Place Jean-Moulin, Bordeaux

Légende :

Place Jean-Moulin, Bordeaux

Genre : Image

Type : Nom de rue

Source : © Cliché : P. Brault Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique en couleur.

Date document : 2016

Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Gironde - Bordeaux

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Analyse média

Transcription :

« PLACE JEAN-MOULIN
(1899-1943)

Nom de code, Max.
Jean Moulin rejoignit de Gaulle à Londres,
coordonna l'action des mouvements qui luttaient contre l'occupant nazi,
devint président du premier Conseil National de la Résistance.
Il fut capturé à Caluire près de Lyon.
Torturé par la Gestapo, il ne parla pas.
Ses cendres sont au Panthéon depuis 1964.  »


Paulina Brault

Contexte historique

Jean Moulin est né le 20 juin 1899 à Béziers (Hérault). Fils de petits notables de Béziers, il connaît une enfance républicaine auprès d'un père dreyfusard, militant de la Ligue des droits de l'Homme, membre du Parti républicain radical et radical-socialiste, élu conseiller municipal et conseiller général avant 1914. Tout en préparant sa licence en droit, Moulin entame à dix-huit ans une carrière dans les services préfectoraux. Nommé préfet en 1937, il est marqué politiquement par ses passages répétés au cabinet de Pierre Cot, ministre de l'Air en 1933-1934 et 1936-1938. Membre du mouvement "Jeune-Turc" du Parti radical, Cot est violemment attaqué par la droite au moment du Front populaire pour avoir fait livrer des avions à l'Espagne républicaine. Moulin n'a pas été un antimunichois de la première heure. En revanche, en mars 1939, dès avant l'invasion de la Tchécoslovaquie, le préfet de Chartres qu'il est devenu prononce avec émotion un hommage appuyé aux principes de la démocratie libérale.
Jusqu'en juin 1940, l'itinéraire de Jean Moulin est celui d'un jeune homme ambitieux qui réussit dans la carrière préfectorale. Un discret engagement à gauche n'a pas été pour le desservir. Rien ne le distingue particulièrement, sinon ses dons de caricaturiste et sa fréquentation des milieux artistiques et littéraires parisiens. Comme pour beaucoup d'autres, ce sont les événements de 1940 qui le hissent hors des sentiers. Dans la débâcle de juin 1940, après s'être débattu avec quelques volontaires pour assurer la continuité du service public à Chartres, il doit affronter des officiers de la Wehrmacht qui le brutalisent pour lui faire signer un "protocole" d'inspiration nazie diffamant l'armée française. Le 17 juin, il préfère s'entailler la gorge plutôt que de risquer le déshonneur. Le 2 novembre suivant, il est révoqué par le gouvernement de Vichy.

Jusqu'à son arrestation en 1943, Moulin vit sous une double identité. Dans le Midi, sa région natale, il conserve son véritable nom, ce qui lui permet de donner le change. Ailleurs, il se sert de fausses identités. S'il a quitté Chartres avec une fausse carte au nom de Joseph-Jean Mercier, geste qui montre ses intentions subversives, les modalités de l'action à entreprendre n'étaient pas encore claires dans son esprit. Il prit la décision atypique de ne pas participer aux mouvements de résistance qu'il contacta en zone Sud (Libération nationale et Liberté qui vont fusionner pour former Combat, et Libération), de ne pas fonder lui-même un mouvement ou un réseau, mais de dresser l'état des forces résistantes pour en informer Londres et la France libre, afin qu'ils leur viennent en aide. Il est très possible qu'il ait tiré là les leçons de l'échec des Républicains espagnols. L'expérience directe qu'il avait eue au cabinet de Cot de l'insuffisance de l'aide aux Républicains, et peut-être aussi de la nocivité des divisions internes à ce camp, ont pu fonder son choix de "transmettre un SOS" solidement documenté. De là à se voir proposer de diriger sur le terrain la répartition de l'aide et la fédération des forces, il n'y avait pas loin.
Arrivé à Londres en octobre 1941, Moulin y rencontre de Gaulle. Le 2 janvier suivant, il est parachuté en Provence, avec un ordre de mission le nommant délégué du chef de la France libre et du Comité national français en zone Sud. La "mission Rex" consiste en trois points : développer la propagande ; centraliser l'action résistante paramilitaire sous l'autorité du Comité national ; et réaliser "l'unité d'action de tous les éléments qui résistent à l'ennemi et à ses collaborateurs". Doté d'un poste émetteur-récepteur et d'un modeste budget, sans autre personnel qu'un radio, et sans autre autorité que celle que lui confère le prestige de de Gaulle, l'ex-préfet entreprend une tâche difficile faite de contacts, de discussions et de négociations clandestines. L'arrivée de Daniel Cordier, en juillet 1942, le soulage du travail de secrétariat. 

Le premier résultat obtenu par Moulin, la condition même de la reconnaissance de son autorité, fut la déclaration d'allégeance au général de Gaulle des trois principaux mouvements de zone Sud (Libération et Franc-Tireur en février 1942, et Combat en mars). Il mit aussi sur pied les trois premiers services de la Délégation générale : le BIP (Bureau d'information et de presse), le SOAM (Service des opérations aériennes et maritimes) et le CGE (Comité général d'études). Mais le plus difficile fut l'action en direction des mouvements. A l'automne, le passage à Londres des chefs de Combat et de Libération permit au Comité national de couronner les efforts de Rex : un protocole donna aux trois mouvements le monopole du recrutement en zone Sud, en échange de quoi ils se réunissaient dans un Comité de coordination présidé par Moulin, et séparaient l'activité paramilitaire de la propagande. Ils versaient leurs troupes dans une "Armée secrète unique" et le chef de l'AS ne serait pas un chef de mouvement. A un émiettement de mouvements succédait –au moins sur le papier- un organigramme centralisé et hiérarchisé au bénéfice de la France combattante. En janvier 1943, la fédération des trois mouvements prit le nom de MUR, "Mouvements unis de Résistance". Rex en présidait le comité directeur. Sa tâche, telle que définie à la fin de 1941, était remplie. 

L'invasion de la zone Sud le 11 novembre 1942 et la libération de l'Afrique du Nord par les Alliés donna à la question de l'unification de la Résistance une dimension et une urgence nouvelles. Par ailleurs, la certitude très répandue que le débarquement allié aurait lieu en 1943 accéléra les évolutions. Revenu à Londres en février-mars 1943, Moulin fut décoré par de Gaulle de la Croix de la Libération. Surtout, il fut chargé de nouvelles fonctions : nommé délégué de la France combattante pour les deux zones, il reçut en avril le rang de ministre avec le titre de commissaire national en mission. Sa mission consistait à mettre sur pied un "Conseil de la Résistance", et à poursuivre la formation de l'Armée secrète en l'étendant à la zone Nord. Convaincu depuis décembre 1942 de la nécessité de créer un Conseil de la Résistance qui démontre aux yeux des Alliés la représentativité et la légitimité de la France libre, Jean Moulin ne voyait d'autre moyen que d'y introduire des représentants des partis politiques traditionnels. Pour ce faire, il dut batailler contre les mouvements, qui, comme Combat, y étaient hostiles, mais aussi contre Pierre Brossolette, envoyé de la France libre en zone occupée en janvier-mars 1943. Ce dernier voulait que ce soit des "secteurs d'opinion" plutôt que "les anciens partis eux-mêmes", qui soient représentés au CNR. Ce redécoupage improvisé d'une opinion que l'on ne pouvait, de toute façon, consulter, aurait eu peu de chances d'être reconnu par les Alliés.

Le 21 juin 1943, en butte aux vives critiques des chefs de la Résistance qui lui reprochaient son autoritarisme et qui regrettaient la perte d'autonomie qu'entraînait pour eux le processus d'unification, traqué par la Gestapo et par Vichy, et, enfin, selon toute vraisemblance désigné à l'ennemi par les imprudences et les défaillances de militants de Combat, Moulin est arrêté. Identifié deux jours plus tard, il est torturé par Barbie à Lyon, puis transféré à Paris dans un état semi-comateux, dans une maison qui servait de prison, la "villa Boemelburg", du nom du chef de la Gestapo. Il meurt durant son transfert en Allemagne, le 8 juillet 1943. 

"Joseph Mercier", "Rex," "Régis" ou "Max" aura donc séjourné cinq fois à Paris sous l'Occupation : en novembre 1940, au lendemain de sa révocation et en avril 1941 pour chercher des contacts; en juillet 1942 pour prendre ou reprendre des contacts avec des organisations résistantes ; du 30 mars à la fin mai 1943 pour mettre sur pied le Conseil de la Résistance ; et du 28 juin au 8 juillet, en état d'agonie. Au total, deux mois et demi seulement en activité : en durée, le souvenir de Jean Moulin se rattache plus à la ville de Lyon qu'à celle de Paris. Pourtant, c'est à Paris qu'il créa le Conseil National de la Résistance, ville et institution de la Résistance dont le poids symbolique dans l'histoire nationale reste inégalé.

A l'échelle nationale, la mémoire de Jean Moulin est cependant restée dans l'ombre jusqu'à ce qu'en 1964 ses cendres supposées aient été transférées au Panthéon, lors d'une cérémonie grandiose présidée par le général de Gaulle et soulevée d'émotion par l'éloquence d'André Malraux. "Pauvre roi supplicié des ombres", Jean Moulin est entré dans la légende nationale comme le symbole de la Résistance d'un peuple. C'est sans doute cette élévation à la hauteur d'un mythe fondateur qui lui a valu par la suite d'être l'objet d'accusations aussi graves que fantaisistes comme celle d'avoir été un "krypto-communiste", en 1973, ou un agent du KGB, en 1993, ou encore un agent de l'OSS américain, en 1998.

Décorations :
Officier de la Légion d'honneur - décret du 1er octobre 1945, Compagnon de la Libération - décret du 17 octobre 1942 (sous le pseudonyme de "caporal Mercier"), Médaille militaire, Croix de guerre 1939-1945 avec palme - décret du 1er octobre 1945, Chevalier du Mérite agricole, Médaille commémorative de la guerre 1914-1918, Médaille Interalliée 1914-1918, dite "Médaille de la Victoire", Médaille commémorative de la guerre 1939-1945 avec barrettes France et Libération, Médaille de l'Éducation Physique, Médaille d'Honneur des Assurances sociales (ministère du Travail), Médaille de la Prévoyance Sociale, Médaille de l'Assistance (ministère de la Santé publique), Chevalier de l'Ordre de la Couronne d'Italie (1926), Ordre de Jade (Chine, 1938).


Claire Andrieu, « Jean Moulin », in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004.