Condamnation par le CRR de l'intervention de divers organismes de Résistance dans l'épuration économique

Légende :

Le Commissaire régional de la République demande au préfet des Bouches-du-Rhône de mettre fin à l'épuration économique illégale, 9 avril 1945

Genre : Image

Type : Courrier

Source : © AD des Bouches-du-Rhône 151 W 22 Droits réservés

Détails techniques :

Document dactylographié d'une page. Voir aussi l'album photo lié.

Date document : 9 avril 1945

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille

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Analyse média

Le premier paragraphe de la lettre adressée par le Commissaire régional de la République (CRR) Paul Haag au préfet des Bouches-du-Rhône évoque l'épuration économique illégale à laquelle se sont livrés certains organismes de Résistance dans le département. Les termes employés ne laissent aucun doute sur l'irrégularité de ces actions : « exactions, rançons prélevées ». Paul Haag ne reconnaît aucune légitimité à ces prélèvements : « sommes considérables versées entre les mains d'organismes sans aucune responsabilité officielle. »

La circulaire ministérielle évoquée dans le deuxième paragraphe citait les organismes visés : les Comités locaux de Libération (CLL) qui avaient été formés au moment de la libération des communes et représentaient la Résistance locale. Les Comités locaux de Libération étaient liés à la mise en œuvre de l'épuration en ce qu'ils étaient chargés de transmettre les dossiers de suspects aux autorités représentant le gouvernement provisoire (GPRF).
Dès le départ, les relations entre le CRR, les préfets qui représentent l'État, le GPRF et les Comités de Libération sont difficiles car le GPRF a donné pour mission à ses représentants locaux d'incarner seuls l'autorité de l'État. Mission difficile à remplir parfaitement dans le chaos de la Libération.

Le troisième paragraphe renvoie à une pièce annexe qui cite un certain nombre d'irrégularités commises par les CLL et autres organismes de la Résistance des Bouches-du-Rhône [Voir l'album photo lié].

En avril 1945, le GPRF entend exercer un contrôle total sur l'épuration économique, d'autant que cela permet de faire rentrer des sommes non négligeables dans les caisses de l'État.


Sylvie Orsoni

Contexte historique

La population demande le châtiment des profiteurs de guerre, mais réclame aussi l'ordre. Les Renseignements Généraux consacrent de nombreux rapports aux récits d'exactions menées par des groupes armés se réclamant de la Résistance. Réels et/ou fantasmés, ces récits déconsidèrent la Résistance et sont exploités par ses adversaires. Aussi le GPRF entend-il contrôler toutes les formes d'épuration.

Deux ordonnances codifient la répression économique, celle du 16 octobre, qui traite de l'épuration des entreprises et celle du 18 octobre qui réprime tous les types de profits illicites [voir le média lié], puisque la date de départ est celle de l'entrée en guerre de la France. L'ordonnance du 18 octobre 1944 veut faire œuvre de justice en frappant par exemple les trafiquants du marché noir, particulièrement honnis par la population. Le Comité départemental de confiscation des profits illicites (CDCPI) se met rapidement en place dans les Bouches-du-Rhône. Il tient sa séance inaugurale dès le 16 novembre 1944 en présence de M. Gibert, inspecteur des Finances, chargé de mission, et de Flavien Veyren, préfet des Bouches-du-Rhône.

Cependant, dans les premiers jours qui suivent la libération, des initiatives locales ont été prises, comme le montre la note annexée au courrier du CRR. Dans différentes communes, le Comité local de Libération a obligé des individus coupables en général de marché noir, à verser des sommes déposées ensuite en banque comme à Salon-de-Provence ou auprès du receveur des Finances comme à Arles. La procédure était illégale au vu des ordonnances mais ne comportait pas de zones d'ombres. Il n'en est pas de même avec les « dons volontaires » exigés par les Milices patriotiques et le comité local d'épuration de Martigues puisqu'aucune comptabilité n'a été tenue. Cette diversité de situation illustre la réalité de la Libération. Elle explique la volonté du GPRF de codifier et de contrôler l'épuration et montre comment une légende noire de l'épuration a pu se constituer.


AuteurSylvie Orsoni

Sources :

Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 151 W 22.

Robert Mencherini, La Libération et les années tricolores (1944 - 1947). Midi Rouge, ombres et lumières, tome 4, Paris, Syllepse, 2014.

Henry Rousso, « L'épuration en France, une histoire inachevée », in Vingtième siècle, PFNSP, n ° 33, 1992, pp. 78-105.