Camp de concentration de Natzweiler-Struthof, Natzwiller (Bas-Rhin)

Légende :

Vue d’ensemble de l’ancien site du camp de concentration de Natzweiler-Struthof

Genre : Image

Type : Lieux de mémoire

Source : © Association pour des études sur la Résistance intérieure des Alsaciens Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique en couleur

Date document : sans date

Lieu : France - Grand Est (Alsace) - Bas-Rhin - Natzwiller

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Contexte historique

Dans sa thèse consacrée à l'étude de ce camp en 2003, Robert Steegmann souligne le caractère exceptionnel de la situation du camp en territoire annexé de fait en juin 1940, et le choix du site, déterminé par la présence d'un filon de granite rose à 800 mètres d'altitude, mais établi sur une forte pente exposée aux vents du Nord; les escaliers construits entre les 17 Blocks et les huit terrasses ajoutant à la souffrance des détenus, la superficie réduite facilitant leur surveillance, Robert Steegmann affirme que « la topographie participe elle aussi à l'anéantissement de l'individu ».

Il démontre par ailleurs la particularité de la durée de vie limitée de ce camp, ouvert tardivement en mai 1941, évacué dès septembre 1944, et, totalement vide, investi le 25 novembre par la 7ème armée américaine. Unique encore dans l'histoire des camps, la continuité du camp-souche à travers ses camps annexes pendant les huit mois suivant cette évacuation, avec, pendant les trois derniers mois, une administration itinérante.

Autres particularités de ce camp évoquées dans cette thèse: la présence, à partir de l'été 1943, de nombreux détenus NN, norvégiens, néerlandais, français, belges, internés sans jugement et destinés à disparaître « dans la nuit et le brouillard » « Nacht und Nebel »-, mais aussi les liens privilégiés entre les camps de Natzweiler et de Dachau (Allemagne), à travers notamment de nombreux transferts avant même ceux de l'évacuation finale.

Les expériences médicales enfin, pratiquées certes dans d'autres camps, mais reliées ici à la « Reichsuniversität » , l'université de Strasbourg et ayant conduit à l'aménagement, rare dans un camp de concentration, d'une chambre à gaz: nous ne pouvons ici qu'évoquer les 86 juifs gazés par le plus tristement célèbre des cinq commandants du camp, Joseph Kramer, pour la « collection » destinée à l'institut d'anatomie du professeur Hirt ou les nombreuses victimes, dont 89 tziganes, des expériences sur le typhus du professeur Haagen, dirigeant l'institut d'hygiène de cette université.

Comme tout camp de concentration nazi, le camp de Natzweiler a pour buts la répression et, toujours plus importante du fait des nécessités d'une guerre devenue totale, l'exploitation économique des détenus. Venus de 31 pays différents, 52 000 détenus passent par ce camp ou, pour près de deux tiers d'entre eux dont 3 500 femmes, par l'un de ses 70 camps annexes: majoritairement  prisonniers de guerre russes et polonais et résistants anti nazis - mais aussi déportés raciaux juifs et tziganes, droits communs,  homosexuels, témoins de Jéhovah.

Ces détenus sont soumis à des conditions de vie épouvantables, entrainant la mort de 22 000 d'entre eux, soit 40%, nombre qui fait de Natzweiler un camp de mort rapide, parmi les plus meurtriers du système nazi. Expériences médicales et exécutions pratiquées dans le camp même ou à la sablière proche renforcent cette mortalité essentiellement due à l'épuisement par le travail, la faim, les sévices multiples. Sur place, le travail consiste dans les travaux de terrassement et de construction du camp jusqu'à l'été 1943 puis à son entretien, dans l'aménagement de routes dont celle reliant Natzweiler à Rothau, dans l'exploitation de la carrière de granite finalement peu rentable et le creusement très meurtrier pour les détenus NN d'une immense cave restée inutilisée. La presque totalité de la production liée à l'économie de guerre se fait, surtout à partir de 1944, dans les 70 camps annexes répartis sur les deux rives du Rhin, puis, après l'évacuation du camp-souche, démultipliés sur la rive droite du Rhin, très variables par leur taille, leurs effectifs et leur dangerosité. La main d'œuvre concentrationnaire, au service des entreprises SS ou louée par les plus grandes entreprises allemandes, y travaille notamment à la construction de pièces d'avions, d'engins balistiques ou à l'exploitation de schistes bitumineux. A partir de mars 1945, ces camps annexes sont à leur tour évacués, essentiellement vers Dachau: beaucoup de détenus meurent d'épuisement ou par balle, dans ces ultimes marches de la mort.

Le camp principal (évacué en septembre 1944) devenu, dès décembre 1944, un centre d'internement brièvement géré par les Forces françaises de l'intérieur (FFI) puis par le ministère de la Justice pour quelques 2 000 prisonniers de guerre et collaborateurs, est confié à partir de 1949 au ministère des anciens combattants et victimes de guerre. En 1960, le général de Gaulle, alors président de la République, y inaugure un mémorial de la Déportation et une nécropole nationale.

Classé monument historique, dépendant du ministère de la Défense, le site du camp de Natzweiler, reste aujourd'hui un des hauts lieux de commémoration; depuis 2005, le Centre Européen du Résistant Déporté (CERD) y accueille 170 000 personnes chaque année dont 90 000 scolaires avec pour mission d'informer sur l'histoire de ce camp, d'en faire vivre la Mémoire et de favoriser la réflexion sur les valeurs de liberté, de tolérance, de vigilance transmises par les déportés survivants...


Marie-Claire Allorent, "L'ancien camp de concentration de Natzweiler-Struthof (Bas-Rhin)" in DVD-ROM La Résistance des Alsaciens, Fondation de la Résistance - AERI, 2016.