Exécution d'un homme dans le quartier des Quatre-Chemins, 3 septembre 1944

Légende :

Information des Renseignements Généraux de Marseille sur l'exécution d'un homme dans le quartier des Quatre-Chemins, 3 septembre 1944

Genre : Image

Type : Note des RG

Source : © AD Bouches-du-Rhône - 149 W 128 Droits réservés

Détails techniques :

Document dactylographié sur papier pelure.

Date document : 5 septembre 1944

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille

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Analyse média

Une information des Renseignements Généraux, en date du 5 septembre 1944, fait état de l'exécution d'un homme par un groupe de jeunes gens, le dimanche 3 septembre 1944 sur les bords du Jarret, qui traversait alors Marseille à ciel ouvert. Les exécuteurs, pas plus que la victime ne sont identifiés. La source est indirecte puisqu'elle est qualifiée de rumeur populaire.

Les Renseignements Généraux ont recueilli les réactions de la population du quartier des Quatre-Chemins à la suite de cette exécution. Comme dans de nombreux rapports des Renseignements généraux de l'époque, une grande partie de l'opinion publique rejette les exécutions sommaires qui incarnent l'arbitraire et inquiètent ceux qui désirent un retour rapide à l'ordre et à la légalité. L'objet de la note est autant de signaler une exécution sommaire que de mesurer l'état de l'opinion publique.


Sylvie Orsoni

Contexte historique

L'exécution rapportée par la note des Renseignements Généraux s'effectue alors que les combats pour la libération de Marseille sont terminés depuis le 29 août. Il s'agit donc d'une exécution extrajudiciaire, comme il y en eut dans les semaines qui suivirent la Libération. Les exécutions sont connues à travers les rapports des Renseignements Généraux, de préfets ou sous-préfets, sans que les auteurs, les motifs ne soient forcément renseignés. L'état de guerre a permis la liquidation d'ennemis, mais aussi des vengeances personnelles, règlements de compte aux motivations aussi bien politiques que crapuleuses. Ces exécutions extrajudiciaires ont permis aux nostalgiques de Vichy et aux personnes compromises dans la collaboration de développer une légende noire, parfois complaisamment reprise dans les années suivantes.

L'historien britannique Peter Novick, dans une étude publiée en 1968, a montré que les chiffres avancés, en particulier par Robert Aron (30 000 à 40 000), n'avaient aucun fondement. Il s'appuie sur les estimations fournies par deux enquêtes réalisées en 1948 et 1952 par le ministère de l'Intérieur auprès des préfets.
Ces deux enquêtes fixent une fourchette de 9 673 à 10 822 victimes, la plupart exécutées avant la Libération, soit pendant l'état de guerre. Le Comité d'Histoire de la Seconde Guerre Mondiale, devenu l'Institut d'Histoire du Temps Présent, confirme ces données globales*.

En 1992, Henry Rousso propose le chiffre de 8 100 victimes pour 87 départements.
En ce qui concerne les Bouches-du-Rhône, les estimations du ministère de l'Intérieur en 1951 retiennent le chiffre de 310 exécutions sommaires, avant et après le débarquement, ce qui place les Bouches-du-Rhône en 6e position des départements ayant connu le plus d'exécutions sommaires.


Auteur : Sylvie Orsoni

Sources :

Robert Aron, Histoire de l'épuration, Paris, Robert Laffont, trois tomes, 1988-1993.

Peter Novick, The Resistance versus Vichy: The Purge of Collaboration in Liberated France, Londres, Chatto and Windus, 1968 ; ed. Française, L'épuration française, 1944-1949, préface de Jean-Pierre Rioux, Paris, Balland, 1985, pp. 317-324 - réed. Le Seuil, Points Histoire, 1991.
* Enquête lancée par le Comité d'Histoire de la Seconde Guerre Mondiale (CHGM) dans les années 1950, portant sur 48 départements, sous la coordination de Marcel Baudot. Lorsque le CHGM devient l'IHTP, l'enquête se poursuit en s'étendant à 28 nouveaux départements (Cf. Bulletins du CHGM, septembre 1969 - décembre 1980 ; Bulletin de l'IHTP n° 25, « L'épuration : bilan chiffré », article de Marcel Baudot, septembre 1986, pp. 37-53).

Henry Rousso, « L'épuration en France, une histoire inachevée », in Vingtième siècle, PFNSP, n° 33, 1992, pp. 78-105.