Message du commandant Legrand au capitaine Pons

Légende :

Dans le Vercors, après l'ordre de dispersion de la Résistance du 23 juillet 1944, le commandant donne de nouvelles directives au capitaine Paul Pons.

Genre : Image

Type : Note de la Résistance

Source : © Archives Albert Fié, fonds de la compagnie Pons Droits réservés

Détails techniques :

Écrit au crayon sur papier pelure ; dimensions : 13 x 13 cm.

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme

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Analyse média

Écriture et support du document témoignent des conditions dramatiques dans lesquelles il a été rédigé. Il est nécessaire de le transcrire :

Commandant Legrand à Capitaine Pons.

31/7/44 17h30

1/ Content d'avoir de vos nouvelles et de savoir que votre Cie se regroupe et se reconstitue.
Tenez moi au courant de l'activité de votre groupe franc.
2/ Je vous communique les consignes données par Bayard pour faire face à cette nouvelle situation temporaire. Éviter toute concentration. Fluidité et mobilité extrêmes. Sonner l'ennemi à bout portant. Décrocher en se portant sur ses arrières et sur ses flancs et non en arrière ce qui amène des rassemblements catastrophiques.
3/ Très urgent – qu'avez vous comme essence ? Je vous demande de me fournir 50 litres pour les battages car nous n'avons plus de farine.
4/ Avez vs pris liaison avec Perrin qui patrouille entre le col de la Croix et les hauteurs de Vachères. Vous prolongeriez ses patrouilles au dessus de Ste Croix et Pontaix.

PO Xavier


Comme tous les messages de ce type, celui-ci est daté et l'heure de son écriture est précisée. On peut penser qu'il a été porté à son destinataire par une estafette à pied, voire à vélo mais sûrement pas en utilisant un véhicule à moteur. Le message est signé pour ordre par Xavier pseudonyme de Lucien Fraisse, chef d'état-major de Legrand.

Le document est riche en renseignements sur la situation du Vercors et de ses abords à la fin du mois de juillet 1944. Legrand, pseudonyme de Jean-Pierre de Lassus Saint-Geniès, chef départemental des FFI reprend contact avec le capitaine Paul Pons chef de compagnie agissant dans la région de Crest, sur le flanc sud du Vercors. Il témoigne de sa satisfaction de retrouver Paul Pons qui a regroupé sa compagnie. Legrand transmet les ordres de Bayard, pseudonyme de Marcel Descour, chef de la région R1. La tactique est celle de la guérilla : harceler et décrocher. Plus surprenante mais révélatrice, est la demande d'essence non pour faire circuler voiture ou camion mais pour faire tourner des tracteurs actionnant des batteuses afin de fournir de la farine et ravitailler les maquisards mais aussi les civils. Pour terminer, Legrand demande à Paul Pons de prendre contact et d'agir de concert avec une autre compagnie qui se trouve dans le secteur de la vallée de Quint.


Auteur : Alain Coustaury

Contexte historique

L'attaque générale allemande contre la Résistance du Vercors a débuté le 21 juillet 1944. Débordés, les Résistants inférieurs en nombre, peu entraînés, manquant d'armes adéquates, reçoivent, le 23 juillet, l'ordre de se disperser et de trouver refuge dans les profondeurs des forêts. Le ratissage du massif continue, le 27 juillet l'anéantissement de l'hôpital temporaire de la grotte de la Luire traduit la dureté des combats et de la répression.

Quatre jours après ces dramatiques événements, Legrand essaie de rameuter ses troupes, de reprendre contact avec des unités qui ont éclaté sous les coups d'ennemis entraînés et supérieurement armés, disposant d'une puissante artillerie et soutenus par une aviation basée à quelques kilomètres des lieux de combats. Face à cette situation, de nouvelles consignes sont données. Reconnaissant implicitement l'échec de la tactique employée jusqu'alors, affronter directement l'ennemi, Legrand transmet les consignes du chef régional de la Résistance, Marcel Descour. Deux mots résument la guérilla : fluidité et mobilité. Ils sont à l'opposé de ce qui avait été mis en place dans et autour du Vercors. Sonner et décrocher, deux verbes définissant parfaitement l'action de guérilla. Attaquer les flancs et les arrières de l'ennemi évitera une riposte désastreuse. Désorganisées, dispersées par l'attaque allemande, les compagnies essaient de reprendre contact entre elles, de regrouper leurs hommes et de mener des actions communes. C'est ce que demande Legrand à Pons, retrouver la compagnie Perrin qui patrouille vers Sainte-Croix et Vachères-en-Quint, mener des patrouilles autour de Pontaix. Legrand essaie de relancer Pons et les autres dans des actions limitées mais qui permettent de donner une activité et d'éviter la démoralisation d'hommes qui viennent de subir des combats violents et qui ont perdu de nombreux camarades.

La tragique situation militaire de la Résistance est aggravée par la pénurie alimentaire. On manque de tout, de pain en particulier. La demande en essence montre que les moteurs devant actionner les batteuses n'ont plus de carburant. Cette question des battages revient plusieurs fois dans les messages des chefs de la Résistance durant le mois de juillet 1944. La pénurie en blé touche tout le département de la Drôme et il est vital que tout soit fait pour que les batteuses entrent en action, fournissent le blé qui sert à faire le pain, aliment de base.

Ce court message traduit parfaitement la situation de la Résistance dans la Drôme à la fin du mois de juillet 1944. Il sous-entend également que l'alimentation de la population est insuffisante et que règne une grande pénurie.


Auteur : Alain Coustaury