Mémorial du Bataillon de l'Armagnac, Panjas (Gers)

Légende :

En 1954, un premier monument avait été édifié sur la place du village de Panjas en souvenir d’un rassemblement du Bataillon qui avait eu lieu en juin 1944. En 1965, un autre monument dédié aux morts du Bataillon de l’Armagnac, a été élevé à Panjas.

Genre : Image

Type : Monument

Source : © Cliché Fabrice Bourrée Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique en couleur

Date document : Août 2016

Lieu : France - Occitanie (Midi-Pyrénées) - Gers - Panjas

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Contexte historique

Le bataillon de guérilla de l'Armagnac, nom officiel donné par les MUR transformés en MLN au printemps 1944, est le maquis emblématique de la Résistance gersoise par sa puissante contribution à la libération du département et du Sud-Ouest de la France.

A l'issue de la réunion des responsables gersois de la Résistance, le nom de baptême des unités combattantes se calque, pour un temps, sur la géographie historique: Armagnac pour tout l'Ouest, Astarac pour le Sud, Lomagne pour le Nord et l'Est. Toutefois, la réalité départementale est celle d'une prééminence du mouvement Combat et de l'AS. Ce bataillon est donc une émanation d'une organisation mise en place antérieurement pour exercer au jour J « des actions de freinage sur les mouvements allemands » selon le capitaine Parisot avec lequel il s'identifie tant son autorité de chef est incontestée, jusqu'à  ce qu'il trouve la mort sur l'aéroport de Toulouse- Francazal, dans la nuit du 6 septembre 1944. Au cas où le débarquement en Normandie connaîtrait de graves difficultés, il s'agit aussi de protéger des terrains de parachutages ( opération « Calife ») dans le secteur de Castex d'Armagnac. D'où la localisation des premiers PC de ce bataillon.

Le groupement des combattants volontaires de ce maquis constituent l'ossature d'une formation dénommée par la suite «  demi-brigade Armagnac », du 12 septembre au 31 décembre 1944, puis « Régiment Parisot », du 1er janvier au 15 février 1945 et, enfin, 158e Régiment d'Infanterie ( 2e bataillon) jusqu'au 16 novembre 1945.

Ainsi rassemblés au soir du 7 juin 1944 à Panjas, les 570 hommes vont voir s'agréger à eux d'autres combattants dont toutes les actions et les noms sont connus par des « états » de personnels ou de rationnaires, un journal de marche, une comptabilité élémentaire etc, bref «  des archives hautement compromettantes » selon le commandant en second Henri Monnet qui, choisissant entre plusieurs inconvénients, avait choisi « l'ordre ».

Ce sont ces "sources" qui permettent de cerner le profil gascon de cette unité. Au 31 août 1944 les Gersois d'origine sont 36,4% parmi les maquisards et 41,4% pour l'encadrement ; par adjonction des originaires des départements limitrophes du Gers, ont obtient respectivement, 65,5% et 60,9%.

Origine géographique des maquisards du bataillon de l'Armagnac au 31 Août 1944.
Gersois d'origine : 507
Départements limitrophes : 405
Autres départements : 262
Réfugiés alsaciens-lorrains : 216
Etrangers : 102
Total : 1392

Constituée de façon classique en compagnies, le tableau suivant de cette unité éclaire l'implantation locale, délimite la zone d'influence du bataillon et permet de saisir la cohérence des petites unités composées de réfractaires au STO (37,2% des hommes sont nés entre 1920 et 1923) largement issus du Gers ou du Sud-Ouest.

N° Compagnie

Secteur géographique - canton ou communes rattachées

 

1

Cazaubon (dont Centre d'Accueil du Bégué) - Panjas- Ayzieu - Dému - Vic-Fezensac

 

2 et 6

Condom – Montréal – Valence- sur- Baïse + Gabarret (Landes)

 

3

Plaisance – Riscle – Aignan (Termes d'Armagnac)

 

4

Nogaro (Monguilhem) – Cazaubon (Centre ouest Estang) et Villeneuve de Marsan (zone limitrophe Gers)

 

5

Effectifs des cantons de Condom et de Montréal ayant d'abord rejoint le camp de Castelnau sur Auvignon.

 

7

Nogaro – Aignan( Lupiac) - Vic-Fezensac

 

8

Canton d'Eauze (Campagne d'Armagnac)

 

 
Le Bas-Armagnac gersois et landais, la Ténarèze, une partie de la Rivière-Basse dessinent les contours de la carte opérationnelle et du secteur de recrutement.

Les caractéristiques et traits originaux de ce maquis sont forts.

 La mobilité en milieu rural

Dans une région boisée, la connivence active des paysans a constitué l'indispensable protection d'une formation  numériquement fournie ( 1200 combattants à la veille de la libération d'Auch. Du 7 au 17 juin, le PC du bataillon est à Panjas.

Du 17 juin au 7 juillet, il se transporte à Maupas puis à Hontanx (Landes) du 7 au 16 juillet, avant de s'installer pour un mois à Averon-Bergelle et de là, engagé dans les combats pour la Libération, fait mouvement vers Auch et Toulouse sur ordre du  commandant régional FFI. L'articulation avec les sections sédentaires protège les communications mais l'ensemble de ses déplacements suppose une organisation des transports et une capacité élevée de ravitaillement. C'est en septembre 1943 que Maurice.Parisot commence à mettre sur pied un bataillon autour de quatre sections. Dans les campagnes gersoises les départs pour le STO du 17 mars et 21 juin accroissent l'inquiétude et rencontrent un vif mécontentement lié aux pénuries de chaussures et de vêtements de travail. La réalisation des contingents de denrées agricoles est de plus en plus difficile et les ordres de réquisition non exécutés sont nombreux.

En février 1944 «  des maisons sûres et des fermes amies » recelaient  700kg de sucre, 1,5 tonne de légumes secs; 500kg de pâtes alimentaires; 400l d'huile et matières grasses sans parler des bovins requis et des réserves de blé chez les producteurs, des balles de farine chez les minotiers et les boulangers ».

L'encadrement du bataillon de l'Armagnac

Sur un terrain balisé par les résistants de Combat ( Louis Dalès pour Nogaro) et le 2e Dragons, avec des recruteurs ayant effectué un travail préalable clandestin tels l'abbé Talès, des chefs de section locaux ayant autorité sur leurs hommes, l'encadrement est d'abord le fait de militaires de réserve. Sur 82 gradés que compte le bataillon à son apogée numérique, 9 officiers viennent de l'armée d'active, 27 de la réserve tandis que 13 sous- officiers d'active et  33 de réserve complètent l'effectif.

Autour du lorrain Maurice Parisot et d'Henri Monnet, son adjoint qui ont compétence sur les effectifs, la justice militaire et le renseignement, on trouve le capitaine Moreau chargé des liaisons et de l'instruction des recrues complété par Léon Messin. Léon Malandin, contrôleur du ravitaillement est en charge de l'intendance ; Abel Sempé, négociant en armagnac, supervise les transports tandis que les médecins Roger Labarbe, Jean Dupuy et le pharmacien Coupaye organisent le service de santé. Sans vouloir nier les inévitables difficultés de l'époque pour équiper, habiller des jeunes combattants, on peut néanmoins affirmer que ce bataillon offre une organisation complète à qui le capitaine Parisot et son état-major vont insufler confiance, discipline et détermination pour affronter les dangers de la guérilla ouverte.

A titre d'exemple, le bataillon de l'Armagnac est parvenu à surmonter une des pénuries gersoises les plus sévères des temps de restriction: celle des moyens de transport. Ainsi, le 21 juin lors du repli réussi du maquis qui vient de livrer combat à Castelnau- sur- Auvignon, ou le 19 août «  en une seule rotation, ...... soixante véhicules...purent transporter près d'un millier de combattants avec armes, munitions, bagages, par trois itinéraires de plus de cent kilomètres » avant de livrer combat à l'Isle-Jourdain. C'est l'ensemble qui explique le rayonnement du bataillon et son attractivité sur la zone à la rencontre de la mobilsation populaire en Armagnac. En témoigne l'évolution des effectifs présentée dans le tableau ci-dessous :

7 juin 1944 :

570 hommes

 

15 juin 1944 : 

965 hommes

 

15 juillet 1944 : 

1088 hommes

 

15 août  1944 : 

1345 hommes

 

31 août 1944 : 

1392 hommes

 


Armements et action

La montée au maquis aurait pu être plus forte encore à en croire Parisot qui, dans une décision du 10 juin 1944, «  regrette de ne pouvoir accepter les très nombreux concours qui lui sont constamment proposés ».

Si l'armement constitue une limite, l'originalité du bataillon de l'Armagnac parmi les autres formations est d'avoir été bien doté : les 160 mousquetons et 15 mitraillettes «  empruntés » à l'armée dissoute formaient un arsenal dérisoire. C'est la rencontre et la collaboration entre le colonel anglais Georges Starr(Hilaire) à la tête du réseau Weelwright et Parisot dans la ferme de « La Hitaire » à Eauze qui scelle des contacts antérieurs ( Théo Lévy - Poncelet ) et procure 8 terrains de parachutage et des armes ( 28 largages entre novembre1943 et mai 1944). S'il est difficile, en raison de la dispersion des camps et détachements et selon les dates, de dresser un état général, Henri Monnet parle fin juin 1944 de :  «  6 mittrailleuses lourdes, quelques petits mortiers, de 18 bazookas, de 90 fusils mitrailleurs et d'armes individuelles, fusils, mitraillettes, révolvers nécessaires à quelques 1500 combattants mis sur pied ».

L'action du bataillon est plus connue que son organisation. Avec son groupe franc, sa section anti-chars, le regroupement des effectifs du camp de Castelnau- sur- l'Auvignon, ses 8 compagnies dont celle des Landes(autour de Lubbon) et ses sections sédentaires, son « parc -autos », le bataillon constitue une unité combattante qui effectue la panoplie classique des actions d'un maquis mais engage aussi des attaques, effectue  des raids, participe à la libération du territoire.

Du journal de marche dont on trouvera des extraits en « Archives » nous extrayons le tableau suivant : 

13 juin

Capture de 8 soldats allemands à Ste Christie d'Armagnac

14 juin

Raid sur un dépôt d'essence allemand à Lucbardès ( Landes)

21 juin

Repli du maquis de Castelnau/l'Auvignon( 300  franco-espagnols environ)

3 juillet

Combat d'Estang

10 juillet

Liaison tardive avec le maquis de Meilhan

22 juillet

Intervention de la C_ie des Landes à Gueyze en appui au bataillon Néracais

26 juillet

Embuscade d'Aurensan

3 août

Embuscade à Maulichères «  Monplaisir »

12 et 13 août

Attaque de la garnison allemande et libération d'Aire- sur- Adour

19 et 20 août

Combats victorieux de L'Isle Jourdain

25 au 28 août

Incursions en Languedoc jusqu'à Narbonne et Pézenas


Du 12 Septembre à la fin de l'année 44, la demi brigade de l'Armagnac participe à la défense rapprochée de Bordeaux et à la réduction des poches allemandes de l'Atlantique, Pointe de Grave, Royan et La Rochelle dont il faut éviter la jonction. Au terme de durs combats, l'ex-régiment Parisot (devenu 158e RI à la mi-février 1945) parvient, avec d'autres formations, soutiens aériens et d'artillerie, à libérer la presqu'île d'Arvert et Royan le 18 avril 1945, puis l'île d'Oléron le 2 mai.

Sans dénombrer les blessés nombreux, le bataillon de l'Armagnac aura perdu vingt sept hommes,dont son chef, tandis que sur le front de l'Atlantique vingt trois autres meurent pour la France.


Jacques Fitan d'après P. Péré R4 n° 1 et n° 3, 9, 11 "Bataillon de guérilla demi-brigade de l'Armagnac - 1er Régiment du Gers". Septembre 1977 ; Mars 1978.