de la médaille de la Résistance française
Mémorial de la Shoah, Paris : CDLXIX-24
Archives Yad Vashem – dossier Maurice Loebenberg (comprenant notamment des extraits des cahiers publiés de janvier à avril 1945, par le Mouvement des Jeunesses sionistes, survivants du Groupe Cachoud).

Marie-Josèphe Bonnet, Tortionnaires, truands et collabos. La bande de la rue de la Pompe, 1944, RennesEdition Ouest-France, 2013.
Anny Latour, La Résistance juive en France, Paris, Stock, 1970.