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Midi-Soir, 21 septembre 1944

Légende :

Midi-Soir, édition du soir de La Marseillaise, 21 septembre 1944

Genre : Image

Type : Journal

Source : © Collection Jean-Paul Chiny Droits réservés

Détails techniques :

Documents imprimés sur papier journal. Voir recto, verso et album lié.

Date document : 21 septembre 1944

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille

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Analyse média

Les journaux du 21 septembre 1944 – jour des funérailles nationales des victimes découvertes dans le charnier de Signes – et des jours suivant cette date, contiennent évidemment des articles consacrés à cette cérémonie qui a lieu à 9 heures, au cimetière Saint-Pierre de Marseille. Ceux-ci sont accompagnés de photos montrant soit la cérémonie, soit le charnier, soit encore le visage d'un martyr.
La mention des personnalités officielles présentes aux funérailles – parmi lesquelles : Raymond Aubrac, commissaire régional de la République ; Henri Gennatas, chef du cabinet de ce dernier ; Flavien Veyren, préfet des Bouches-du-Rhône ; Pierre Massenet, préfet délégué ; le colonel Huitton, chef régional des FFI ; Francis Leenhardt (Lionel, dans le texte), vice-président du C.D.L. ; Jean Cristofol, député de Marseille ; Gaston Defferre, président de la délégation municipale ; des représentants de délégations de diverses armées alliées, de la Défense Passive de la gendarmerie, de la police de Marseille ; des représentants des trois cultes : catholique, protestant, israélite.… – revêt ici une importance émotionnelle d'autant plus grande qu'il s'agit de personnalités ayant participé, la plupart du temps, activement à la Résistance, avec tous les risques encourus liés à cet engagement.
Aux services religieux succèdent les allocutions – dans l'ordre – du colonel Huitton, de Raymond Aubrac et de Francis Leenhardt, reproduites de façon plus ou moins complète par les différents journaux. Il convient de remarquer que les articles rapportant ces funérailles dépassent le simple exercice journalistique du compte rendu de cérémonie, puisqu'ils font mention de l'avancement des recherches dans l'identification des corps des suppliciés : à la date des funérailles, trente corps sur trente-huit exhumés des fosses ont été identifiés, dont cinq la veille de la cérémonie. Ces nouvelles identifications amènent donc les journaux à citer les noms des martyrs, en faisant part de leur identité et de leur fonction dans la vie civile et dans la Résistance. La relation entre la difficulté d'identification des corps et le cortège de sévices que les suppliciés ont dû subir jusqu'à leur ultime instant est rendue explicite par les détails donnés, par exemple, par Monsieur Richemont (de son vrai nom, le commandant Henri Gennatas, cité précédemment), chef du cabinet du commissaire régional, dans son allocution faite à la radio le 20 septembre, veille des funérailles, dont Rouge-Midi rapporte des extraits.

Pour sa part, Le Provençal paru le même jour rend compte d'une allocution prononcée elle aussi la veille par Max Juvénal, chef régional du Mouvement de Libération Nationale, au micro de Radio-France de Marseille. Dans celle-ci, il souligne comment, au travers des victimes du charnier de Signes, ce sont toutes les composantes de la Résistance qui furent alors touchées : l'armée avec le capitaine Rossi, l'administration avec Sission [sic. pour Cisson], la presse avec Chabanon, et les futures assemblées avec Martin-Bret.

Les funérailles nationales à Marseille sont suivies, ainsi que le rapporte La Liberté des Basses-Alpes du 30 septembre, par d'autres obsèques, célébrées dans les communes liées aux lieux de Résistance des victimes : Saint-Maime pour Marcel André, Oraison pour Latil, Chaudon, Rossi et le docteur Daumas ; enfin, le 22 septembre à Manosque, pour Martin-Bret.
Les sévices endurés par les résistants à l'origine des funérailles de ce 21 septembre, ainsi que le soulignent les articles de presse, ne peuvent être séparés de tous les autres assassinats commis par les Allemands (appelés alors « boches » – appellation remontant à la guerre de 1870 – sans doute pour rappeler des comportements barbares inchangés depuis cette époque ; ce que dit explicitement Le Provençal du 19 septembre, en faisant référence à la guerre de 1914-1918 : « Ils n'ont pas changé. Ils sont demeurés les Boches de l'autre guerre, les Boches méprisés et haïs de tous les peuples qu'ils avaient passagèrement courbés sous leur joug ») et par leurs auxiliaires français. La nécessité de venger les martyrs apparaît ainsi comme le seul gage de fidélité à leur mémoire, ce que les journaux expriment de façon plus ou moins claire et explicite, selon leur tendance politique.

[voir ALBUM]


Alain Giacomi