Journal Défense de la France, n°3, 20 novembre 1941

Légende :

Newspaper "Défense de la France", n°3, November 20, 1941.

Genre : Image

Type : Presse clandestine/Clandestine Press

Source : © Archives nationales, fonds Défense de la France (don association Défense de la France) Droits réservés

Détails techniques :

Format 21 x 27 cm. Il comprend 3 pages imprimées sur 2 feuillets. Il s'agit ici d'une photocopie de la Une annotée.

Lieu : France - Ile-de-France

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Analyse média


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Ce troisième numéro de Défense de la France est imprimé de nuit dans les caves de la Sorbonne sur la Rotaprint du mouvement. Il est daté du 20 novembre 1941 et est tiré à 5000 exemplaires, comme le seront les suivants.
L’entreprise demeure, à bien des égards, très artisanale. La matrice est réalisée sur une machine à écrire offset ce qui rend la lecture difficile.
Ce numéro porte en exergue la mention « Ni Allemands, ni Russes, ni Anglais », titre d’un article de Robert Salmon paru dans le premier numéro. Par cette formule, devenue en quelque sorte le slogan du journal, Défense de la France rappel qu’il entend mener seul son combat.

Ce journal se compose de deux articles :

- Le premier intitulé « la France est en guerre » est de Philppe Viannay, « Indomitus ». Cet article s’inscrit dans une logique moralisatrice en incitant les Français à réagir en « organisant la lutte » non pas par une action immédiate mais en « gardant leur sang-froid » et en préparant, le moment venu, la reprise des armes.

- Dans le second article, « Hitler vous parle », l’auteur, anonyme, retranscrit des discours d’Hitler afin de présenter à la population française le véritable visage du Führer.


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Depuis la fin du mois d’août, « l’imprimerie » du mouvement est installée dans les caves de la Sorbonne, rue Cujas dont Hélène Viannay dipose des clés. L’entreprise est encore très artisanale et la petite équipe, aux effectifs encore réduits, gère en totale autonomie cette entreprise dont le chef, Philippe Viannay, souhaite conserver une totale indépendance. 

« A trois et bientôt quatre puis cinq, ils s’occupent de tout : transporter du papier, aller chercher de l’encre, installer la machine, imprimer, faire sécher les pages, mettre les journaux en paquet et les donner à ceux qui allaient les diffuser». (1) Ces premiers mois, l’impression, longue et difficile, est faite par Philippe Viannay. « Il était le seul à avoir vu comment utiliser la machine et il voulait garder son rôle. Il ne délèguait rien ! Il voulait être celui qui sait. C’était son tempérament de chef ». (2) 

« Les 21 premiers numéros sont écrits par 9 rédacteurs seulement. […] Les dirigeants s’attribuent leurs articles au gré de leurs affinités et les auteurs, une fois les textes acceptés, signent leur copie d’un pseudonyme : « Indomitus » pour Viannay, « Robert Tenaille » pour Salmon. Les deux hommes rédigent à eux seuls la majorité des contributions, même si quelques personnalités extérieures, René Tézenas du Montcel, « Maître Jacques », ou Alphonse Dain « Francin, Klein, Pelletier », apportent parfois leurs concours. En somme, une poignée d’hommes assume à elle seule la rédaction du journal ». (3) 

Dans les 22 premiers numéros, publiés entre le mois d’août 1941 et novembre 1942, Défense de la France engage un combat fondé sur une protestation morale. Son discours, centré sur l’information et la contre-propagande traite, de manière inégale, les sujets suivants : la collaboration, le défaitisme, les provinces perdues et la germanisation des populations locales, l’anglophobie, le pillage économique allemand, les rigueurs de l’occupation, l’hitlérisme et le barbarisme nazi, les camps de concentration, les revers de la Wehrmacht et les difficultés économiques du Reich. 


Sources : (1) Clarisse Feletin, Hélène Viannay, L’instinct de résistance de l’Occupation à l’école des Glénans, éditions Pascal, 2004. (2) Ibid. (3) Olivier Wieviorka  Une certaine idée de la Résistance, Défense de la France 1940-1949, éditions du Seuil, 1995.



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This third issue of Défense de la France was printed at night in the basement of the Sorbonne on the movement's Rotaprint. Dated November 20, 1941, 5000 copies of this issue were printed, just as would be for the following issues. The operation remained, in many respects, very artisanal.
The template was created on an offset typewriter, which renders it difficult to read.

This issue bears the inscription « Ni Allemands, ni Russes, ni Anglais », meaning « neither Germans, nor Russians, nor English». This inscription, originally the title of an article by Robert Salmon in the first issue, became a sort of slogan for Défense de la France, showing their intention to lead their own combat that was uniquely French.

This issue is composed of two articles:

- The first, entitled « France is at war » was written by Philippe Viannay, or « Indomitus ». Viannay wrote with a moralistic logic, calling the French to action, « to organize the struggle » not by immediate action, but by « keeping composure » and by preparing to take up arms again when the moment comes.

- In the second article, « Hitler is talking to you » the author, anonymous, retranscribed Hitler's speeches so as to show the French population the true face of the Führer.

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Since the end of August, the movement's printing press had been situated in the basement of the Sorbonne on Rue Cujas, to which Hélène Viannay had keys. The operation was still very artisanal, and the small team, workforce already diminished, managed to remain autonomous. The leader, Philippe Viannay wanted to conserve this total independence.
« At three, soon four, then five, they did everything: transportation of papers, finding ink, setting up the machine, printing, drying the pages, packaging the papers, and giving them to those who would diffuse them ». (1) During these first months, the printing, which was long and difficult, was done by Philippe Viannay. « He was the only one who had seen how to use the machine and wanted to keep his role. He did not delegate any responsibility! He wanted to be the one to know. It was his disposition as the boss ». (2)

« The first 21 issues were written by a team of only 9 authors. [...] The directors attributed their articles to their close friends, and once the texts were accepted, signed the copies under a pseudonym: « Indomitus » for Viannay, « Robert Tenaille » for Salmon. The two men wrote the majority of the contributions themselves, though occasionally contributions were sent in from other personalities, such as René Tézenas-du-Montcel, « Maître Jacques », or Alphonse Dain « Francin, Klein, Pelletier ». Overall, only a handful of people assumed all of the writing for the newspaper ». (3)

In the first 22 issues, published between August 1941 and November 1942, Défense de la France engaged in combat on the basis of moral protest. Its message, centered on information and counter-propaganda, addressed, unequally, the following subjects: collaboration, defeatism, lost territories and the germanization of local populations, anglophobia, the economic exploitation by Germany, the difficulties of the occupation, Hitlerism and Nazi barbarism, concentration camps, the defeat of the Wehrmacht and the economic difficulties of the Reich.

Traduction : Matthias R. Maier


Auteur : Emmanuelle Benassi

Author: Emmanuelle Benassi

Contexte historique

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En cette fin d’année 1941, résister ne va pas de soi. Encore sous le choc de la défaite, les Français sont soumis au bon vouloir de l’occupant, divisés par la ligne de démarcation, privés d’une partie de leur territoire, de nouveau annexé, séparés d’un million et demi de leurs jeunes compatriotes restés prisonniers en Allemagne, dépouillés de leurs biens, rationnés, endeuillés mais aussi et surtout déboussolés par la collaboration que préconise « leur maréchal » au retour de Montoire.
« Une impression de malheur domine. Pour une nation qui a pris l’habitude d’être tenue en haute estime dans le monde, subir une défaite aussi cinglante est terrible. Chacun se sent humilié. Honteux même. Le doute s’est installé dans les esprits. […] Ce sentiment de frustration joue certainement un grand rôle dans la confiance accordée au Maréchal. Dans le jeu inégal avec Hitler, on veut espérer qu’il parviendra à éviter le pire. Au cours de l'année 1940-1941, les certitudes du peuple français s’effondrent. […]
Le terreau est donc particulièrement défavorable » au développement d’une Résistance de quelque nature qu’elle soit. La tâche se révèle être particulièrement ardue notamment en zone Nord où l’ennemi est clairement désigné.

Pourtant, dans ce contexte soudain et inattendu, auquel personne ne s’est préparé, quelques citoyens décident, dès 1940, de réagir en résistant à un envahisseur fermement décidé à contaminer leur pays par ses « valeurs inadmissibles ». Ensemble, ils vont forger un instrument de lutte original : le mouvement de Résistance.


Sources : Serge Ravanel  L’esprit de Résistance , édition du Seuil, 1995.



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At the end of 1941, resisting was no small matter. Still shocked by their defeat, the French were submitted to the will of their occupants, divided by the line of demarcation, a part of their territory seized, a part annexed, separated from a million and a half young compatriots imprisoned in Germany, stripped of their assets, grief-stricken and above all confused by the collaboration advocated by « their Marshall » upon returning from Montoire.

« A feeling of misery dominated the country. For a nation used to being held in high esteem by the rest of the world, to be submitted to such a crushing defeat was terrible. Everyone felt humiliated; even shamed. They began to doubt themselves in their minds. [...] This sentiment of frustration certainly played a large role in the trust placed in the Marshall. In the unequal game with Hitler, they hoped he would manage to avoid the worst. During the winter of 1940- 1941, the certainty of the French people collapsed. [...]
The situation was thus particularly unfavorable » to the development of a Resistance in the way that it did.
The task turned out to be particularly arduous, most notably in the Northern zone, where the enemy was most deeply entrenched.

However, in this context, suddenly and unexpectedly, in 1940, a few citizens decided to act out in against the invaders dead set on contaminating their country with their « inadmissible values ». Together, they were to forge one of the original instruments of the struggle : the movement of the Resistance.

Source: Serge Ravanel, L'esprit de Résistance, Seuil publications, 1995


Traduction : Matthias R. Maier


Auteur : Emmanuelle Benassi


Author: Emmanuelle Benassi