Journal Défense de la France, n°43, 15 janvier 1944

Légende :

Newspaper "Défense de la France", n°43, January 15, 1944.

Genre : Image

Type : Presse clandestine/ Clandestine Press

Source : © Archives nationales, fonds Défense de la France (don association Défense de la France) Droits réservés

Détails techniques :

Numéro imprimé sur un feuillet au recto et au verso. Format 32 x 50 cm. Le papier utilisé demeure de qualité inégale et bien souvent médiocre.

Lieu : France - Ile-de-France

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Analyse média

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Ce numéro est tiré à 450 000 exemplaires, le plus fort tirage de toute la presse clandestine. Il est le premier de l’année 1943. Il est imprimé sur des presses professionnelles.  
D’après les sources de Marie Granet, 350 000 journaux sont tirés à Paris et 100 000 en zone Sud. Entre le premier numéro et celui-ci, le tirage est multiplié par 80 !

Cette 43e édition est particulièrement fournie et affiche d’emblée l’unification de la Résistance dont le processus s’achève en ce début d’année 1944 avec la création du Mouvement de Libération nationale, le MLN. En effet, à la fin de l’année 1943, l’ensemble des démarches de coopération entreprises tout au long de l’année par un grand nombre de mouvements, a abouti à la création du MLN, fédération regroupant les MUR, Résistance et Défense de la France. Dans une publication proclamée le 15 janvier 1943, ils précisent le sens de leur initiative, les principes et buts de ce regroupement. 

Le journal s’ouvre sur un avis à la population qu’il renouvelle dans les numéros suivants : « LISEZ : Combat, Libération, Franc-Tireur, Lorraine ». 

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Défense de la France publie ensuite la « Proclamation » de la tout nouvelle fédération précisant, d’une part, ses PRINCIPES et, d’autre part, ses BUTS. Elle est cosignée par le Comité directeur des « Mouvements Unis » – Combat, Libération zone Sud, Franc-Tireur – le Comité directeur de Résistance et le Comité directeur de Défense de la France

- Dans son deuxième article, Défense de la France expose en détail les objectifs du « Mouvement de libération nationale. » 

- Le troisième et long article relate « Un mois de politique française » communiquant successivement les Activités du CFLN, les débats de l’Assemblée consultative et un compte rendu du Congrès de la France combattante. 

- « Indomitus » signe le quatrième article qu’il intitule « La France est en guerre ». Il dénonce la passivité de la population, cette « masse amorphe qui attend tranquillement que l’orage se passe ».
Défense de la France entend mobiliser ces Français qui « désertent » et leur demande d’agir « tout de suite », de faire leur devoir : c’est-à-dire « LA GUERRE .» 

- L’article suivant s’adresse aux « Ouvriers » !
Défense de la France les exhorte à « constituer des COMITES D’ACTION ET DE LUTTE POUR LA LIBERATION » et à « être l’avant-garde de l’Armée de Libération ! »

- Sous la plume de Robert d’Harcourt, « HB », le journal explique « Pourquoi le monde se bat. » 

- Le septième article intitulé « L’Angleterre et nous » est un hommage de M. Eden, ministre anglais des Affaires étrangères, rendu aux résistants français dans son discours du 14 décembre.
Défense de la France retranscrit ensuite les commentaires du Times qui se fait l’écho chaleureux « de l’opinion anglaise aux paroles de son ministre des AE »

- Après deux brèves citations de Paul Chack et Claude Farrère, le journal se fait « La voix des prisonniers » à travers le témoignage d’André Masson, responsable du mouvement prisonnier, qui témoigne – dans sa lettre du 11 novembre 1943 – de la « transformation » des mentalités dans les camps où « l’esprit de résistance est né »

Défense de la France présente sa revue de presse intitulée « A travers la presse résistante... » S’appuyant sur les journaux Combats, Front National et L’Humanité, le mouvement évoque les points suivants : la France et ses Alliés et la guerre en France. 

- Dans son article « Les Philanthropes ! »,
Défense de la France retranscrit un extrait de Das Reich daté du 12 décembre 1943 et souligne « l’hypocrisie allemande » qui dépasse, une fois encore, les bornes de ce qui est « concevable ».

- Le journal s’achève sur un « bilan des opérations de guerre réalisées en zone nord entre le 1er avril et le 30 septembre », que communique « l’état-major des FTP (Francs-Tireurs-Partisans). Ces informations sont pour
Défense de la France l’occasion de rappeler aux Français « l’importance des coups portés par les patriotes français au potentiel de guerre ennemi. »

 

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A cette époque, le mouvement est doté de deux machines : la Teisch et la Crafftmann. La première, acquise au mois d’avril 1943, est installée depuis juillet dans les établissements Labordière à Aubervilliers. La seconde, une Crafftmann, offerte au mois d’octobre par leur ami Alain Radriguer, est abritée dans un lavoir désaffecté que tient madame Cumin, âgée de 84 ans.

L’organisation désormais professionnelle de Défense de la France renforce l’indépendance du mouvement en rendant inutile le recours aux imprimeurs de métier. Ce nouvel équipement permet, d’une part, d’améliorer la présentation du journal (les compositions sont désormais irréprochables) et, d’autre part, d’accroître la vitesse d’impression et donc d’augmenter le nombre de tirages. 
Avec ces 450 000 numéros imprimés, Défense de la France détient le record des tirages opérés par la presse clandestine sous l’Occupation. 

En outre, depuis l’automne 1942, Défense de la France décentralise ses imprimeries, notamment en zone Sud, suite à un accord conclu entre Philippe Viannay et Claude Bourdet au mois d’octobre. Ce dernier « cherchait à me joindre pour faire participer Défense de la France à l’opération de regroupement qu’il tentait en zone nord, faisant suite à celle qui avait déjà été réalisée en zone sud avec les Mouvements unis de la Résistance (MUR) » se souvient Philippe Viannay. (1) 
Défense de la France s’engage à imprimer et diffuser Combat en zone Nord et à équiper ses imprimeries de Lyon d’une Crafftmann automatique et du matériel nécessaire, grâce à la générosité d’Alain Radiguer. En retour, l’équipe de Bourdet, sous la houlette de Velin, prend en charge le tirage et la diffusion de Défense de la France pour la zone sud, en remplacement de France que leur « rédaction s’avérait incapable de réaliser dans le sens voulu. » (2)  

« Les deux rédactions restent absolument indépendantes » tout en réalisant, en commun, un pool d’informations et de photos. 

Ainsi, la dissémination des ateliers – composition, clicherie et imprimerie – la spécialisation des permanents, une efficace stratégie de diffusion et une organisation rigoureusement cloisonnée répondent aux exigences voulues par Philippe Viannay et assurent à Défense de la France une protection irréprochable. 


Sources
: (1) Philippe Viannay, Du bon usage de la France, Résistance, Journalisme, Glénans, éditions Ramsay, 1988. (2) Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la résistance, Défense de la France, 1940-1949, éditions du Seuil, 1995.  

 
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This issue was printed at 450,000 copies, the largest total ever achieved by any underground newspaper. It was the first issue printed in the year of 1944 using professional printers.
According to Marie Granet's sources, 350,000 newspapers were printed in Paris and 100,000 in the Southern Zone.
Thus between the first issue and the forty-third, the printing was multiplied by eight.


This 43rd issue of Défense de la France was particularly formatted, bearing the emblem of the unification of the Resistance, which was achieved in the beginning of 1944 with the creation of the Mouvement de Libération nationale (National Liberation Movement) or MLN.
In fact, the creation of the MLN was the result of a year-long unification process in 1943 in which the major actors were MUR, Résistance and Défense de la France.
In a publication on January 15, 1944, they clarified their initiatives, principles; and the goals of this unification.

This newspaper opens with a piece of advice for the population: « Read: Combat, Libération, Franc-Tireur, Lorraine ».

- Défense de la France then published the « Proclamation » of the new federation specifying the both their principles and their goals. It is cosigned by the director of the Committee of the « United Movements » - Combat, Libération zone Sud, Franc-Tireur – the director of the Committee of Résistance and the director of the Committee of Défense de la France.

- In the second article, Défense de la France details the objectives of the « National Liberation Movement ».

- The third article relates « A Month of French Politics » successfully communicating the activities of the CFLN, the debates of the Consultative Assembly, and an account of the Congrès de la France combattante (French War Congress).

- « Indomitus » signed the fourth article, titled « France is at War ». He denounced the passivity of the population, this « amorphous mass patiently waiting for the storm to pass ». Défense de la France intended to mobilize the French that had « deserted » and call them to action « right away » and to make them do their duty to the country, their duty being « the War ».

- The following article was addressed to the « Workers ». Défense de la France urged them to « organize committees of action to fight for the Liberation » and to be « the forefront of the Liberation Army ».


- Under the pen of Robert d'Harcourt, « HB », the newspaper explained « Why the World Fights ».

- The seventh article, titled « England and Us » pays homage to Mr. Eden, British minister of Foreign Affairs, for the speech he gave to French resistants on December 14. Défense de la France retranscribed the commentaries of the Times which strongly echoed « the opinion of their minister of Foreign Affairs ».

- After two brief citations from Paul Chack and Claude Farrère, the newspaper gave the « Voice of the Prisoners » through the testimony of André Masson, the head of the prisoner movement, which, written on November 11, testified to the « transformation » of the mentalities in the camps where « the spirit of the Resistance was born ».


- Défense de la France presents its press review, titled « Through the Press of the Resistance... » In using the papers Combats, Front National, and L'Humanité, the movement draws upon two major themes: France and its allies, and the war in France.


- In the article, « Philanthropists! », DF retranscribed an excerpt from Das Reich dated December 12, 1943 that underlined the « German hypocrisy » which exceeded the limits of what was acceptable.

- The newspaper ended with a « summary of war operations in the Northern Zone between April 1 and September 30 » which were given by the « chief of FTP (Francs-Tireurs-Partisans) ». This information was an occasion for DF to remind the French of the « importance of assaults taken by their French compatriots to the potential of their enemy ».


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In November 1943, the movement had two machines at its disposal. The first was the Teisch machine that it had acquired in April, which had been installed in the warehouse of a Labordière factory in Aubervilliers. The second, a Crafftmann, was given to the movement in October by their friend, Alain Radriguer, and was sheltered in an abandoned wash house owned by Madame Currin, an 84 year-old woman.

The now professional organization of Défense de la France reinforced the independence of the movement, making the professional printers unnecessary.
The new equipment allowed them to improve the presentation of the journal and to increase the speed of printing, thereby enabling greater numbers of copies. At 450,000 copies, Défense de la France set the record for the most copies printed by an underground newspaper under the Occupation.

In addition, at this time, Défense de la France decentralized its printers in the Southern Zone following the conclusion of an agreement between Philippe Viannay and Claude Bourdet. The latter « sought to contact me so that Défense de la France might participate in the unification operation in the Northern Zone, following the efforts already in place in the Southern Zone with the Mouvements unis de la Résistance (United Movements of the Resistance) » recalled Philippe Viannay. (1)

Défense de la France engaged in the printing and diffusion of Combat in the Northern Zone and in equipping the printing workshops in Lyon with a Crafftmann automatic press and the necessary materials, thanks to the help of Alain Radriguerf. In return, Bourdet's team, under the leadership of Velin, took over the printing and diffusion of Défense de la France in the Southern Zone. The two editions « would stay completely independent while realizing a pool of common information and photos ».

Thus the dispersal of the workshops – composition, template-making, and printing – allowed for a permanent specialization, an efficient strategy of diffusion, and a rigorous system of organization to respond to the demands of production from Philippe Viannay and to guarantee the movement's protection.


Source: (1) Philippe Viannay, Du bon usage de la France, Résistance; Journalisme, Glénans, Ramsay publications, 1988. (2) Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance , Défense de la France 1940- 1949, Seuil publications, 1995. (3) Ibid. (4) Ibid.


Traduction : Matthias R. Maier


Auteur : Emmanuelle Benassi

Author: Emmanuelle Benassi

Contexte historique

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1944 est bien pour l'Europe occupée l'année des plus grands espoirs.
Grâce à l'action des différentes armées alliées ainsi qu'à l'aide qui leur est apportée par les mouvements et les maquis de la Résistance, l'Allemagne nazie recule sur tous les fronts et son effondrement semble proche.

Le repli allemand, amorcé au lendemain de Stalingrad, s’amplifie et ne s’arrêtera qu’à Berlin en mai 1945. Les fronts italien et africain, déterminants en 1943, deviennent secondaires dans le concept stratégique anglo-américain, concentré prioritairement sur la préparation de l’opération décisive destinée à frapper le Reich au cœur : le débarquement sur le continent par l’ouest.
Par ailleurs, les Alliés poursuivent sans relâche leurs bombardements sur le territoire allemand qui subit des raids massifs destinés à démoraliser la population et à neutraliser ses postes militaires stratégiques.

En France, le mythe du maréchal Pétain est définitivement brisé. La population française, fatiguée, usée par les difficultés du rationnement, les restrictions quotidiennes et l’ensemble des exactions commises par les Allemands, cultive une haine de plus en plus marquée à l’égard de l’occupant qui, dans un dernier sursaut de barbarie, se livre à de nombreux massacres.
L’impopularité de Pierre Laval, chef du gouvernement depuis le 18 avril 1942, l’augmentation de la répression qui se traduit par des rafles et l’institution du Service du travail obligatoire (STO) favorisent le rejet de la collaboration dont profite la résistance.
Ainsi, avec l’aide des populations civiles, elle accueille les nombreux réfractaires du STO et constitue des "maquis" dans des zones peu habitées. L'afflux de ces jeunes maquisards permet à la Résistance de développer des actions sur une grande échelle et de constituer des forces militaires couvrant tout le territoire.

Depuis 1940, la Résistance a parcouru un long chemin : de quelques groupes d'hommes à l'origine, elle parvient à la mise en place d'importantes organisations qui résultent d’un long processus d’unification élaboré tout au long de l’année 1943. Ce sont principalement les MUR, le CNR et, depuis le 15 janvier, le MLN.
En cette année 1944, malgré un cruel manque d’armes, l’ensemble de la Résistance se prépare à combattre aux côtés des Alliés.

Concomitamment, à Alger, le Comité français de Libération nationale – présidé par le général de Gaulle, désormais reconnu comme chef de la Résistance – devient le Gouvernement Provisoire de la République Française et s'élargit à de vastes fractions de la société.


Sources : Serge Ravanel, L’esprit de Résistance, éditions du Seuil, 1995.



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For Occupied Europe, 1944 was a year of hope. Thanks to the actions of various Allied armies with the support of the movements and maquis (militias) of the Resistance, Nazi Germany began to buckle on all of its fronts, as its collapse loomed close. The German fold, sparked by their defeat in Stalingrad, was amplified and did not stop until Berlin in May 1945. After the Allied successes on the African and Italian fronts, the Anglo-American forces concentrated their efforts on preparations for a decisive action designed to strike the Reich at its heart: a landing on the West of continental Europe.

At the same time, the Allies pursued a relentless bombing campaign on the German territory which was subjected to massive air-raids designed to demoralize the population and to neutralize their strategic military operations.

In France, the myth of Marshall Pétain was effectively crushed. The French, worn-out and tired of the hardships of rationing and the daily restrictions inflicted by a German occupation, cultivated a hatred toward the occupiers that had grown stronger and stronger since November 11.


The unpopularity of Pierre Laval, who became the head of the government on April 18, and the increase in German repression through raids and the Service du Travail obligatoire (STO) – a program forcing young French laborers to relocate to Germany to support the industries of war – encouraged the French to reject the collaboration, from which the Resistance benefitted.

Thus, with the help of the civilian population, the Resistance housed numerous deserters of the STO and formed « Maquis » in relatively uninhabited areas. These Maquis were bands of armed men who became active in the Resistance fighting against the presence of the Reich.


This influx of these young maquisards allowed the Resistance to develop its actions on a ladder of command, constituting troops all across the territory. Since 1940, the Resistance had come a long way – from a few isolated groups of men, it grew into a movement whose process of unification would span the entire year of 1943. The most important of these unifying movements were the MUR, the CNR, and soon the MLN. In 1944, despite a massive shortage of arms, the Resistance prepared itself for battle at the side of the Allies. Simultaneously, in Algiers, the Comité français de Libération nationale (French Committee of National Liberation) – presided over by General de Gaulle, henceforth known as the head of the Resistance – formed a provisional government of the French Republic and reached out to the divergent factions of French society.


Source: Serge Ravanel, L'esprit de la Résistance, Seuil publications, 1995.


Traduction : Matthias R. Maier


Auteur : Emmanuelle Benassi

Author: Emmanuelle Benassi