Jedburghs (Jed) en tenue de combat

Genre : Image

Type : Portrait

Producteur : Inconnu

Source : © National Archives. Public record Office, declassified NND 843091 Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique en noir et blanc.

Date document : 1944

Lieu : Angleterre

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Analyse média

La photo montre trois tenues de combat différentes. Le radio américain Lewis GODDARD [à gauche] porte la « denison smoke » vareuse anglaise et des accessoires états-uniens ; Le team leader (chef de mission) britannique capitaine John H COX a enfilé sur la « denison », le jump suit d'où sort le canon de la carabine USM1A1. Enfin, le lieutenant français Robert Colin, alias Yves Marie DANTEC, porte sur tout cela le parachute type X ainsi que le casque de parachutiste anglais.

La scène se passe le 6 août 1944 au soir sur le terrain d'aviation anglais d'Harrington qui est une base américaine de la 8th Air Force. Le team (équipe) IVOR va monter dans un « Liberator » et sauter dans les premières heures du 7 août sur le DZ "Paris" près de Beddes dans le Cher.


Auteurs : Bertrand Souquet de l’Association des anciens Jedburghs.

Contexte historique

Deux équipes Jedburghs semblables, parties de l'aérodrôme de Blida à coté d'Alger, sont parachutées dans le nord de la Drôme : les missions Veganin et Dodge.

Commandée par le Major britannique Neil Marten, la mission Veganin comprend le capitaine Gaston Claude Vuchot (« Noir ») et le sergent radio britannique Denis Gardener qui se tue lors du parachutage, le 9 juin 1944 à 2 h 15, sur le terrain « Tanit » entre Sonnay et Beaurepaire. Le parachutage s’effectue mal : l’altitude de largage comprise entre 600 à 700 mètres entraîne une large dispersion sur le terrain, plusieurs containers ne sont pas retrouvés et, comble de malchance, les deux colis radio sont retrouvés très endommagés, les quartz de préréglage des fréquences brisés.

La mission assignée à l’équipe Veganin consiste, principalement, à harceler au maximum les communications allemandes sur la rive gauche du Rhône (RN 7 et lignes de chemin de fer de Lyon à Marseille) et, éventuellement, le long des lignes de chemin de fer de Lyon à Grenoble et de Grenoble à Valence, puis, à déclencher des actions de guérilla entre Valence et Vienne. Première en date des missions « Jedburgh » pour la Drôme, Véganine va bientôt faire parler d’elle en raison de l’efficacité de Vuchot qui articule son plan de commandement en retenant quatre objectifs à atteindre : inculquer le sens de la discipline dans les maquis, leur donner l’instruction de base et l’entraînement collectif, commander au quotidien en se déchargeant des détails de service sur seulement deux chefs, l’un AS, l’autre FTP pour qu’il puisse mieux se consacrer au renseignement et aux opérations et, enfin, conduire ses compagnies au combat. La mission Dodge est la deuxième mission Jedburgh chargée d'action contre les voies de communication de la vallée du Rhône. En réalité, cette action va consister essentiellement à renforcer l’équipe Veganin très vite réduite au seul commandant « Noir ». Composée du Major américain Cyrus E. Manniere Jr. et du sergent radio canadien Roger Durocher, disposant de deux postes radios, la mission Dodge est larguée le 24 juin 1944 sur le terrain Tanit près de Beaurepaire.

La décision est prise le 26 juin quand Manniere et Durocher se rendent avec Vuchot à une réunion de commandement à La Chapelle-en-Vercors à laquelle assistent Huet « Hervieux », Drouot « L’Hermine », Cammaerts « Roger » et le Major Marten. Le colonel Zeller « Joseph » préside. Après avoir entendu Vuchot s’insurger contre le fait qu’un éloignement envisagé de son dispositif de la vallée du Rhône serait contraire à sa mission, puis Hervieux et Roger argumenter fermement et avec persuasion en affirmant la priorité du renforcement de la forteresse Vercors aux yeux des Alliés, « Joseph » décide le rattachement de Manniere à l’équipe Veganin, Manniere devenant l’adjoint de Vuchot, et l’affectation temporaire au Vercors du sergent radio Durocher avec ses deux postes radios, les liaisons radio de Veganin devant être assurées par Berruyer agent du Major Roger à Beaurepaire. En fin de la réunion, Marten annonce son départ pour Alger.

Vuchot et le Major Manniere, forment alors un binôme soudé et bien secondé par Marcel Desgranges l’officier de renseignement de Noir. Ils se répartissent les tâches de commandement. Vuchot parcourt vêtu en civil, nuit et jour, tout le territoire de la Drôme pour y contacter les chefs de maquis et solliciter leur coopération en les tentant, le cas échéant, par des offres d’équipements et d’argent. Déçu par le peu d’enthousiasme observé en Drôme, il décide de recruter en Isère et dans le Rhône. À cet effet, il se fait recommander par le commandant Faure, Berruyer à Beaurepaire et le chef des Français libres à Lyon. Grâce à ces appuis, il prend contact avec des officiers d’active ou de réserve ainsi qu’avec des sous-officiers pour les inciter à le rejoindre mais, hélas, peu nombreux sont ceux qui acceptent de le suivre : seulement deux officiers de l’armée régulière et quelques sous-officiers.

Pendant que Vuchot s’efforce de recruter des cadres d’active et de réserve, Manniere visite périodiquement les maquis AS et le maquis FTP en partageant gîte et couverts. Chaque visite s’articule sur trois jours : un jour et demi d’instruction sur l’armement et les explosifs disponibles dans le maquis visité, un jour et demi pour les tirs et les procédés de combat sur le terrain. La dernière heure est utilisée à inventorier les équipements mis à disposition. Ces visites font suite à la formation initiale donnée au PC et que les sections ont reçue à tour de rôle, semaine après semaine. Elles sont en outre très utiles pour s’assurer de la cohésion des compagnies auxquelles Vuchot tient à donner le plus d’indépendance possible. Chaque compagnie devant être en mesure de s’esquiver rapidement en cas d’attaque par surprise. Selon Richter : « Il n'y a pas dans tout le maquis figure plus aimée et plus obéie. C'est qu'il a tout ce qu'il faut pour plaire à ces maquisards qui, hier encore, allaient à l'école. Il est gosse comme eux. Il est venu leur apprendre à se servir des nouveaux explosifs et sa plus grande joie est de faire du bruit. Si le Commandant Noir le laissait faire, il ferait détonner toutes les cinq minutes. Le Commandant Noir, déclare-t-il, n'aime pas le bruit, tant pis ». Cavalier de formation aux USA, jugé trop maladroit pour devenir pilote d’avion Manniere est devenu un parachutiste expert dans la mise en œuvre des explosifs.

Au cours de la période comprise entre Overlord et Dragoon, les actions en Drôme Nord sont menées en privilégiant l’instruction des hommes et celle de leurs chefs. Les attaques visent les installations électriques : celle de la centrale de Beaumont-Monteux, minutieusement préparée avec l’aide du contremaître Paul Dubois et l’expert Manniere, est un succès, celle de Pizançon échoue en partie. Les attaques contre des véhicules ennemis circulant sur les routes sont menées par des petites équipes de 5 à 6 hommes qui s’approchent en voiture le plus près possible des lieux choisis pour tendre les embuscades qui réussissent le plus souvent. Les plus grosses pertes sont enregistrées le 13 juillet quand la Milice surprend un véhicule : les maquisards déplorent deux tués, trois blessés dont un gravement et un prisonnier. Les Allemands durcissent de plus en plus la garde des voies ferrées en plaçant des hommes tous les 200 mètres, en coupant les arbres en bordure des voies, en multipliant les patrouilles le long et à distance de celles-ci, en augmentant l’éclairage et en renforçant la puissance de feu de leur armement. La plus grosse action de guérilla se déroule le 5 août quand quatre convois allemands font mouvement en direction de Beaurepaire pour encercler la localité : le premier sur la route de Romans-sur-Isère à Hauterives, le second entre Saint-Sorlin-en-Valloire et Lens-Lestang, le troisième sur la D1 à Anneyron et le quatrième venant du nord par la route de Jarcieu. Capturé par des miliciens Manniere est transféré à Lyon comme prisonnier de guerre. Ainsi s’achève la mission Dodge.

En dépit des obstacles et des nombreuses difficultés qu’il rencontre dans l’exercice de son commandement, Vuchot réussit la mission assignée à l’équipe Veganin. L’effectif total de ses maquis passe, en douze semaines, de 200 à plus de 650 hommes qui causent à l’ennemi les pertes de plusieurs centaines de tués et 300 prisonniers. Certes, il lui eût été possible de faire beaucoup mieux en dernière semaine d’août 1944. Mais à la condition que le commandement local lui accordât des renforts pour combattre l’ennemi dans l’étroit couloir entre Tain-L’Hermitage et Saint-Vallier. Hélas, la priorité était ailleurs : il fallait prendre Romans et Valence.


Auteurs : Pierre Balliot
Sources : Report on Jeds Teams Veganin and Dodge. Association des anciens Jedburghs. Pour l’amour de la France, Fédération des unités combattantes de la Résistance et des FFI de la Drôme. Valence -Peuple Libre 1989. Drôme Nord, terre d’asile et de révolte. Valence-Peuple Libre 1993. Troupes de Montagne n°12, page 20. De Richter, pages 196-197. Étude de Bertrand Souquet publiée dans le bulletin n°191 de Symboles & Traditions.