Ascq : les lieux du massacre

Légende :

À la suite d'un modeste attentat contre un convoi militaire aux abords de la gare d'Ascq dans la nuit du 1er au 2 avril 1944, la répression des SS est d’une violence extrême et quatre-vingt-six civils innocents sont fusillés.

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © SHD - Photothèque du Comité d'Histoire de la Deuxième Guerre Mondiale Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc

Date document : 2 avril 1944

Lieu : France - Hauts-de-France (Nord - Pas-de-Calais) - Nord - Ascq

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Contexte historique

Dans la nuit du 1er au 2 avril 1944, les SS du bataillon blindé de reconnaissance de la 12e SS-Panzer-Division « Hitlerjugend » qui se trouvent dans un convoi en provenance de Bruxelles à destination de la Normandie, massacrent 86 civils de la commune d’Ascq, petite commune de 3 500 habitants située à sept kilomètres à l’est de Lille. Ce massacre intervient à la suite d’un acte de sabotage sur la voie ferrée, perpétré par des cheminots- résistants du « groupe d’Ascq », du mouvement Voix du Nord, sabotage qui visait en réalité un train de marchandises. En effet, ce type de sabotages ciblés est effectué pour éviter trop de bombardements alliés qui visent les grands axes ferroviaires et les gares de triage ce qui, début avril 1944, a déjà provoqué de nombreux morts dans la population du Nord-Pas de Calais. Le premier convoi de la « Hitlerjugend », dont les plus jeunes soldats se sont engagés à l’âge de dix sept ans voire même de seize ans et demi, s’est intercalé entre l’express Bruxelles-Lille et le train de marchandises, ce que ne pouvait pas savoir le groupe de résistants. Les explosifs posés sur l’aiguillage, près du passage à niveau, ne font que légèrement dérailler la locomotive et les deux premiers wagons seulement chargés de matériel militaire. Aucun blessé n’est à déplorer parmi les SS…

Cependant la population de ce petit bourg, jusque-là sans histoire, se trouve brutalement confrontée à la guerre totale menée par les nazis : la rafle commence à 23 h 15 et va durer pendant deux heures : sur les ordres du chef de convoi, le lieutenant Walter Hauck qui applique les ordres de représailles collectives donnés par le commandant de la division, quatre commandos sillonnent les rues de part et d’autre du passage à niveau, défoncent les portes, emmènent, dans un premier temps, des hommes et des femmes de tout âge. Beaucoup sont roués de coup, dix hommes sont abattus dans le bourg dont le curé et le vicaire qui tentaient de s’interposer. Soixante-dix hommes de quinze à soixante-quinze ans sont amenés, par pelotons successifs, le long de la voie ferrée, abattus à la mitrailleuse et achevés d’une balle dans la tête. Le massacre s’arrête à 1h 15 le matin du 2 avril, dimanche des Rameaux, grâce à l’intervention de la Feldgendarmerie de Lille, prévenue grâce aux appels au secours répétés du facteur enregistrant de la gare d’Ascq. 45 hommes du dernier peloton échappent de justesse au massacre.

Le bilan est terrible : 86 morts, 11 blessés dont certains impotents, 75 veuves et 127 orphelins. Dénoncés, les résistants d'Ascq auteurs du sabotage sont arrêtés quelques semaines plus tard, jugés par un tribunal allemand et exécutés au fort de Seclin le 7 juin 1944 dans ce qui sera appelé la fusillade du Fort de Seclin.

Au lendemain du massacre, les autorités allemandes expliqueront que des coups de feu ont été tirés en direction de leur train, et invoqueront cette raison pour légitimer leur riposte. Les travailleurs de la région, quant à eux, sont mis au courant malgré la censure allemande : ils se mettent en grève et viennent apporter leur soutien à la population meurtrie du village. A Lille, on recense 60 000 grévistes, ce qui représente l’une des plus importantes mobilisations françaises de la Seconde guerre. Les funérailles, le 5 avril, attire une foule considérable. 

Le 12 mai 1944, à la BBC, Maurice Schumann appelle la SNCF à « venger les morts d'Ascq ». Le journal publié par l'Office d'information de guerre du gouvernement des États-Unis, L'Amérique en guerre, relate le massacre d'Ascq dans son édition du 19 avril 1944. De nombreux journaux inofficiels évoquent également la tuerie.

En 1949, neuf des anciens membres de la division « Hitlerjugend » sont jugés à Lille dont le lieutenant Hauck. En vertu de la loi votée en 1948, dite « Loi Ascq-Oradour », (loi qui fait d’un membre quelconque de la division incriminée un responsable des exactions commises par ses compagnons) huit sont condamnés à mort dont Walter Hauck, le seul à avoir été reconnu par les témoins. Mais, à la suite de l’amnistie des SS alsaciens de la division « Das Reich », responsable du massacre d’Oradour, Walter Hauck et les autres condamnés sont amnistiés en 1955 par le président de la République, Monsieur René Coty. Walter Hauck est libéré en 1957 à la suite de remises de peine successives.




Jacqueline Duhem, Ascq 1944. Un massacre dans le Nord. Une affaire franco-allemande, éd. "Les Lumières de Lille", 2014
Site internet du Cercle d'études de la déportation et de la Shoah
Site internet "Mémoires d'Ascq"