Pierre Loeb, dit "Pierrot"

Légende :

Membre de l'Armée juive (AJ) à Toulouse depuis juin 1943, Pierre Loeb est nommé en janvier 1944 chef du maquis de l’AJ à Biques dans le Tarn. Après le 6 juin 1944, il commande le peloton bleu-blanc du 4e escadron du Corps franc de la Montagne noire.

 

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Service historique de la Défense à Vincennes, GR 16 P 374 750 Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc

Date document : sans date

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Contexte historique

Né le 5 avril 1917 à Thionville (Moselle), Pierre Loeb accomplit son service militaire d'octobre 1937 à décembre 1940, au Bataillon de l'air 121, base de Nancy, où il est affecté à la 1ère compagnie, puis à la compagnie de l'Air 19 le 27 août 1939. En date du 20 juin 1940, le général Cochet, commandant les Forces aériennes de la 5e Armée, lui délivre un certificat de satisfaction pour "son ardeur et son élan patriotique". Le statut des Juifs le force à quitter l‘armée. Il est démobilisé à Rodez le 30 novembre 1940.

Ce jeune juif choisit la résistance plutôt que la soumission à Vichy et à l’ennemi et il quitte la région devenue particulièrement inhospitalière. En effet, Thionville en Moselle, avait été immédiatement annexée par le troisième Reich dès juillet 1940 et la ville avait repris le nom de Diedenhofen, intégrée au Gau Westmark dont la capitale était Sarrebrück. Les juifs de Moselle avaient été sommés de quitter rapidement le territoire. Nancy, en Meurthe et Moselle devenant "zone réservée", les proscrits (juifs, étrangers) s’y trouvèrent rapidement pourchassés. Pierre Loeb se retire donc à Toulouse où il exerce la profession de photographe.

Sa première idée est de quitter la France via l’Espagne. Il entre en relation avec une jeune juive de Lille, réfugiée à Toulouse, qui connait une voie d’acheminement vers l’Espagne. Cette dernière le met en relation avec Albert Cohen, qui lui-même le présente à Abraham Polonski puis à Léonard Zupraner, les responsables de l’Armée juive. Et c’est ainsi que Pierre Loeb rejoint cette organisation. Il prête serment vers le mois de juin 1943.

Lorsque la décision est prise de créer un groupe franc de l’AJ à Toulouse, Pierre Loeb en prend la direction aux côtés d’Albert Cohen. Volontaire en novembre 1943 pour rejoindre les maquis du Tarn pour l’instruction des jeunes, il est nommé le 25 janvier 1944 aux fonctions de chef du maquis de l’AJ à Biques dans le Tarn. L’effectif du maquis est alors d’une trentaine d’hommes.

Le 2 avril 1944, dans le cadre du redéploiement des maquis du Tarn, il rejoint avec ses hommes le maquis de La Jasse de Martinou près de Lacaune et y entraine les jeunes juifs, de plus en plus nombreux, en maintenant leur spécificité juive car un des objectifs est de poursuivre la lutte après-guerre pour créer "Eretz Israël". Pour afficher leur dimension sioniste, ils portent donc une épaulette bleu-blanc. Pierre Loeb y commande le 1er peloton avec le grade de sergent-chef et un effectif d’environ quarante hommes. Il est secondé par Henri Broder, notamment pour l’instruction militaire. Lors de la terrible attaque du 20 avril 1944 par les forces allemandes, les maquisards sont contraints d’évacuer le site, après une journée de combat.

Pierre Loeb crée alors le maquis AJ de l'Espinassier, hameau abandonné près de Labastide-Rouairoux. Il y reforme un groupe juif autonome composé d’environ 45 hommes. Comme il le souligne dans un témoignage en 1973 : "Puisque mon peloton n’était composé que de Juifs, par la force des choses, nous nous sommes retrouvés de nouveau seuls, séparés (…) des autres pelotons non-juifs". Sur une des rares photos de l’époque, il apparait avec le groupe des pionniers de ce maquis dont Jacques Lazarus et Henri Broder. En mai 1944, il est promu au grade d’adjudant.

Le 6 juin 1944, "Pierrot" reçoit l'ordre de rejoindre le Corps Franc de la Montagne noire, le CFMN, en formation au Pic de Nore au-dessus de Mazamet, à la maison forestière de Trébi, sous les ordres du commandant Roger Mompezat, du commandant Richardson et du capitaine de Kervanoël, pour participer aux actions de libération du territoire et bénéficier des armes de ce grand maquis, fort de plus de 800 hommes. Il est l’adjoint du commandant du 4e escadron du CFMN, le lieutenant Raymond Levy-Seckel et dirige le peloton bleu-blanc.
Leurs faits d’arme sont multiples : occupation des Chantiers de jeunesse de Vichy entre Labruguière (Tarn) et Laprade (Aude), harcèlement de convois allemands, embuscades, défilés provocateurs le 14 juillet 1944 à Revel (Haute-Garonne) et à Dourgne (Tarn). Ces actions d’éclat provoquent le raid brutal du 20 juillet 1944 : par attaque aérienne, le CFMN est bombardé et les blindés allemands achèvent le travail de destruction du maquis. Après une rude journée de combat, il faut se disperser en plus petites unités pour mieux se cacher. Le peloton bleu-blanc reste groupé et affronte une période difficile de bivouac en bivouac, comme l’atteste le journal de marche du Corps Franc de la Montagne noire.

Le 1er août 1944, Pierre Loeb est nommé adjudant-chef FFI. Le jour du débarquement en Provence, le 15 août 1944, le CFMN se reforme et s’installe à Cambon (Hérault). Pierre Loeb et son peloton juif, toujours regroupés sous la bannière bleu-blanc et qui porte désormais le nom d’un héros juif tombé dans les combats en Palestine, Trumpeldor, s’engagent dans tous les combats de libération du Tarn et plus largement de la région. Le lieutenant Levy-Seckel ayant été capturé et exécuté par les Allemands, Pierre Loeb prend le commandement du 4e escadron et participe, à sa tête, aux batailles du Pont de la Mouline et de Saint Pons.

Après la libération du secteur, certains retournent à la vie civile, d'autres poursuivent l'action dans la Première armée française. Pierre Loeb quitte le CFMN avec le grade de lieutenant (grade homologué le 7 juin 1946) après la Libération et est affecté au bataillon 17 de sécurité aux Armées. Mais sa mission se poursuit en Haute-Garonne où il fait reconnaître l'OJC par l’état-major de la 5ème région militaire de Toulousele 13 octobre 1944 (unité 834 des FFI de la Haute Garonne précise-t-il dans un document). Réintégré dans l'armée de l'Air, son armée d'origine, sous-lieutenant le 25 septembre 1944, lieutenant en mai 1948, Pierre Loeb est promu capitaine de réserve en janvier 1957.

Cité à l’ordre du régiment le 25 avril 1945 avec attribution de la croix de guerre avec étoile de bronze, il est également titulaire de nombreuses autres décorations : chevalier de l'ordre national du Mérite (décret du 11 mai 1968), croix du Combattant, croix du Combattant Volontaire 1939-1945 (13 juillet 1970), croix du Combattant Volontaire de la Résistance, chevalier de l’ordre de la Couronne en Belgique (arrêté royal du 6 avril 1973).


Auteurs : Fabrice Bourrée et Valérie Pietravalle

Sources :
Service historique de la Défense, Vincennes : GR 16P 374 750 (homologation des services dans la Résistance) ; DE 2017 ZL 82 / 709 (dossier individuel d'officier de l'armée de l'Air).
Mémorial de la Shoah, DLXI-65, témoignage écrit de Pierre Loeb, juillet 1973.
Archives départementales du Tarn : 109 J 7.
Archives Yad Vashem.