Difficile épuration des cadres du ministère des Finances, décembre 1944

Légende :

Note du chef du service juridique du CRR au responsable de l'épuration économique, Jérôme Ferrucci, 30 décembre 1944

Genre : Image

Type : Correspondance officielle

Source : © AD des B-d-R 55 W 68 Droits réservés

Détails techniques :

Document dactylographié sur papier pelure d'une page. Voir aussi l'album photo lié.

Date document : 30 décembre 1944

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille

Ajouter au bloc-notes

Analyse média

Le chef du service juridique du Commissariat régional de la République répond à une note sans doute pressante de Jérôme Ferrucci, responsable dans ce même commissariat de l'épuration économique. Celui-ci réclamait un arrêté de suspension à l'encontre du directeur départemental du laboratoire du ministère des Finances.

Dans le premier paragraphe, le chef du service juridique transmet un projet d'arrêté [Voir l'album lié].

Dans les trois paragraphes suivants, le chef du service juridique expose son scepticisme quant à l'efficacité de ce projet. Il se déclare incompétent pour faire exécuter cet arrêté concernant un fonctionnaire dépendant directement du ministère. De plus, la suspension du directeur de laboratoire désorganiserait le service.

Enfin, le ministère des Finances semble se réserver le droit de procéder à l'épuration de ses services : « Je vous rappelle aussi que la seule décision de suspension que nous ayons prise à l'encontre d'un fonctionnaire des Finances a provoqué un rappel assez sec de l'autorité centrale ».

Le service juridique du CRR, pris entre les pressions locales et le poids des services centraux du ministère des Finances, laisse percer son amertume.


Sylvie Orsoni

Contexte historique

Très rapidement après sa prise de fonction comme Commissaire régional de la République, Raymond Aubrac s'entoure d'un service juridique. Des enseignants de la faculté de droit d'Aix-en-Provence en constituent l'armature. Le service juridique est saisi de toutes les questions juridiques que pose l'activité du CRR. Il doit mettre en forme juridique les décisions administratives du CRR, en particulier les arrêtés liés à l'épuration. La commission permanente d'épuration entend le 10 novembre le fonctionnaire concerné par l'arrêté de suspension et demande la révocation de ce fonctionnaire dans une lettre du 13 novembre adressée au CRR Raymond Aubrac.
Elle revient à la charge dans une autre lettre le 18 décembre [Voir l'album lié]. Dans cette lettre, elle regrette qu'aucune mesure n'ait été prise à l'encontre du fonctionnaire incriminé. Jérôme Ferrucci, responsable de l'épuration industrielle, se fait l'écho de ce mécontentement auprès du service juridique, qui le renvoie à la complexité des relations entre les autorités régionales et les autorités centrales, tout particulièrement lorsqu'il s'agit du ministère des Finances.

L'épuration de l'administration française a toujours été considérée comme une priorité par les représentants des organismes et partis de la Résistance qui siégeaient à l'Assemblée consultative d'Alger. L'ordonnance du 27 juin 1944 codifie l'épuration dans les services publics. Henry Rousso rappelle que le GPRF ne voulait pas démanteler les administrations par une épuration rigoureuse et mettre en péril la continuité de l'État. Il cite la circulaire adressée aux commissaires de la République afin de les guider dans l'épuration des administrations départementales et préfectorales : « Il est bien d'avoir à montrer son intransigeance, mais dans la mesure où elle ne nuit pas au fonctionnement des services ». Le désir des administrations centrales de garder la main sur l'épuration de leurs cadres rend la tâche des commissions départementales d'épuration également très ingrate.


Auteur : Sylvie Orsoni

Sources :

Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 149 W 154.

Robert Mencherini, La Libération et les années Tricolores (1944-1947). Midi rouge, ombres et lumières, tome 4, Paris, Syllepse, 2014.

Henry Rousso, « L'épuration en France, une histoire inachevée », in Vingtième siècle, PFNSP, n° 33, 1992, pp. 78-105.