"Jetz awer nüss !" ("Et maintenant dehors" !)

Légende :

Affichette réalisée par Hansi et édité à Colmar 1945 représentant la grande balayeuse anglo-franco-américaine chassant les Allemands de l'Alsace.

Genre : Image

Type : Affiche

Source : © Collection privée Droits réservés

Détails techniques :

Affiche en couleurs. 
Dimensions : 36,5 cm x 27 cm

Date document : Mai 1945

Lieu : France - Grand Est (Alsace)

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Analyse média

L'affiche présentée ici comprte trois parties distinctes.

En haut à droite le titre "Jetz awer nüss !" ("Et maintenant dehors" !) sur fond triclore.
A gauche du titre, une affiche barrée portant l'inscription "Hinaus mit dem welschen Plunder" ("Dehors avec ce "bric-à-brac"). Cette affiche avait été placardée par les autorités nazies dans les rues de Strasbourg en 1940 en vue de la germanisation de l'Alsace. Elle représente un balai chassant les symboles de la France (coq, buste de Marianne, képi, clairon, béret, Tour Eiffel) et de l'Alsace, évoquée par un livre de Hansi et l'ombre de la cathédrale de Strasbourg. 

La partie principale de l'affiche dessinée par Hansi fait écho à celle publiée en juin 1940. Elle représente un rouleau de balayeuse monté sur un blindé français sur lequel est inscrit la devise de la république "Liberté - égalité - fraternité". Nombreux sont les symboles repris sur cette affiche. Debout sur le blindé figure un FFI au garde-à-vous, et un soldat qui pourrait être un militaire allié. Deux enfants en costumes traditionnels alsaciens sont assis à l'avant du char. Le coq gaulois est perché sur le fût du canon tandis que flottent à ses côtés les drapeaux anglais, américain et français avec la croix de Lorraine.

La blayeuse écrase sur son passage toute la symbolique nazie : l'aigle nazi laissant échapper sa croix gammée lors de sa fuite, une casquette d'officier SS, l'autobiographie d'hitler Mein Kampf, reflet de l'idéologie nazie, le journal nazi édité en Alsace Mülhauser Tagblatt...
Elle fait également fuir les occupants : un officier de la Gestapo, une jeune fille du BDM (Bund Deutscher Mädel, Ligue des filles allemandes, branche féminine des Jeunesses hitlériennes), ou encore un bourreau avec sa hache et son billot ensanglantés.

Au fond se dégage la silhouette de la cathédrale de Strasbourg sur laquelle a été hissé un drpeau tricolore.



Auteur : Fabrice Bourrée

Contexte historique

La Libération de l’Alsace commence dès le 2 mars 1941 avec le serment de Koufra (Lybie) tenu par le général Leclerc et ses hommes : « Jurez de ne déposer les armes que lorsque nos couleurs, nos belles couleurs, flotteront à nouveau sur la cathédrale de Strasbourg ».

Dans la réalité, il faut attendre septembre 1944 pour que les Nazis prennent des mesures afin de contrer l’offensive alliée qui s’essouffle depuis les plages de Normandie et de Provence. Les Alsaciens, qui n’ont pas été incorporés de force, sont envoyés dans les unités Flak (anti-aérien) pour les plus jeunes ou sont chargés de creuser des fossés anti-chars pour les plus âgés. L’Alsace revête une importance cruciale pour les Nazis car il s’agit, pour eux, du territoire du Reich, qui est pour la première fois, directement menacé. Dans le même temps, le 25 septembre 1944, Hitler décrète la levée en masse du peuple allemand, désormais tout homme âgé de 16 à 60 ans est mobilisable au sein des bataillons de Volksturm. En Alsace, cette directive, introduite le 22 octobre 1944, n’aura pas l’effet escompté et mobilisera, sous la contrainte, très peu d’Alsaciens.

Dans le domaine militaire, Heinrich Himmler, nommé à la tête d’un groupe d’armées en Alsace, est chargé de stopper l’avance alliée avec la barrière naturelle des Vosges. Il déploie de gros moyens, notamment des unités SS, pour arrêter la progression des Alliés. Dans le sud, par la trouée de Belfort, la 1ère armée française, commandée par le général de Lattre de Tassigny effectue une percée historique. Le 19 novembre 1944, Seppois-le-Bas est le premier village français libéré avant que le même jour, le char du lieutenant de Loisy atteigne le Rhin à Rosenau (Haut-Rhin). L’exploit est retentissant et les Allemands tentent à tout prix de percer les lignes très étendues des unités françaises. Mais, ils se heurtent à une résistance acharnée menée par les Forces françaises de l’intérieur d’Alsace (FFIA), à la Brigade indépendante d’Alsace-Lorraine ainsi qu’à diverses autres unités. Et deux jours plus tard, le 21 novembre 1944, Mulhouse est libérée. Néanmoins la défense allemande se raidit autour de Colmar.

Dans le même temps, la 2ème division blindée du général Leclerc, appartenant à la 7ème armée américaine, se trouve devant les Vosges où les Allemands ont soigneusement bloqué les cols. Mais bien aidés et surtout bien renseignés par la Résistance locale, notamment par les résistants du Groupe mobile Alsace (GMA) Vosges, les chars empruntent les chemins forestiers du col du Dabo et prennent à revers les défenses allemandes concentrés surtout à proximité du col de Saverne. Cette dernière ville est prise par surprise le 21 novembre 1944. C’est alors que le général Leclerc lance un raid éclair sur Strasbourg. Le but est de s’emparer de la ville mais également de prendre le pont de Kehl (Allemagne) et ainsi installer une tête de pont sur le Rhin. Si le premier objectif est atteint le 23 au matin après le lancement du fameux message « Tissu est dans iode », c’est-à-dire Rouvillois est dans Strasbourg, le deuxième se heurte à une défense acharnée des Allemands. Le char « Cherbourg » du Marchal des Logis Albert Zimmer est touché de plein fouet par un projectile anti-char et ce dernier est tué sur place. Grâce au résistant, Robert Kleffer, chef des FFI de La Wantzenau, une grosse partie de la garnison allemande ne peut franchir le Rhin et se réfugie au Fort Ney où le général Vaterrodt se rend deux jours plus tard.

Mais, si la Libération des deux villes, Strasbourg et Mulhouse, est une réussite, les Allemands s’accrochent autour de la poche de Colmar et dans le nord de l’Alsace. Mieux, le 31 décembre 1944, ils contre-attaquent dans le cadre de l’opération « Nordwind » et emploient de gros moyens afin de réoccuper la capitale alsacienne. Les Américains, pris par une autre offensive allemande dans les Ardennes, prennent la décision de se replier sur la crête des Vosges. Très rapidement, les FFI alsaciens et les unités françaises décident de ne pas se replier et de défendre le terrain conquis par tous les moyens. Soutenu par le général de Gaulle, le général de Lattre de Tassigny étend dangereusement ses unités afin de couvrir l’ensemble du territoire alsacien libéré. Les combats font rage dans le nord, à Kilstett (Bas-Rhin) notamment où le 3ème Régiment de Tirailleurs Algériens RTA) et les unités FFIA se distinguent particulièrement et dans le sud, à proximité de Gambsheim (Bas-Rhin) où la 1ère division française libre (DFL) se défend avec acharnement. Devant une telle Résistance, les Allemands lâchent prise et le retour des Américains, après l’échec de l’offensive des Ardennes, coïncide avec l’offensive de la 1ère armée française le 20 janvier 1945 visant à réduire la poche de Colmar. Le 2 février 1945, la 5ème division blindée libère cette dernière ville. Le département du Haut-Rhin est définitivement libéré. Entretemps, les Nazis opèrent leur dernière grande rafle dans le secteur et le 2 février 1945, 67 Alsaciennes et Alsaciens sont déportés de Rouffach (Haut-Rhin) à Fribourg-en-Brisgau (Allemagne) avant d’être internés dans des camps de concentration.

A partir du 15 mars 1945, les Américains lancent leur offensive dans le nord de l’Alsace et quatre jours plus tard, le département du Bas-Rhin est complétement libéré. Le 31 mars, c’est le 3ème RTA, qui franchit le Rhin à proximité de Speyer (Allemagne) et lance l’offensive de la 1ère armée française en Allemagne.

Après près de cinq mois de combat, l’Alsace est exsangue, les combats de la poche de Colmar ont été particulièrement meurtriers et de nombreux civils l’ont payé de leur vie. Le village d’Ammerschwihr (Haut-Rhin) par exemple, a été détruit en grande partie. Mais, le serment de Koufra a été tenu et l’Alsace va pouvoir se concentrer sur la reconstruction et le retour à la République. 


Eric Le Normand
Chargé d’études pour la Fondation de la Résistance et l’AERIA