Tracts, graffitis, papillons




  • Pédagogie
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  • Crédits
  • Introduction

ESPACE PEDAGOGIQUE

Objectif de cet espace : 
permettre aux enseignants d\'aborder plus aisément, avec leurs élèves, l\'exposition virtuelle sur la Résistance dans la Drôme en accompagnant leurs recherches et en proposant des outils d’analyse et de compréhension des contenus.

L'espace d'exposition s'articule autour d'une arborescence à quatre entrées :
- Zone libre et Occupation,
- Résistance,
- Libération et après-libération,
- Mémoire.

Chaque thème est introduit par un texte contextuel court. A partir de là, des documents de tous types (papier, carte, objet, son, film) sont présentés avec leur notice explicative.

La base média peut être aussi utilisée comme ressource pour les enseignants et leurs élèves dans le cadre de travaux collectifs ou individuels, en classe ou à la maison.

Pour l'exposition sur la Résistance dans la Drôme, sont proposés aux enseignants des parcours pédagogiques (collège et lycée), en lien avec les programmes scolaires, utilisant les ressources de l'exposition :

1/ Collège :

Note méthodologique
- Parcours pédagogiques composés de :
     . Fiche 1 : La France vaincue, occupée et libérée,
     . Fiche 2 : Le gouvernement de Vichy, la Révolution nationale et la Collaboration,
     . Fiche 3 : Vivre en France durant l'Occupation,
     . Fiche 4 : La Résistance.

2/ Lycée :

- Note méthodologique
- Parcours pédagogiques composés de :
     . Dossier 1 : L'Etat français (le régime de Vichy),
     . Dossier 2 : Les Juifs dans la Drôme (antisémitisme, persécution, arrestation, déportation, protection),
     . Dossier 3 : Les résistants,
     . Dossier 4 : La Résistance armée,
     . Dossier 5 : La Résistance non armée,
     . Dossier 6 : La vie quotidienne.

Si vous êtes intéressés par ces dossiers, contactez nous : [email protected]

Réalisation des dossiers pédagogiques : Patrick Dorme (CDDP Drôme), Lionel FERRIERE (enseignant Histoire en collège et correspondant du musée de Romans), Michel MAZET (enseignant en lycée et correspondant des archives départementales). 

1. De la déclaration de guerre à l’Armistice, le 22 juin 1940 : Un mois après le début de leur attaque en mai 1940, les Allemands atteignent le nord de la Drôme. L’Armistice arrête les combats sur la rivière Isère. Le nord du département est occupé par les troupes allemandes.
2. De l’Armistice à l’occupation allemande, le 11 novembre 1942 : La Drôme est située en zone non occupée.
3. Du 11 novembre 1942 au 9 septembre 1943 : La Drôme est placée sous administration et occupation italiennes.
4. Du 9 septembre 1943 au 31 août 1944 : l’armée allemande occupe la Drôme ; c’est la période la plus intense pour la lutte contre l’ennemi et le gouvernement de Vichy.


Il s'agit d'une sélection de cartes nationales et locales sur la Résistance. La plupart de ces cartes ont été réalisées par Christophe Clavel et Alain Coustaury. Il s'agit d'une co-édition AERI-AERD tous (droits réservés)


CARTE INTERACTIVE DROME ET VERCORS DROMOIS ET ISEROIS
(Suivez ce lien pour afficher la carte et sélectionnez les points du paysage souhaités pour afficher les fiches correspondantes)


  France de 1940 à 1944
  Départements français sous l’Occupation
  Régions militaires de la Résistance en 1943
  La Drôme, géographie physique
  Esquisse de découpage régional de la Drôme
  Les communes de la Drôme
  Carte des transports en 1939
  Le confluent de la Drôme et du Rhône
  Densité de la population de la Drôme en 1939
  Densité de la population de la Drôme en 1999
  Evolution de la densité de population de la Drôme entre 1939-1999
  L’aérodrome de Montélimar-Ancône
  Aérodrome de Valence - Chabeuil - La Trésorerie
  Les caches des armes et du matériel militaire
  Les terrains de parachutages dans la Drôme
  Bombardements alliés et allemands dans la Drôme
  Immeubles détruits par les Allemands et la Milice
  Emplacement de camps de maquis de 1943 au 5 juin 1944
  Localisation des groupes francs qui ont effectué des sabotages en 1943
  Implantation et actions de la compagnie Pons
  FFI morts au combat ou fusillés
  Plan-de-Baix, Anse, 16 avril 1944
  Géopolitique de la Résistance drômoise en juin-juillet 1944
  Dispositif des zones Nord, Centre, Sud vers le 10 juin 1944
  Combovin, 22 juin 1944
  Vassieux-en-Vercors 21, 22, 23 juillet 1944
  Combat de Gigors 27 juillet 1944
  Le sabotage du pont de Livron
  Carte simplifiée de la bataille de Montélimar du 21 au 24 août 1944
  Carte simplifiée de la bataille de Montélimar du 25 et 26 août 1944
  Carte simplifiée de la bataille de Montélimar du 27 au 29 août 1944
  Carte simplifiée de la bataille de Montélimar du 29 août à 12 heures le 30 août 1944
  Etrangers au département, non juifs, arrêtés dans la Drôme et déportés
  Déportation, arrestations dans la Drôme
  Déportation des Juifs dans la Drôme
  Lieu de naissance de Drômois déportés, arrêtés dans la Drôme et à l’extérieur du département
  Cartes des principaux lieux de mémoire dans la Drôme
  Perceptions de la Résistance drômoise

Publications locales :

Une bibliographie plus détaillée sera accessible dans l’espace « Salle de consultation » du Musée virtuel.

SAUGER Alain, La Drôme, les Drômois et leur département. 1790-1990. La Mirandole. 1995.
GIRAUDIER Vincent, MAURAN Hervé, SAUVAGEON Jean, SERRE Robert, Des Indésirables, les camps d’internement et de travail dans l’Ardèche et la Drôme durant la Seconde Guerre mondiale. Peuple Libre et Notre Temps, Valence, 1999.
FÉDÉRATION DES UNITÉS COMBATTANTES DE LA RÉSISTANCE ET DES FFI DE LA DRÔME, Pour l’amour de la France. Drôme-Vercors. 1940-1944. Peuple Libre, Valence, 1989.
DE LASSUS SAINT-GENIÈS (général), DE SAINT-PRIX, Combats pour le Vercors et la Liberté. Peuple Libre, Valence, 1982.
LA PICIRELLA Joseph. Témoignages sur le Vercors, 14e édition, Lyon, 1994
LADET René, Ils ont refusé de subir. La Résistance en Drôme. Auto-édition. Portes-lès-Valence, 1987.
DREYFUS Paul, Vercors, citadelle de Liberté, Arthaud, Grenoble, 1969.
MARTIN Patrick, La Résistance dans le département de la Drôme, Paris IV Sorbonne, 2002.
SERRE Robert, De la Drôme aux camps de la mort, Peuple Libre et Notre Temps, Valence, 2006.
SUCHON Sandrine, Résistance et Liberté. Dieulefit 1940-1944. Éditions A Die. 1994.
VERGNON Gilles, Le Vercors, histoire et mémoire d’un maquis, L’Atelier, Paris, 2002.

Dvd-rom La Résistance dans la Drôme et le Vercors, éditions AERD-AERI, 2007.

Ce travail n’aurait pu avoir lieu sans l’aide financière du Conseil général de la Drôme, du Conseil régional de Rhône-Alpes, du Groupe de Recherches, d’Études et de Publications sur l’Histoire de la Drôme (GRÉPHiD) et de l'AERD qui y a affecté une partie des recettes de la vente des dvd-roms, La Résistance dans la Drôme et le Vercors.

L’équipe de la Drôme tient à les remercier ainsi que :
- l’Office départemental des anciens combattants (ONAC),
- la Direction départementale de l’équipement de la Drôme (DDE),
- le Centre départemental de documentation pédagogique de la Drôme, (CDDP),
- le personnel et la direction des Archives départementales de la Drôme, de l’Isère, des Archives communales de Allan, de Crest, de Die, de Grâne, de Montélimar, de Romans-sur-Isère, de Triors, de Saint-Donat-sur-l’Herbasse, de Saint-Uze,
- les Archives fédérales allemandes (Bundesarchiv), le National Archives and Records Administration (NARA), The National Archives (les archives nationales britanniques), Yad Vashem,
- le Musée de la Résistance en Drôme et de la Déportation de Romans, le Musée de la Résistance de Vassieux-en-Vercors, le Mémorial de La Chau, le Musée de Die, le Musée Saint-Vallier, la Médiathèque de Montélimar, le Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, le Mémorial Shoah, l’Association des Amis du Musée des blindés de Saumur, le Musée de la Division Texas (USA),
- l’Association Études drômoises, l’Association Mémoire d’Allex, l’Association Sauvegarde du Patrimoine romanais-péageois, l’Association Mémoire de la Drôme, l’Association des Amis d’Emmanuel Mounier, l’Association Patrimoine, Mémoire, Histoire du Pays de Dieulefit, l’Amicale maquis Morvan, la Fédération des Unités Combattantes et des FFI de la Drôme, l’Association nationale des Pionniers et Combattants Volontaires du Vercors.

Mais nos remerciements s’adressent surtout à toutes celles et tous ceux, notamment résistantes, résistants et leurs familles, qui ont accepté de livrer leurs témoignages, de nous confier leurs documents et leurs photographies. Ils sont très nombreux et leurs noms figurent dans cette exposition. Ils s’apercevront au fil de la lecture que leur contribution a été essentielle pour l’équipe qui a travaillé à cette réalisation. Grâce à eux, une documentation inédite a pu être exploitée, permettant la mise en valeur de personnes, d’organisations et de faits jusqu’alors méconnus. Grâce à eux nous avons pu avancer dans la connaissance de la Résistance dans la Drôme et plus largement dans celle d’une histoire de la Drôme sous l’Occupation.
L’étude de cette période et des valeurs portées par la Résistance, liberté, solidarité, justice et progrès social…, nous semble plus que jamais d’actualité.

 

CONCEPTION, RÉALISATION

Maîtres d’ouvrage :
Association pour l’Élaboration d’un Cédérom sur la Résistance dans la Drôme (AERD), en lien avec l'Association pour des Études sur la Résistance intérieure (AERI) au niveau national. 

Maîtrise d’ouvrage : Carré multimédia. 

Gestion de projet AERI : Laurence Thibault (directrice) – Laure Bougon (chef de projet) assistée d’Aurélie Pol et de Fabrice Bourrée. 

Groupe de travail : Pierre Balliot, Alain Coustaury, Albert Fié, Jean Sauvageon, Robert Serre, Claude Seyve, Michel Seyve. Patrick Martin et Gilles Vergnon interviennent sur des notices spécifiques. 

Sont associés à ce travail tous ceux qui ont participé à la réalisation du Dvd-rom La Résistance dans la Drôme, et qui par la même, ont contribué à une meilleure connaissance de la Résistance dans le département. 

Groupe pédagogique : Patrick Dorme (CDDP Drôme), Lionel FERRIERE (enseignant Histoire en collège et correspondant du musée de Romans), Michel MAZET (enseignant en lycée et correspondant des archives départementales). 

Cartographie : Christophe Clavel et Alain Coustaury.



La protestation contre la politique de Vichy se manifeste dès la signature de l’armistice. Les patriotes recherchent tous les moyens pour contrer la propagande de l’État français et de ses organismes complices. Des tracts ou « papillons », de petite dimension, peuvent être dissimulés facilement dans une poche. Ils sont distribués aux amis, lancés de façon anonyme, collés sur des poteaux, des murs. Les formes en sont multiples, les réalisations collectives ou individuelles avec des moyens rudimentaires.

Les premiers tracts antigouvernementaux sont diffusés dans la Drôme le 27 octobre 1940, des tracts communistes et une édition polycopiée de L'Humanité circulent à Romans, des exemplaires sont saisis.
Probablement à l'occasion du 11 novembre 1940, Roger Coursange (19 ans), avec Roger Balandreau (18 ans) et Edmond Duco (18 ans), impriment et diffusent un tract rédigé ainsi : « Souviens toi de Clemenceau, Clemenceau a dit : collaborer avec l'ennemi c'est trahir ».

                                      Leaflets, graffiti, papillons

Protest against the politics of the Vichy government begins upon the signing of the armistice. The patriots seek all means to counter the propaganda of the French state and its accomplice agencies. Leaflets, or "papillons", (small in size), can be hidden easily in a pocket. They are distributed amongst friends, launched anonymously, and stuck on poles and walls. Their forms are multiple, collective and individual achievements with rudimentary means.

The first anti-government leaflets are distributed in Drôme on October 27, 1940, communist leaflets and copied editions of L'Humanité are circulated in Romans, and subsequently seized. Probably on November 11, 1940, Roger Coursange (19 years old), with Roger Balandreau, (18 years old), and Edmond Duco, (18 years old), print and distribute a leaflet that reads "Remember what Clemencau said: 'Collaboration with the enemy is treason.'"


Traduction : Grace Hoffman

Auteur : Jean Sauvageon
Source : Dvd-rom La Résistance dans la Drôme-Vercors, éditions AERI-AERD, février 2007.


 

Tract de lycéens d'octobre 1940



  • Contexte historique
  • Analyse média

Les premiers signes de Résistance en 1940

En juin 1940, les Drômois sont surpris de la rapidité avec laquelle la Wehrmacht défait l'armée française. Vivant avec les souvenirs de 1914-1918, beaucoup pensaient que jamais les Allemands n'arriveraient jusque dans le département. Mais l'armée des Alpes a vaincu les Italiens et contenu l'attaque allemande le long de l'Isère. Seule la partie du département au nord de la rivière est envahie par la Wehrmacht. Des Drômois qui s'y trouvent révèlent des velléités patriotiques résistantes. Comme l'écrit, entre autres, Margareth Collins Weitz : « Les débuts de la Résistance coïncident avec l'invasion. Mus par un sentiment patriotique, des individus isolés, incapables de supporter la vue d'un soldat allemand sur le sol français, réagissent instinctivement ».
Ainsi, le 25 juin 1940, à Saint-Donat, lorsqu'un officier allemand propose du champagne à Mady Chancel, elle lui répond qu'elle n'en boit pas quand son pays est malheureux, celui-ci se met au garde-à-vous en disant « je comprends, Madame ».
L'appel du général de Gaulle du 18 juin est-il entendu dans la Drôme ? Un seul témoignage mentionne qu'à l'école de Beauvallon à Dieulefit se trouvent des officiers français blessés amenés de Lyon qui entendent le premier appel du général de Gaulle et certains partent immédiatement essayer de rejoindre Bordeaux. L'Appel a été publié par Le Petit Dauphinois dans son édition du 19 juin. Aucun témoignage drômois n'en fait mention. Peut-être que l'édition grenobloise ne fut alors pas diffusée dans la Drôme compte tenu des événements. Cet appel marque un refus de la situation créée par l'armistice. Il reste le symbole du début de la Résistance en France. Il correspond parfaitement à une situation décrite par l'historien Clausewitz : [pour chaque belligérant] « il faut détruire les forces militaires. Ce qui veut dire qu'elles doivent être placées dans des conditions telles qu'elles soient incapables de poursuivre le combat. [...] Il faut conquérir le territoire, car il pourrait s'y constituer une nouvelle force militaire. Même ces deux choses faites ne signifient pas la cessation de la guerre, [...] tant que la volonté de l'ennemi n'est pas également jugulée, c'est-à-dire tant que son gouvernement et ses alliés ne sont pas décidés à signer la paix, ou son peuple à se soumettre. Car même lorsqu'on a pris possession du pays entier, le conflit peut resurgir à l'intérieur, ou du fait des alliés ».

L'impact du nouveau régime et de la personnalité du maréchal Pétain
Les premières actions de Résistance sont marginales. Il faut tenir compte de l'aura dont bénéficie Pétain. En juillet, le régime de Vichy est considéré comme légitime, par les politiques aussi bien que par les religieux. Sur les sept parlementaires drômois, dont quatre députés de gauche, cinq votent les pleins pouvoirs au Maréchal. Albin Vilhet, militant communiste à Nyons, écrit dans son journal le 24 décembre 1940 : « Comme l'a dit Pétain, il ne faut pas que les petits souffrent du crime des grands ». Monseigneur Pic fera publier dans les numéros successifs de La semaine religieuse du diocèse de Valence tous les discours de Pétain depuis juillet 1940 jusqu'à juin 1944. Cette légitimité de Vichy, évidente pour monseigneur Pic, ne l'empêche pas d'être hostile aux Allemands qu'il a combattus pendant la guerre de 1914-1918, et au nazisme puisqu'il a publié une lettre pastorale contre cette idéologie. Lucien Micoud raconte qu'à la Libération, monseigneur Pic reçoit De Lassus dans son bureau orné d'un immense portrait de Pétain accroché au mur.
Sandrine Suchon explique qu'en 1940, même la hiérarchie protestante légitime Pétain : « Au cours de la pastorale qui a lieu à Valence en septembre 1940, le pasteur Eberhard laisse aisément deviner son adhésion au maréchal Pétain. Son attitude va changer en 1942 avec les persécutions contre les juifs ».
Le gouvernement de Vichy, même si sa légitimité n'est pas contestée à ses débuts, va très rapidement agir contre ceux qui s'opposent à lui dans la Drôme. Cela tient au fait que le régime est « en fait un régime de dictature », comme le dit le sénateur-maire de Saint-Vallier, M. Valette, au préfet Rivalland en novembre 1940. D'ailleurs le régime de Vichy montre qu'il n'est pas vraiment sûr de sa popularité puisque les rapports du préfet la distinguent de celle du Maréchal.
La répression s'accentue contre les communistes qui sont sur des listes de suspects prêts à être arrêtés (en vertu d'un décret pris par le gouvernement Daladier). Ils ne sont évidemment pas les seules victimes de la répression, même s'ils sont en première ligne depuis la déclaration de guerre. Un mandat d'arrêt est lancé contre le député socialiste Marius Moutet, le seul député drômois à s'être opposé aux pleins pouvoirs au Maréchal, dont la famille est surveillée et qui a pu se réfugier en Suisse. Le maire de Tulette est emprisonné le 14 septembre pour propos antinationaux. Les immeubles des loges maçonniques sont mis sous séquestre pendant que les fonctionnaires doivent déclarer ne pas être, ni avoir été, ou ne plus être franc-maçon. Cette répression a une certaine efficacité puisque l'opposition au régime reste discrète. Elle n'empêche pas des structures embryonnaires d'organisation de résistance de se mettre en place, comme le réseau Camouflage du matériel (CDM), actif dès juillet 1940, dont le commandant Guyon, du parc d'artillerie de Valence, prend la direction. Il est aidé par l'adjudant-chef Roger Chambrier, qui est resté franc-maçon. L'efficacité déployée par le CDM, en ce mois de juillet 1940, est démontrée en... décembre 1942. C'est au cours de ce mois, puis celui de janvier 1943, que la Commission italienne d'armistice met au jour la plupart des dépôts constitués dans la Drôme. On sait que la mission des officiers qui avaient choisi le CDM était de dissimuler des matériels pour l'armée d'armistice lorsque celle-ci pourrait reprendre la lutte. La mission n'était pas de fournir ces armes à des résistants dont les structures militaires étaient, fin 1942, quasi inexistantes.

Premiers tracts
Les premiers tracts antigouvernementaux sont diffusés dans la Drôme le 27 octobre, des tracts communistes et une édition polycopiée de L'Humanité circulent à Romans, des exemplaires sont saisis. Le tract de certains élèves du lycée Emile Loubet à Valence est ici présenté.
Début novembre, l'attention des services de préfecture et de gendarmerie se porte sur les gaullistes : « Les préfets viennent de recevoir du gouvernement l'avis, très confidentiel, d'une reprise très nette de l'activité du parti de l'ex-général de Gaulle. Le but de cette activité est de combattre par tous les moyens le gouvernement actuel. Tout doit être envisagé, même le stockage d'armes diverses pour arriver, si la chose semble possible, à des attentats sur des officiers ou soldats étrangers ». Les services de Vichy envisagent non seulement une opposition politique, mais aussi des actions armées, et ce n'est pas aux communistes qu'on attribue cette volonté, à ce moment-là.
Ce sont ces rapports des autorités de l'État qui mettent en évidence les "graines" de la Résistance, par exemple les rapports préfectoraux du 11 novembre et du 16 décembre 1940. Le préfet y recense toutes les sources d'opposition à la politique menée par Vichy, même discrètes. Ainsi le 28 octobre 1940, « quelques inscriptions à la craie en faveur du mouvement de Gaulle sont relevées en divers endroits, mais la population n'y prête nulle attention ». Il met en évidence qu'elles sont potentiellement collectives. C'est sur des personnes issues de ces différentes oppositions, sur les structures et réseaux de connaissances qu'elles forment, que la Résistance se développera. Plus tard, chaque résistant rejoindra une, ou plusieurs, de ces structures, selon sa culture ou les circonstances.

Les religieux
Le préfet rend compte que « dans les milieux catholiques, on ne voit pas sans appréhension l'évolution favorable à l'Allemagne, et plus particulièrement au nazisme. Des membres du clergé appréhendent l'introduction en France d'un certain nombre de mesures qui, en Allemagne, ont soulevé la protestation des milieux confessionnels. Mais, à vrai dire, les inquiétudes des milieux catholiques sont beaucoup plus discrètes que celles des milieux protestants », ce qu'il attribue aux influences anglo-saxonnes et suisses très fortes dans ces milieux. Effectivement en septembre 1941, sur les trois pasteurs drômois participant à la réunion de Pomeyrol, l'un, André Vermeil, est Suisse. En ce qui concerne les catholiques, au cours du mois de septembre, l'abbé Vignon, dans le bulletin paroissial de Saint-Vallier, a publié les messages de radio-Vatican, notamment la phrase de Pie XII, interdite par la censure : « Que la France garde courage, le salut viendra aussi immanquablement que chaque jour le soleil revient à l'horizon » ; il affiche à la porte de l'église de Saint-Vallier une lettre des évêques allemands sur les crimes nazis, ce qui lui vaut d'être recherché pendant trois jours et menacé d'une arrestation évitée grâce à l'intervention de monseigneur Pic. Le 10 juillet 1943, il sera désigné par des miliciens comme un ennemi de la Milice.

Les gaullistes
Le préfet signale « à Valence la distribution de quelques rares tracts et quelques inscriptions à la craie en faveur du mouvement de Gaulle. Il ajoute que les anglophiles et partisans de l'ex-général de Gaulle se réclament de tous les partis ». Un exemple d'anglophile est celui de Benjamin Malossanne, socialiste et franc-maçon, directeur du cours complémentaire de Saint-Jean-en-Royans, qui, le jour de la rentrée scolaire, inscrit sur le tableau noir de ses trois classes : « Vive l'Angleterre qui continue la lutte ! »

Les francs-maçons
Le préfet marque sa méfiance à l'encontre des sociétés secrètes, même si elles sont officiellement dissoutes. Cependant, il a conservé Jean Buclon, grand mutilé de la Grande Guerre, homme de gauche et franc-maçon, comme délégué dans l'œuvre du Secours national pour le département, parce qu'il « y aurait plus d'inconvénients que d'avantages à l'enlever à l'heure actuelle de la direction du Secours national ». Jean Buclon sera membre du conseil municipal de Valence, désigné par Vichy, le 11 mai 1941. Selon les auteurs de Drôme Nord, terre d'asile et de révolte, il aurait été dans la Résistance dès cette année-là, hébergeant et camouflant de nombreuses personnes en difficulté ; plus tard, il entreposera et fournira des tracts. Il sera président du Comité local de Libération de Valence vers le 20 août 1944. Ses contacts avec les anciens combattants des communes de la Drôme seront très utiles à la Résistance. Le préfet révèle le rôle de la franc-maçonnerie dans la Résistance dans le département. Effectivement, c'est à la loge "L'Humanité de la Drôme" qu'appartiennent beaucoup de ses futurs chefs civils ou militaires : Valette, Chambrier, Bouchier, Hérold, Follet, Planel, Triboulet, Boiron, puis Bénézech.

La SFIO (Section française de l'Internationale ouvrière)
À l'époque, la Drôme est déjà fortement marquée par ce parti, le préfet souligne qu'il « est en réalité le principal appui de l'opposition dans le département ». Des membres de la SFIO mènent déjà des actions de Résistance. Une réunion se tient pour le reconstituer en novembre au domicile de Marc-Charles Bertrand, à Montélimar. Il écrit dans ses mémoires qu'au cours de ce mois « se déroule la première réunion dans la clandestinité des cadres du parti socialiste reconstitué de la région montilienne. Cette réunion est présidée par Froment, avec de Saint-Prix, Spézini, et des socialistes ardéchois ».

Les réfugiés d'Alsace-Lorraine
Si, fin 1940, les réfugiés de l'exode sont déjà repartis pour la plupart, ce sont les expulsés alsaciens-lorrains qui sont accueillis dans la Drôme : un millier à Romans le 15, une centaine à Crest le 16. Le 20 novembre 1940, « les réfugiés lorrains de Romans et Bourg-de-Péage organisent une manifestation patriotique à laquelle les autorités locales assistent ». Puis le 30, « Une cérémonie identique a lieu à Bourg-de-Péage. Des chants et la Marseillaise terminent cette belle manifestation. Le refrain de la marche lorraine “ Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine...” est repris en choeur par toute l'assistance ». Le préfet ne se trompe pas sur le danger représenté par de telles manifestations, dans son rapport du 16 décembre 1940 il écrit : « Une évolution favorable [à la politique de collaboration] a été nettement perceptible au bout de quelques jours, mais il faut bien reconnaître que l'expulsion des Lorrains a produit un effet désastreux. Ceux-ci sont arrivés dans l'état d'esprit que j'ai décrit d'autre part, et constituent partout autant de propagandistes qu'il serait bien délicat de vouloir réduire à l'impuissance dès les premiers jours ». Tous sont susceptibles d'informer les Drômois sur la réalité de l'occupation allemande. Parmi ces réfugiés, qui ont une haine viscérale de l'Allemand, se trouvent Paul Jansen à Romans et Georges Brentrup à Crest, qui formeront des groupes de Résistance qui deviendront des compagnies FFI. En décembre, le propriétaire de l'usine de filature du quartier Soubeyran de Crest, M. Cottereau, d'origine lorraine, décide de fermer son usine, ne pouvant accepter de travailler directement ou indirectement pour l'ennemi.

Les militaires
Le préfet écrit « que de nombreux anglophiles se recrutent principalement dans les milieux militaires, et notamment parmi les jeunes gens des écoles militaires préparatoires : La Flèche et Autun. Il appartient aux cadres de ces écoles de faire le nécessaire pour redresser la mentalité des jeunes gens qui leur sont confiés dont la noblesse des sentiments et le désintéressement méritent qu'on ne les laisse pas s'égarer ».
Remarquons que le préfet reconnaît que noblesse de sentiment et désintéressement amènent à ne voir « d'issue, en ce qui concerne la France, que dans la victoire anglaise ». Même s'ils sont minoritaires, certains des élèves du Prytanée rejoignent la France libre sitôt après le 11 novembre 1942. D'autres gagnent le maquis en Nord-Drôme en juillet 1943, au moment du retour de l'École à La Flèche. L'École d'Autun s'installera à Pont d'Ain et les élèves les plus âgés participeront à la Résistance dans ce département.
Nous avons vu précédemment que des militaires entrèrent précocement dans la Résistance avec le CDM. Le préfet semble ignorer l'activité du CDM, dont certains membres travaillent dans les services de la préfecture. Entrer dans l'Armée d'armistice peut correspondre à un acte de Résistance comme en témoigne René Ladet qui s'engagera dans la Marine en février 1941. Il y suivra les entraînements de commandos qui lui seront d'une grande utilité lors de son retour à Portes-lès-Valence en décembre 1942. Entrent également en Résistance relativement tôt certains prisonniers évadés comme Marc Chapoutier à Tain-l'Hermitage, ou Antoine Bénézech à Valence.

Les régions d'opposition au nouveau régime
Le préfet aborde les problèmes qu'il rencontre avec les régions drômoises où les influences protestantes et communistes sont importantes : les faubourgs de Valence, « surtout Portes-lès-Valence », et les deux sous-préfectures Die et Nyons, où « les passions politiques restent très vives. L'opposition au gouvernement y est certaine, surtout à Die ». Ces deux régions verront se développer la Résistance.

Estimation de l'importance de la Résistance en 1940
L'étude des débuts de la Résistance montre qu'elle est présente en germe avant la guerre. Les circonstances qui amènent son apparition, le moment où vont s'exprimer les potentialités résistantes, sont liées à la défaite de la France. En juin 1940, le fait de résister (qui est une réaction naturelle de défense, de refus) est une exception, peu dépendante de la culture du milieu dont sont issus les premiers résistants, puisqu'on les trouve dans tous les milieux. De ce fait, dès la fin de 1940, toutes les composantes de la Résistance sont présentes à l'état embryonnaire. Les conditions historiques et la culture de celui qui résiste (et de ceux qui résisteront) déterminent essentiellement la manière de résister, les formes que prennent le développement et la croissance de la Résistance. Toutes ces conditions sont réalisées très tôt, notamment la présence des structures collectives préexistantes à la guerre. On constate que tous les groupes sociaux et tous les partis sont traversés par des hésitations vis-à-vis du nouveau régime en place. La majorité de leurs membres restent hésitants pendant que des individus ou de petits groupes préparent la Résistance. Nous confirmons les conclusions de nombreux auteurs sur la présence de républicains de gauche dans les débuts de la Résistance drômoise, ce qui résulte de l'histoire de ce département.


Auteurs : Jean Sauvageon
Sources : Dvd-rom La Résistance dans la Drôme-Vercors, éditions AERI-AERD, février 2007

Peu de jours après la rentrée des classes, probablement à l'occasion du 11 novembre 1940, Roger Coursange (19 ans), Jean-Louis Balandreau (17 ans) et Edmond Duco (18 ans), pensionnaires du lycée Émile Loubet à Valence, décident de réagir à la situation créée par l’armistice et à leur désaccord avec la politique de collaboration. Ils recopient une phrase de Clemenceau sur un tract : « Collaborer avec l’ennemi, c’est trahir ».
Les tracts sont tirés sur une imprimerie-jouet, entouré de liserés bleu et rouge réalisés aux crayons de couleur.

Les pensionnaires rejoignent leur famille le dimanche suivant et distribuent le tract dans les communes. Il est diffusé à 500 exemplaires à Valence, puis dans toute la Drôme. Son libellé ne marque pas seulement une opposition à Vichy, mais aussi à l'ennemi.
Son impact est certainement très limité. Le nombre est restreint et une partie est saisie avant même d'être distribuée. La gendarmerie de Saint-Vallier en saisit devant l’église de Saint-Uze, à la sortie de la messe.

C’est certainement le premier tract de Résistance dans le département de la Drôme.


Auteurs : Jean Sauvageon

Titre : Tract de lycéens d'octobre 1940

Légende :

Distribué par les pensionnaires du lycée Émile Loubet à Valence et dans la région.

Genre : Image     Type : Tract

Source : © ADD, Collection Pierre Vincent-Beaume - Droits réservés

Détails techniques :

Le liseré a été réalisé aux crayons de couleur.


Date document : octobre 1940

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Valence-sur-Rhône