Sabotages et attentats réalisés par les FTP-MOI de Marseille

Légende :

Le premier numéro de La Marseillaise, organe du front national revendique les actions des FTP contre les collaborateurs et troupes d'occupation.

Genre : Image

Type : Presse clandestine

Source : © gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France Droits réservés

Date document : Décembre 1943

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille

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Analyse média

Le Front national de lutte pour la libération et l'indépendance de la France créé en mai 1941 sous l'impulsion du Parti communiste, se développe dans les Bouches-du-Rhône à partir de 1942-43. Pierre Brandon, alias Balzac, est envoyé fin 1943 à Marseille. Il met sur pied la publication d'un véritable journal, La Marseillaise, dont le premier numéro sort le 1er décembre 1943 sur les presses de l'imprimerie Tournel à Aix-en-Provence.

Le titre de la première colonne qui annonce un "débarquement à Marseille" ne doit pas être pris au pied de la lettre. Ce sont les Marseillais et Provençaux rassemblés dans le Front national qui constituent le "million de soldats libérateurs". Pour le Parti communiste, la libération doit être l'oeuvre de la population et précéder les débarquements des forces régulières alliées et de la France libre.

L'essentiel de la première page est un long article qui a valeur d'éditorial. Il entend démontrer que contrairement à la propagande de Vichy et des autorités allemandes, les vrais patriotes sont ceux qui luttent pour la libération du pays. C'est pour affirmer l'unité de tous les combattants du Front national que l'article à la gloire des actions des FTP ne mentionne jamais qu'elles sont le fait du détachement Marat (nom des FTP-MOI sur Marseille), en particulier de sa section juive et de l'Union des Juifs pour la Résistance et l'Entraide (UJRE). L'exécution des collaborateurs français est mise en avant pour montrer que les personnes abattues sont des traîtres et que cela doit servir d'avertissement à tous les auxiliaires de la répression. La dernière colonne énumère rapidement les sabotages d'installations servant à l'effort de guerre allemand et les attentats contre les troupes d'occupation afin de montrer le dynamisme et l'efficacité des FTP. Curieusement l'attentat contre le cinéma Le Capitole qui coûte la vie à Maurice Korzec et deux de ses camarades n'est pas évoqué.

Un encart est consacré à l'exécution de l'inspecteur Balligand. La forme et les termes choisis ancrent l'idée que les traîtres sont exécutés sans délai à la suite d'un jugement du peuple. L'inspecteur Georges Balligand en poste à Nîmes a participé à l'arrestation et aux interrogatoires de deux jeunes communistes, Jean Robert et Vincent Faïta, guillotinés le 22 avril 1943 dans la maison d'arrêt de Nîmes. Muté à Marseille, il est abattu d'une rafale de mitraillette le 6 novembre par un commando du groupe Marat.

Toujours pour lutter contre la propagande présentant les résistants comme des terroristes, la conclusion de l'article martèle que les FTP appartiennent à l'armée régulière française, qu'ils sont solidement formés et encadrés et ne constituent pas ce que l'affiche rouge qui sera placardée dans quelques semaines appellera "l'armée du crime".


Auteur : Sylvie Orsoni

Sources et bibliographie :
David Diamant, Les Juifs dans la résistance française 1940-1944 (avec armes ou sans armes), Paris, Roger Maria Editeur, 1971.
Grégoire Georges-Picot, L'innocence et la ruse. Des étrangers dans la Résistance en Provence, Paris, éditions Tirésias, 2011.
Robert Mencherini, Résistance et Occupation (1940-1944). Midi Rouge, ombres et lumières, tome 3, Paris, Syllepse, 2011.
Jacques Ravine, La résistance organisée des juifs en France 1940-1944, Paris, Julliard, 1973.
Basil Serban, Du détachement « Marat » à l'Etat-major de la Zone Sud, PACA-Libération de Marseille.

Contexte historique

A la date de parution du premier numéro de La Marseillaise, les FTP-MOI ont réussi de nombreuses actions contre les collaborateurs et les troupes d'occupation. Ils sont issus de la Main d'oeuvre immigrée (MOI) créée par le parti communiste en 1932. La section juive yiddishophone est particulièrement étoffée. Aux militants déjà implantés avant-guerre comme Avram et Choura (Sifra) Haham, viennent s'agréger des réfugiés de la zone nord comme Hélène Taich, Rose et Maurice Korzec et de nombreux anciens membres des Brigades internationales comme Basil Serban et Léon Tchernine, qui fournissent les cadres des opérations armées.

Les militants de la MOI de Marseille, conformément aux directives du parti communiste basculent dans les Francs-tireurs et Partisans (FTP). Le premier groupe marseillais de FTP-MOI est constitué au cours de l'été 1942. Il rassemble des immigrés de toute origine et prend le nom de Marat en hommage au révolutionnaire français. Au printemps 1943, il est décidé de regrouper toutes les organisations de résistance juive communiste dans l'Union des Juifs pour la Résistance et l'Entraide (UJRE) et de créer des groupes de combat qui visent des objectifs spécifiquement juifs. Nat Taich, Albert Levine et Roger Godchot sont à l'origine du premier groupe de combat marseillais de l'UJRE. Les membres de l'UJRE se retrouvent aux côtés de leurs camarades FTP-MOI et parfois FTP pour les opérations plus générales. Toutes les opérations citées par La Marseillaise sont le fait du détachement Marat. L'UJRE intervient dans l'exécution de Maurice Koenig et de Toussaint Manfredi. Basile Serban rappelle qu'en 1942 le manque d'armes limitait les actions mais qu'en 1943 le ravitaillement en armes et munitions est presque assuré en permanence. Les actions du détachement Marat et de l'UJRE se poursuivent à un rythme soutenu jusqu'à la libération de Marseille.


Auteur : Sylvie Orsoni

Sources et bibliographie :
David Diamant, Les Juifs dans la résistance française 1940-1944 (avec armes ou sans armes), Paris, Roger Maria Editeur, 1971.
Grégoire Georges-Picot, L'innocence et la ruse. Des étrangers dans la Résistance en Provence, Paris, éditions Tirésias, 2011.
Robert Mencherini, Résistance et Occupation (1940-1944). Midi Rouge, ombres et lumières, tome 3, Paris, Syllepse, 2011.
Jacques Ravine, La résistance organisée des juifs en France 1940-1944, Paris, Julliard, 1973.
Basil Serban, Du détachement « Marat » à l'Etat-major de la Zone Sud, PACA-Libération de Marseille.