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ESPACE PEDAGOGIQUE

Objectif de cet espace : 
permettre aux enseignants d\'aborder plus aisément, avec leurs élèves, l\'exposition virtuelle sur la Résistance dans la Drôme en accompagnant leurs recherches et en proposant des outils d’analyse et de compréhension des contenus.

L'espace d'exposition s'articule autour d'une arborescence à quatre entrées :
- Zone libre et Occupation,
- Résistance,
- Libération et après-libération,
- Mémoire.

Chaque thème est introduit par un texte contextuel court. A partir de là, des documents de tous types (papier, carte, objet, son, film) sont présentés avec leur notice explicative.

La base média peut être aussi utilisée comme ressource pour les enseignants et leurs élèves dans le cadre de travaux collectifs ou individuels, en classe ou à la maison.

Pour l'exposition sur la Résistance dans la Drôme, sont proposés aux enseignants des parcours pédagogiques (collège et lycée), en lien avec les programmes scolaires, utilisant les ressources de l'exposition :

1/ Collège :

Note méthodologique
- Parcours pédagogiques composés de :
     . Fiche 1 : La France vaincue, occupée et libérée,
     . Fiche 2 : Le gouvernement de Vichy, la Révolution nationale et la Collaboration,
     . Fiche 3 : Vivre en France durant l'Occupation,
     . Fiche 4 : La Résistance.

2/ Lycée :

- Note méthodologique
- Parcours pédagogiques composés de :
     . Dossier 1 : L'Etat français (le régime de Vichy),
     . Dossier 2 : Les Juifs dans la Drôme (antisémitisme, persécution, arrestation, déportation, protection),
     . Dossier 3 : Les résistants,
     . Dossier 4 : La Résistance armée,
     . Dossier 5 : La Résistance non armée,
     . Dossier 6 : La vie quotidienne.

Si vous êtes intéressés par ces dossiers, contactez nous : [email protected]

Réalisation des dossiers pédagogiques : Patrick Dorme (CDDP Drôme), Lionel FERRIERE (enseignant Histoire en collège et correspondant du musée de Romans), Michel MAZET (enseignant en lycée et correspondant des archives départementales). 

1. De la déclaration de guerre à l’Armistice, le 22 juin 1940 : Un mois après le début de leur attaque en mai 1940, les Allemands atteignent le nord de la Drôme. L’Armistice arrête les combats sur la rivière Isère. Le nord du département est occupé par les troupes allemandes.
2. De l’Armistice à l’occupation allemande, le 11 novembre 1942 : La Drôme est située en zone non occupée.
3. Du 11 novembre 1942 au 9 septembre 1943 : La Drôme est placée sous administration et occupation italiennes.
4. Du 9 septembre 1943 au 31 août 1944 : l’armée allemande occupe la Drôme ; c’est la période la plus intense pour la lutte contre l’ennemi et le gouvernement de Vichy.


Il s'agit d'une sélection de cartes nationales et locales sur la Résistance. La plupart de ces cartes ont été réalisées par Christophe Clavel et Alain Coustaury. Il s'agit d'une co-édition AERI-AERD tous (droits réservés)


CARTE INTERACTIVE DROME ET VERCORS DROMOIS ET ISEROIS
(Suivez ce lien pour afficher la carte et sélectionnez les points du paysage souhaités pour afficher les fiches correspondantes)


  France de 1940 à 1944
  Départements français sous l’Occupation
  Régions militaires de la Résistance en 1943
  La Drôme, géographie physique
  Esquisse de découpage régional de la Drôme
  Les communes de la Drôme
  Carte des transports en 1939
  Le confluent de la Drôme et du Rhône
  Densité de la population de la Drôme en 1939
  Densité de la population de la Drôme en 1999
  Evolution de la densité de population de la Drôme entre 1939-1999
  L’aérodrome de Montélimar-Ancône
  Aérodrome de Valence - Chabeuil - La Trésorerie
  Les caches des armes et du matériel militaire
  Les terrains de parachutages dans la Drôme
  Bombardements alliés et allemands dans la Drôme
  Immeubles détruits par les Allemands et la Milice
  Emplacement de camps de maquis de 1943 au 5 juin 1944
  Localisation des groupes francs qui ont effectué des sabotages en 1943
  Implantation et actions de la compagnie Pons
  FFI morts au combat ou fusillés
  Plan-de-Baix, Anse, 16 avril 1944
  Géopolitique de la Résistance drômoise en juin-juillet 1944
  Dispositif des zones Nord, Centre, Sud vers le 10 juin 1944
  Combovin, 22 juin 1944
  Vassieux-en-Vercors 21, 22, 23 juillet 1944
  Combat de Gigors 27 juillet 1944
  Le sabotage du pont de Livron
  Carte simplifiée de la bataille de Montélimar du 21 au 24 août 1944
  Carte simplifiée de la bataille de Montélimar du 25 et 26 août 1944
  Carte simplifiée de la bataille de Montélimar du 27 au 29 août 1944
  Carte simplifiée de la bataille de Montélimar du 29 août à 12 heures le 30 août 1944
  Etrangers au département, non juifs, arrêtés dans la Drôme et déportés
  Déportation, arrestations dans la Drôme
  Déportation des Juifs dans la Drôme
  Lieu de naissance de Drômois déportés, arrêtés dans la Drôme et à l’extérieur du département
  Cartes des principaux lieux de mémoire dans la Drôme
  Perceptions de la Résistance drômoise

Publications locales :

Une bibliographie plus détaillée sera accessible dans l’espace « Salle de consultation » du Musée virtuel.

SAUGER Alain, La Drôme, les Drômois et leur département. 1790-1990. La Mirandole. 1995.
GIRAUDIER Vincent, MAURAN Hervé, SAUVAGEON Jean, SERRE Robert, Des Indésirables, les camps d’internement et de travail dans l’Ardèche et la Drôme durant la Seconde Guerre mondiale. Peuple Libre et Notre Temps, Valence, 1999.
FÉDÉRATION DES UNITÉS COMBATTANTES DE LA RÉSISTANCE ET DES FFI DE LA DRÔME, Pour l’amour de la France. Drôme-Vercors. 1940-1944. Peuple Libre, Valence, 1989.
DE LASSUS SAINT-GENIÈS (général), DE SAINT-PRIX, Combats pour le Vercors et la Liberté. Peuple Libre, Valence, 1982.
LA PICIRELLA Joseph. Témoignages sur le Vercors, 14e édition, Lyon, 1994
LADET René, Ils ont refusé de subir. La Résistance en Drôme. Auto-édition. Portes-lès-Valence, 1987.
DREYFUS Paul, Vercors, citadelle de Liberté, Arthaud, Grenoble, 1969.
MARTIN Patrick, La Résistance dans le département de la Drôme, Paris IV Sorbonne, 2002.
SERRE Robert, De la Drôme aux camps de la mort, Peuple Libre et Notre Temps, Valence, 2006.
SUCHON Sandrine, Résistance et Liberté. Dieulefit 1940-1944. Éditions A Die. 1994.
VERGNON Gilles, Le Vercors, histoire et mémoire d’un maquis, L’Atelier, Paris, 2002.

Dvd-rom La Résistance dans la Drôme et le Vercors, éditions AERD-AERI, 2007.

Ce travail n’aurait pu avoir lieu sans l’aide financière du Conseil général de la Drôme, du Conseil régional de Rhône-Alpes, du Groupe de Recherches, d’Études et de Publications sur l’Histoire de la Drôme (GRÉPHiD) et de l'AERD qui y a affecté une partie des recettes de la vente des dvd-roms, La Résistance dans la Drôme et le Vercors.

L’équipe de la Drôme tient à les remercier ainsi que :
- l’Office départemental des anciens combattants (ONAC),
- la Direction départementale de l’équipement de la Drôme (DDE),
- le Centre départemental de documentation pédagogique de la Drôme, (CDDP),
- le personnel et la direction des Archives départementales de la Drôme, de l’Isère, des Archives communales de Allan, de Crest, de Die, de Grâne, de Montélimar, de Romans-sur-Isère, de Triors, de Saint-Donat-sur-l’Herbasse, de Saint-Uze,
- les Archives fédérales allemandes (Bundesarchiv), le National Archives and Records Administration (NARA), The National Archives (les archives nationales britanniques), Yad Vashem,
- le Musée de la Résistance en Drôme et de la Déportation de Romans, le Musée de la Résistance de Vassieux-en-Vercors, le Mémorial de La Chau, le Musée de Die, le Musée Saint-Vallier, la Médiathèque de Montélimar, le Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, le Mémorial Shoah, l’Association des Amis du Musée des blindés de Saumur, le Musée de la Division Texas (USA),
- l’Association Études drômoises, l’Association Mémoire d’Allex, l’Association Sauvegarde du Patrimoine romanais-péageois, l’Association Mémoire de la Drôme, l’Association des Amis d’Emmanuel Mounier, l’Association Patrimoine, Mémoire, Histoire du Pays de Dieulefit, l’Amicale maquis Morvan, la Fédération des Unités Combattantes et des FFI de la Drôme, l’Association nationale des Pionniers et Combattants Volontaires du Vercors.

Mais nos remerciements s’adressent surtout à toutes celles et tous ceux, notamment résistantes, résistants et leurs familles, qui ont accepté de livrer leurs témoignages, de nous confier leurs documents et leurs photographies. Ils sont très nombreux et leurs noms figurent dans cette exposition. Ils s’apercevront au fil de la lecture que leur contribution a été essentielle pour l’équipe qui a travaillé à cette réalisation. Grâce à eux, une documentation inédite a pu être exploitée, permettant la mise en valeur de personnes, d’organisations et de faits jusqu’alors méconnus. Grâce à eux nous avons pu avancer dans la connaissance de la Résistance dans la Drôme et plus largement dans celle d’une histoire de la Drôme sous l’Occupation.
L’étude de cette période et des valeurs portées par la Résistance, liberté, solidarité, justice et progrès social…, nous semble plus que jamais d’actualité.

 

CONCEPTION, RÉALISATION

Maîtres d’ouvrage :
Association pour l’Élaboration d’un Cédérom sur la Résistance dans la Drôme (AERD), en lien avec l'Association pour des Études sur la Résistance intérieure (AERI) au niveau national. 

Maîtrise d’ouvrage : Carré multimédia. 

Gestion de projet AERI : Laurence Thibault (directrice) – Laure Bougon (chef de projet) assistée d’Aurélie Pol et de Fabrice Bourrée. 

Groupe de travail : Pierre Balliot, Alain Coustaury, Albert Fié, Jean Sauvageon, Robert Serre, Claude Seyve, Michel Seyve. Patrick Martin et Gilles Vergnon interviennent sur des notices spécifiques. 

Sont associés à ce travail tous ceux qui ont participé à la réalisation du Dvd-rom La Résistance dans la Drôme, et qui par la même, ont contribué à une meilleure connaissance de la Résistance dans le département. 

Groupe pédagogique : Patrick Dorme (CDDP Drôme), Lionel FERRIERE (enseignant Histoire en collège et correspondant du musée de Romans), Michel MAZET (enseignant en lycée et correspondant des archives départementales). 

Cartographie : Christophe Clavel et Alain Coustaury.

Pour les déportés survivants, les prisonniers de guerre, les travailleurs plus ou moins forcés, la libération progressive des territoires et la chute du IIIe Reich signifient le retour au pays. Le cauchemar ne s'achève vraiment que le jour où ils retrouvent leur maison et leur famille. Avril et mai 1945 voient un afflux imprévu de rentrants, souvent dans un état déplorable, qu'on a bien du mal à accueillir, alimenter, soigner. À Paris, où ils passent pour la plupart, tous sont, sans distinction, appelés des « rapatriés ». L'hôtel Lutétia, ancien siège de la Gestapo, est le lieu choisi pour cet accueil. Très vite submergé, on y ajoutera pour les prisonniers de guerre (PG), des cinémas parisiens, la caserne de Reuilly et la gare d'Orsay. Les arrivants, par avion, train, camion, ou ... à pied, doivent y subir des formalités et un contrôle destiné à démasquer les collabos tentant de profiter du moment pour se refaire une virginité. Ils sont assaillis par les familles venues dans la capitale avec l'espoir de voir arriver l'être cher qu'elles attendent. Et qui, trop souvent, ne reviendra pas.

C'est ensuite le voyage jusqu'à Valence, où les quais sont encore pleins de parents dans l'attente, puis au domicile. Environ 6 000 Drômois de retour d'Allemagne y débarquent. Quelques centaines de déportés rescapés des camps, mais physiquement et moralement épuisés, près de 4 000 prisonniers de guerre et 2000 travailleurs du STO (Service du travail obligatoire). Commence alors, pour ceux qui peuvent se remettre de l'épreuve, au prix parfois d'un séjour en centre sanitaire, une nouvelle vie, pas toujours facile : la réintégration dans un monde normal, dans un foyer souvent modifié par des décès ou des naissances, au milieu de gens qui ont aussi souffert de la guerre. Il faudra beaucoup de temps et de patience pour reconstruire ce que la déportation ou la captivité ont désagrégé. 

Auteur : Robert Serre
Source : Dvd-rom La Résistance dans la Drôme-Vercors, éditions AERI-AERD, février 2007.


 

Guy Eberhard à l’hôtel Lutétia à Paris, fin mai 1945



  • Contexte historique
  • Analyse média

Revoir la terre de France, c’était vraiment l’un des souhaits les plus chers des déportés. Les survivants ont eu une somme incroyable de hasards heureux, de chances. Et c’est la fin de la guerre qui permet qu’il y en ait. Car ce qui distingue les morts des rescapés, ce ne sont que quelques jours, quelques semaines entre le moment de leur libération et celui, tout proche, où ils auraient disparu à leur tour. « Nous étions des morts revenus par hasard » écrit Violette Maurice, rescapée de Ravensbrück.

L’arrivée à Paris de tous ceux qui rentrent d’Allemagne, prisonniers ou déportés, commence en avril 1945. En septembre 1944, un ministère aux prisonniers, déportés et réfugiés avait remplacé le simple commissariat. Dans la capitale, les modalités d’accueil avaient été préparées correctement… pour des prisonniers de guerre. Mais personne n’imaginait qu’il y aurait tant de gens à secourir, et avec une telle urgence. On avait des renseignements sur les prisonniers, mais on ne savait pas grand chose sur les déportés politiques et encore moins sur les déportés raciaux. 

En même temps que les 1 200 000 prisonniers de guerre, en avril et mai 1945, arrivent 700 000 travailleurs requis du STO (Service du travail obligatoire), des réfugiés de toutes sortes, des Alsaciens-Lorrains enrôlés de force dans la Wehrmacht et les déportés. Comment faire face à un tel afflux, dans un pays abattu ? Ce qui n’était pas prévu non plus, c’est que les responsables de l’accueil se trouvent devant des êtres squelettiques, habillés comme des clochards, souffrants, au regard encore apeuré, protégeant instinctivement leur tête du bras lorsqu’on les interpelle. Des êtres sans forces qu’il faut soutenir dans les escaliers et guider dans leur marche, parfois hospitaliser immédiatement. Étienne Allemand revoit des scouts qui le descendent sur sa civière, il entend dans le lointain une Marseillaise et se réveille à la Salpetrière. C’était un homme de 80 kilos, il en pesait 39 à son arrivée à Romans. Que peuvent faire les dames de charité venues bénévolement renforcer des équipes médicales insuffisantes ?

L'hôtel Lutétia, dont on évacue les prisonniers de guerre encore présents, est réquisitionné. On appelle les médecins, infirmières, dentistes de la région. On accapare les stocks de lait en poudre, de pâtes, de riz, de biscuits. On aménage le grand hall de l'hôtel pour y placer les équipes d'accueil, les personnels médicaux et les services du renseignement chargés d'éliminer les faux déportés.
Très vite, les familles arrivent, mues autant par l’inquiétude que par l’espoir. Les cloisons sont couvertes de photos ou d’annonces placardées. Des scènes déchirantes se produisent quand personne ne répond à cette attente. De folles scènes de joie aussi lors de retrouvailles. Mais souvent, la famille ne reconnaît pas son déporté, non à cause des vêtements de bric et de broc, mais en raison de sa maigreur, de sa pâleur, de son visage de vieillard…: telle mère a en tête un jeune garçon plein de vigueur et ne voit qu’un homme maigre, voûté, ridé, vêtu d’oripeaux rayés ; tel homme avait vu partir une épouse fringante et ne retrouve qu’une femme sans âge, au crâne rasé, parmi d’autres toutes couvertes des mêmes haillons. Ici et là, des gens crient un nom, espérant au moins obtenir un renseignement par des camarades. Roger Algoud a vécu cela : « Une foule de civils, d’uniformes et de femmes s’était précipitée à l’annonce de ce retour de déportés français. Dans l’esprit des libérés pas du tout remis, ce fut un moment de panique, […] ces gens s’étaient mis à les apostropher, appelant au hasard, criant des noms, se trompant. Ça a duré un moment, ils croyaient tous reconnaître un visage ! »
Dans la presse de 1945, paraissent de multiples avis de recherche, auxquels, peu à peu, vont se substituer des listes interminables d’avis de décès dans les camps. Les familles des disparus, de ceux qui ne sont pas rentrés, espèrent toujours et continuent longtemps à piétiner dans le hall de la gare. Elles s’accrochent à l’idée que l’être cher survit peut-être quelque part. Aussi ne cessent-elles d’interroger les arrivants des camps et les services officiels pour en tirer le moindre renseignement, la moindre piste. Elles ont d’abord espéré que leur déporté était bloqué en Allemagne par la quarantaine imposée par les Alliés dans certains camps touchés par l’épidémie de typhus. Cet espoir a cessé. On ne peut que supposer la mort et c’est alors une torture morale longue à effacer. Comment ces gens imagineraient-ils que des milliers d’êtres humains aient ainsi disparu dans « la nuit et le brouillard » ?
Madame Mérandat, de La Roche-de-Glun, a vu revenir ses deux fils Roger et André, mais elle ne peut se faire à l’idée que son mari Louis ne rentrera pas : pendant un an au moins, elle ne cesse de croire à son retour, échafaudant des hypothèses sur ce qui aurait pu lui permettre de rester en vie. La nuit, au moindre bruit, elle est persuadée de l’entendre arriver. Il lui faudra longtemps pour admettre cette disparition.
Ce drame, bien des familles de déportés l’ont vécu : Albert Dupont est mort à Bergen-Belsen le 14 avril 1945, mais sa famille n’en a rien su. Son épouse et leurs trois enfants, ainsi que le jeune réfractaire qu’ils camouflaient, espèrent encore : « Pendant un an, tous les cinq nous l'avons attendu, tant bien que mal on a travaillé à la ferme pour vivre, aidés par nos plus proches voisins. Des camarades de camps sont venus, ceux qui ont pu résister à ce bagne. Ils ont expliqué à ma mère cet enfer.[…] Son copain de détention qui est venu chez nous après sa libération, nous a dit qu'il l'avait lui même enterré, enroulé dans sa couverture, et là s'est terminé le calvaire de mon père, de cette maudite guerre. Pour nous c'était fini, il n'y avait plus d'espoir, ma mère a donc tout vendu le matériel agricole et a cédé la ferme. Ma mère a acheté une petite épicerie, en 1945, rue Archinard à et ainsi a pu vivre et élever ses enfants : moi, 18 ans, Maryse, 6 ans, Simon à peine 2 ans, et la vie a continué ».
Les déportés se prêtent sans trop rechigner aux multiples questions des officiers du renseignement. Questionnement peu productif d’hommes et de femmes inertes, façonnés, derrière les barbelés, à ne plus s’occuper que de trouver quelque chose à manger, d’échapper aux coups et de vivre un jour de plus. « Des officiers et des médecins nous interrogeaient sur notre parcours concentrationnaire, ce que nous avions subi, etc. » dit Marcel Got. On leur a expliqué qu’il s’agissait de retrouver la trace de camarades disparus et de dépister les usurpateurs, STO plus ou moins volontaires se posant en victimes même s’ils sont partis attirés par l’appât du gain ou poussés par leurs convictions, kapos ou mouchards tentant de disparaître sous de fausses identités… Un exemple parmi tant d’autres, cette femme, Odette M, 28 ans, originaire de Châteauneuf-d’Isère, qui, le 29 mars 1944, part volontairement avec les Allemands, puis revient en 1945 en se faisant passer pour déportée, et s’installe à Suze (sur-Crest). C’est là que, au début juin 1945, les gendarmes la découvrent et la transfèrent à Valence où elle est écrouée.
À chaque déporté, une somme de 3 000 francs est remise ainsi qu’un costume. « On m’a donné une paire de chaussures à semelles de bois sciées en parties articulées et un beau costume marron, se souvient Marcel Got, j’ai jeté mes guenilles rayées avec plaisir ».
Le Romanais Robert Monier raconte qu’à l’hôtel Lutétia, on leur distribue à manger et à boire. Un verre de vin à chacun, c’était une ration de prudence, mais insuffisante pour certains qui rêvent de ce vin français depuis si longtemps ! L’un des amis de Robert Monier déniche une bouteille pleine et ne peut résister à la tentation de la boire. C’était évidemment l’erreur à ne pas commettre et le pauvre est mort peu après de ce plaisir inconsidéré.
Les déportés épuisés se laissent emmener vers les différents services d’hygiène et de santé : douche, désinfection, laboratoire, examens médicaux et dentaires, radiographies, soins, etc. L’épreuve ne s’arrête pas du jour au lendemain : les suites médicales, psychologiques, familiales… sont souvent longues et douloureuses. En très grand nombre, les déportés doivent faire un séjour en sanatorium pour y soigner la tuberculose : le sanatorium des Petites Roches à Saint-Hilaire-du-Touvet, dans l’Isère, le sanatorium des Neiges à Briançon et celui du Lac de Villers, dans le Doubs, accueillent de nombreux déportés drômois. De longs mois encore loin des siens. Et souvent des séquelles irréversibles.
Lorsque la guérison est assurée, les déportés reviennent dans la Drôme où ont été ouverts des centres de repos et de convalescence. Beaucoup de rescapés des camps témoignent de leur comportement et de l’état de conditionnement dans lequel ils sont encore : ils se rangent instinctivement par cinq pour se promener, ils ne peuvent dormir dans un lit …
Guy Eberhard est accueilli à l’hôtel Lutétia, puis rejoint Lyon en train, surpris qu’il faille une journée entière pour ce voyage, ignorant les multiples destructions de voies, de ponts… Dans les gares, des comités d’accueil se dépensent sans compter pour offrir du café ou des sandwiches aux déportés. Des femmes demandent des nouvelles des leurs, interrogent les déportés, persuadées que chacun d’eux a connu leur mari, leur frère, leur fils. Hélas, les réponses sont rares.


Auteurs : Robert Serre
Sources : AD Rhône, 3808 W 313, Rey-Robert René. ADD, 123 W 1, registre et fiches individuelles dans 99 W 6 (A à G) et 7 (H à Z), 132 J 2, 18, 80 à 84, 1500 W 24, 500 W 29, 348 W 13-14, 99 W 6, 180 W 64. Olga Wormser-Migot, Le retour des déportés. Quand les Alliés ouvrirent les portes…, éd. Complexe, Bruxelles, 1985. André Kaspi, Les Juifs pendant l’Occupation, Seuil Points Histoire, Paris 1997. V. Pozner, Descente aux enfers. Récits de déportés et de SS d’Auschwitz, Paris Julliard, 1980. Raymond Ruffin, La vie des Français au jour le jour, op cit. Annette Wievorka, Déportation et génocide, Plon, Paris 1992. Jeanne Deval, Les années noires, éd. Deval Romans, 1984. Robert Serre, De la Drôme aux camps de la mort, les déportés politiques, résistants, otages, nés, résidant ou arrêtés dans la Drôme, éd. Peuple Libre / Notre Temps, 2006. Extraits de « Mémoire de famille », rédigé par Ginette Dugand, la fille aînée d’Albert Dupont. Archives Maryse Renaudin, deuxième fille d’Albert Dupont. Journal Officiel du 12 mai 1945. Le Crestois, 9 juin 1945. Le Dauphiné Libéré, 27 juin 2004.

Il porte encore la tenue rayée sur les vêtements qu’on lui a remis ; ses cheveux ont commencé à repousser et il a repris du poids.


Auteurs : Robert Serre

Titre : Guy Eberhard à l’hôtel Lutétia à Paris, fin mai 1945

Légende :

Guy Eberhard à l’hôtel Lutétia à Paris, fin mai 1945.

Genre : Image     Type : Photo

Producteur : Inconnu

Source : © Collection Guy Eberhard

Détails techniques :

Photographie argentique noir et blanc.


Date document : Mai 1945

Lieu : France - Ile-de-France - Paris - Paris